Les temps sont rudes pour l'open innovation ! La crise a un peu plus mis à mal des collaborations startups/grands groupes déjà compliquées. C'est ce que montrent deux études, dévoilées ce jeudi par Le Village by CA et Capgemini d'un côté et Raise en collaboration avec le cabinet Bain, de l'autre. Ainsi, dans le cadre de son programme David avec Goliath, Raise a interrogé 120 startups et plus de 25 grands comptes sur ce que la crise avait changé pour leurs relations. Et la réponse est sans appel : 70% des alliances en phase de négociation ont été "décalées ou stoppées" alors que 40% des POC et 30% des partenariats déjà noués ont eux aussi été mis en pause ou arrêtés.

Et pour cause : startups mais surtout grands groupes ont très largement anticipé les effets négatifs de la crise, qui tiennent parfois de la prophétie auto-réalisatrice. Le baromètre annuel de la relation startups-grands groupes établi par Le Village by CA, et qui s'est étoffé cette année d'une section dédiée à la crise, montre ainsi que 18% des corporates ont ralenti leur prospection ou leurs échanges avec les jeunes pousses, 12% ont freiné les échanges visant à mettre en place un partenariat alors que près de 30% se sont recentrés exclusivement sur leur coeur de métier, délaissant la diversification de leurs activités.

Trouver des partenaires solides en temps de crise

Un coup d'arrêt aux projets d'open innovation préjudiciable pour les jeunes pousses, déjà mal en point du fait de la crise. 85% d'entre elles ont vu leur chiffre d'affaires baisser, 80% témoignent d'un impact négatif de la crise sur leur entreprise et un tiers se disent même inquiètes pour leur avenir, selon l'étude conduite par Raise et Bain. Et c'est justement dans de tels moments de difficultés que les startups cherchent à prendre appui sur leurs partenaires corporates... qui n'ont visiblement pas tous été au rendez-vous !

De quoi expliquer la persistance de quelques décalages de perception entre startups et grands comptes, comme en atteste le baromètre 2020 du Village by CA. Ainsi, près de 6 startups sur 10 (59%) se disent insuffisamment accompagnées par leurs partenaires corporates et moins d'une sur deux (47%) jugent leur relation équilibrée. Alors que de leur côté, les grands groupes sont près de 7 sur 10 à estimer qu'ils accompagnent assez les startups avec lesquelles ils travaillent et que leur relation est équilibrée.

Sus à l'innovation washing !

Alors la crise a-t-elle révélé le pire dans ces relations déjà complexes entre grands groupes et startups ? Ce serait oublier qu'elle a aussi eu un effet de catharsis. D'abord, il y a aussi eu du positif : 50% des grandes entreprises ont aidé une partie de leurs jeunes entreprises partenaires au développement d’opportunités commerciales internes ou externes et 35% ont même aidé financièrement leurs partenaires, avec une avance de trésorerie ou un paiement de facture plus rapide. Les bons comptes faisant les bons amis, cela a resserré les liens entre les corporates qui ont joué le jeu et leurs partenaires.

Ce moment de vérité a ainsi contribué à trier le bon grain de l'ivraie. "L'innovation washing, c'est fini, se réjouit Raise. Avec moins de temps et d’argent disponibles, les grands groupes font face à la nécessité de moins se disperser, pour s’impliquer davantage en vue de résultats plus importants." Plus question donc de nouer des collaborations pour faire joli sur le papier : l'efficience sera le maître mot de l'open innovation du monde d'après ! "Cette crise nous incite à exposer encore plus précisément les raisons pour lesquelles nous comptons ou non sélectionner les startups et leur permettre d’avoir une vision réaliste du marché pour qu’elles adaptent leur proposition en conséquence" , analyse David Gache, responsable du développement de CNP Assurances. Une vision partagée par Quentin Guilluy, cofondateur d'Andjaro : " côté startup, il va falloir bien travailler sur la proposition de valeur. Pour les 24 prochains mois, l’attention sera portée sur comment nous nous vendons et nous rendons indispensables ".

Startups comme grands groupes identifient ainsi leurs partenariats potentiels comme des leviers de rebond après la crise : 95% des grandes entreprises jugent les alliances toujours pertinentes voire déterminantes dans la reprise économique, selon l'étude de Raise et Bain. Mais il leur faudra pour cela améliorer leur façon de travailler ensemble ; la lenteur de la prise de décision du côté grands groupes et la difficulté à communiquer restant des points noirs pour les jeunes pousses qui travaillent avec des corporates.