Tribunes par Arnaud Sourisseau
18 juin 2020
18 juin 2020
Temps de lecture : 4 minutes
4 min
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Comment réussir sans levée de fonds ?

C’est un fait, les levées de fonds font rêver. Elles sont donc extraordinairement médiatisées, au point d’apparaître aux entrepreneurs comme une fin en soi. Peut-être est-il temps de casser le mythe selon lequel une entreprise qui ne lève pas ne peut pas réussir... ? Quelques bonnes pratiques pour faire rimer croissance et indépendance.
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– J’ai une startup !
– Tu as levé des fonds
?
– Euh… non.
– Donc tu n’as pas de startup.

Faute de chiffre d’affaires, les startups exhibent leurs tours de table comme autant de trophées. Si lever est incontestablement un indicateur de la confiance des investisseurs, c’est aussi devenu peu à peu, aux yeux du grand public, un étalon de performance, un gage de qualité. De quoi laisser penser que la levée de fonds est tout simplement incontournable pour faire croître son activité. Pourtant, elle ne prédit en rien du succès des jeunes pousses ! Pire, la course aux investisseurs peut empêcher ces dernières de se concentrer sur le seul objectif qui vaille : la création d’un modèle économique pérenne, c’est-à-dire rentable.

En 2019, quatre entreprises françaises ont levé plus de 100 millions d’euros : Meero, Doctolib, Ynsect et ManoMano. Le tapage médiatique autour de ces levées en ferait presque oublier toutes les entreprises qui se développent sans passer par cette étape, celles qui construisent leur business model autour de la recherche d’un équilibre économique, d’un modèle qui soit viable sans passer par des années de pertes. En 2018, 25% seulement des startups françaises ont été en recherche active d’investisseurs. Les autres avaient déjà reçu suffisamment de financement ou… s’en sont passé, tout simplement.

Mais pourquoi se passer d’argent frais ?

Il est vrai que certains secteurs d’activité ont besoin d’ouvrir rapidement leur capital afin d’atteindre un proof of concept ou un certain seuil de rentabilité. Pour les autres, il existe de nombreuses raisons de ne pas lever, ou en tout cas pas tout de suite.

Maintenir le cap de la rentabilité sans être sous perfusion permet de maîtriser le rythme de croissance, et d’éviter de nombreuses erreurs : on est plus vigilant dans la hiérarchisation des sujets, on ne risque pas de surdimensionner les ressources. On grandit de manière saine et mesurée, ce qui permet de franchir plus sereinement les paliers opérationnels, organisationnels et humains. Par ailleurs, la présence d’actionnaires extérieurs exige de dédier une partie de son temps à du reporting et de se préoccuper des conditions de sortie des investisseurs – un sujet toujours délicat.

En tant que plateforme de consultants et managers indépendants, One Man Support a dans son ADN intrinsèque la notion de liberté. Nous avons ainsi décidé d’autofinancer notre développement afin de garder la main sur la barre et de pouvoir véritablement créer une entreprise qui nous ressemble. Ce qui ne nous a pas empêchés d’afficher une croissance de 40 à 60% par an depuis notre création il y a 6 ans !

Bien sûr, il ne s’agit pas de s’interdire éternellement et de manière dogmatique toute aide financière extérieure. Mais plus la levée de fonds intervient tard, plus elle se fait dans de bonnes conditions, car l’entreprise a déjà construit un produit pérenne et scalable. Le rapport de forces avec les investisseurs potentiels est plus équilibré et la valorisation plus juste.

Alors, comment faire pour rester indépendant ?

Quelle que soit l’activité, le juge de paix quand il s’agit de l’évaluer dans la durée est la rentabilité. C’est elle qui doit être la priorité absolue des fondateurs et de l’équipe, que ce soit à court ou moyen terme. L’objectif doit être de préserver une structure de coûts saine et solide, tout en faisant bien sûr croitre le chiffre d’affaires, afin que l’activité puisse générer une rentabilité intrinsèque. Pour nous chez OMS qui avions des ambitions fortes en matière à la fois de développement et d’indépendance, cela a supposé de piloter les coûts de manière maîtrisée, mais aussi de réinvestir les premières rentrées. Une discipline qui peut être plus difficile à mettre en œuvre lorsqu’on a une levée de fonds en ligne de mire – et qui doit être entérinée dès le départ entre associés.

Une autre bonne pratique, qui peut sembler évidente tant il s’agit aujourd’hui d’un mot-valise : rester customer centric. Il est très facile de devenir obsédé par le produit, puis par la levée de fonds qui va mener à un produit encore meilleur. Au passage, on en oublie celui dont tout dépend : le client. De quoi a-t-il réellement besoin, aujourd’hui ? Si la solution n’est pas encore en mesure de satisfaire toutes ses attentes, lesquelles faut-il ériger en priorités, lesquelles permettraient quand même de gagner son adhésion ? Finalement, le client est notre meilleur investisseur. Il nous montre les meilleures options, les choix les plus pérennes.

C’est guidés par ces principes que nous avons conçu et développé One Man Support. Nous nous sommes concentrés sur nos clients qui ont communiqué pour nous, nous avons recruté au fur et à mesure de nos besoins et nous n’avons cessé de développer notre chiffre d’affaires, pour atteindre 14 millions d’euros en 2019 et 18 millions attendus cette année. Rentables, en forte croissance et… pleinement libres !

Arnaud Sourisseau, Fondateur de One Man Support