Outils et conseils par Tristan Laffontas
13 juillet 2020
13 juillet 2020
Temps de lecture : 12 minutes
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Tout ce que j’aurais voulu savoir avant de monter ma boîte

Avec de créer MoiChef, Tristan Laffontas aurait bien aimé quelques conseils honnêtes. Revue de détail.
Temps de lecture : 12 minutes

Article initialement publié en décembre 2018

J'ai connu ce moment où j’ai eu la révélation, l’idée qui va littéralement changer le monde. C’est arrivé à peu près comme ça :

Pour certaines personnes, l’idée arrive sous la douche. Moins sale, mais plus compliqué à dessiner.

Dans cet article je vais vous raconter ce qu’il s’est passé juste après avoir eu l’idée de ce qui deviendrait par la suite MoiChef. Je ne partais pas du tout dans la bonne direction. La bonne nouvelle : j’ai rapidement découvert une méthodologie de création de startup qui m’a permis de corriger le tir. Cette méthode m’a tellement convaincu qu’à présent je l’enseigne à l’université (Paris Dauphine) et en école de commerce (EDHEC). Il m’arrive même régulièrement d’accompagner des grands groupes pour les aider à innover en interne. Mon objectif est que vous compreniez comment un entrepreneur passe de la simple “idée” à une entreprise qui trouve son “Market/Fit” le plus vite possible (= vous avez trouvé votre marché, vous avez de vrais clients, pas seulement votre famille et vos amis).

Autre bonne nouvelle pour les entrepreneur·e·s : si vous devez vous planter, grâce à cet article vous le ferez beaucoup, beaucoup plus vite. Oui, c’est une bonne nouvelle car il vous restera encore plein de temps (et peut être même d’indemnités chômage) pour tester une autre idée. Mais avant toute chose, observons le plan génial que j’avais en tête pour devenir millionnaire.

Comment planter sa startup en 5 étapes simples et efficaces

Voyons comment vous pourriez vous y prendre en raisonnant comme moi à l’époque pour créer ma startup MoiChef :

1. Protéger son idée

Fort de mon diplôme d’ingénieur et de 8 ans d’expérience dans des grands groupes, j’avais plein d’idées reçues sur la création d’entreprise, et beaucoup de certitudes. La première : protéger mon idée.

"Un plan aussi génial, mieux vaut le garder pour moi"

Première erreur. C’est assez contre intuitif je sais, mais vraiment… non. Soit vous avez un doctorat et vous êtes déjà en train de breveter votre innovation, soit vous devez parler de votre idée autour de vous, le plus possible.

2. Faire un Business Plan

Un Business Plan, c’est un fichier excel qui permet de répondre à la question suivante : “Dans combien d’années serai-je millionaire ?”. C’est un exercice très excitant puisqu’on se rend vite compte qu’il suffit de décaler une virgule pour passer de la Clio à la Tesla, et même au Yacht. Vous n’êtes pas rentable dans 2 ans ? Augmentez votre croissance mensuelle de quelques pourcents et hop !

Le business plan a l’avantage de vous forcer à vous poser certaines questions, principalement votre structure de coûts et de revenus. Néanmoins, d’autres outils bien plus efficaces existent et la bonne nouvelle, c’est qu’ils tiennent sur une page A4 (voir plus bas dans l’article).

L’énorme défaut du Business Plan c’est que vous partez du principe que dans 3 ans, vous ferez exactement la même chose que ce que vous avez en tête aujourd’hui. Spoiler Alert : dans 3 ans votre startup n’aura rien à voir avec ce que vous aviez prévu. Sauf si vous montez une boulangerie, auquel cas vous ne créez pas une startup.

Une startup est " une organisation temporaire à la recherche d’un modèle économique industrialisable, rentable, permettant une croissance exponentielle, répétable et scalable. " — Steve Blank

Une boulangerie n’est donc pas une startup, sauf si elle se lance dans le pain vegan, sans gluten et sans sel. Bon courage.

3. L’étude de marché

Faire une étude de marché permet de répondre à la question “quelle est la taille de ton marché ?” (= “combien de personnes sont susceptibles d’acheter ton produit/service ?”). La réponse est toujours la même : “ÉNORME”

Si vous cherchez suffisamment, vous trouverez forcément une étude de marché qui vous confortera dans votre décision, surtout si vous payez une personne pour la réaliser. Je n’ai jamais entendu quelqu’un me dire :

“Je laisse tomber, mon étude de marché est sans équivoque : personne n’achètera mon produit génial”

À ce stade, vous avez déjà perdu de précieuses semaines (c’était mon cas). La bonne nouvelle c’est que vous êtes plus que jamais convaincu que les clients vont s’arracher votre idée et que vous serez riche dans moins de deux ans !

4. Création de l’entreprise, avocats, expert comptable …

Pour financer votre étude de marché vous devez ouvrir un compte bancaire. Vous allez donc chez votre banquier qui vous explique qu’un compte pro, ça coûte forcément beaucoup plus cher qu’un compte particulier. C’est comme ça. Bonne nouvelle, les choses ont bougé depuis, notamment grâce à Qonto (<= Lien de parrainage, 10€ qui serviront à financer 0,7% de votre étude de marché). Pour créer votre compte, il faut avoir créé votre entreprise. SAS ? SASU ? EURL ? Aucune idée bien sûr. Il est donc temps de passer à l’étape suivante.

Le doigt dans l’engrenage, vous réalisez qu’il serait judicieux de créer les statuts de votre entreprise avec votre avocat, mais aussi un pacte d’associés pour savoir comment vous partagerez les millions avec vos associés dans 2 ans. Ça tombe bien, vous aurez bientôt un compte bancaire pro pour régler les honoraires de quelques milliers d’euros.

5. Le site web

En fonction de votre idée, il est fort probable que vous ayez besoin d’un site web pour vendre votre produits / service. Deux options s’offrent à vous :

  • Vous pouvez le faire vous-même
  • Vous avez trouvé quelqu’un qui peut vous le faire pour “vraiment pas cher”.

Dans les deux cas, je vous invite à multiplier par 3 n’importe quelle estimation du temps nécessaire avant que votre site soit opérationnel. "Je te fais ça en 1 mois" = "Ne t’attends pas à ce qu’il soit prêt avant 3 bons mois". Aucunes mauvaises intentions ici, mais on finit toujours par réaliser qu’il est indispensable d’ajouter une fonctionnalité de parrainage avant le grand lancement.

Mais surtout : à moins que votre startup soit vraiment “Tech”, il y a 95% de chances pour que vous n’ayez pas besoin de la moindre ligne de code pour votre site. Réfléchissez-y a deux fois.

Vous faites un site e-commerce, allez faire un tour sur Shopify. Si vous faites une marketplace, il y a par exemple ça.

PS : vous avez pensé à demander à votre avocat de rédiger des CGV (conditions générales de vente) ?

Le grand lancement

Voilà, vous êtes fin prêt·e. Six mois de travail acharné pour dévoiler au grand jour votre idée.

Un seul problème subsiste : en six mois vous n’avez eu aucun client. Normal me direz-vous, le site n’était pas lancé, comment vendre sans site ni compte bancaire pro ? C’est là que réside toute la puissance de la méthodologie Lean Startup. Votre job n’est pas de créer une solution (le site qui vend votre service/produit) mais de créer une entreprise, avec des clients donc.

La plupart des créateurs et créatrices d’entreprises que je rencontre font la même erreur (moi le premier) : tomber amoureux de leur solution, et repousser le plus possible le moment où ils/elles confrontent leur idée au marché. Oubliez donc tout ce que vous venez de lire et intéressons-nous à cette méthodologie démocratisée par Éric Ries en 2011 avec son livre "The Lean Startup".

Aujourd’hui, cet ouvrage est exposé fièrement dans toutes les startups à succès, ou qui ont eu la chance d’être accompagnées par un "Accélérateur de startup" . C’est LA bible du créateur d’entreprise. En 2014 par contre, j’avais l’impression d’être un extra-terrestre quand j’expliquais autour de moi que NON je n’allais pas faire un business plan. Un Lean Canvas ferait parfaitement l’affaire (confession : j’ai fini par en faire un quand même).

Aujourd’hui, mon objectif est de donner un aperçu de la puissance de cette méthodologie à ceux qui n’ont pas la chance d’être accompagnés par une structure familière avec le Lean Startup. En vous mettant sur les rails du Lean Startup, j’espère vous faire gagner de l’argent plus vite, mais surtout du temps, la denrée la plus précieuse de l’entrepreneur. C’est parti.

Le VRAI job d’un· entrepreneur·e

Comme je vous l’expliquais plus haut, le problème de l’entrepreneur, c’est qu’il est amoureux de sa solution.

À tel point qu’il commencera par ne surtout pas en parler autour de lui.

L’idée

Revenons quelques instants sur ce besoin de garder votre idée complètement secrète . Au risque d’être un peu brutal, laissez-moi vous dire que votre idée ne vaut rien. Que dalle. Ce qui compte, c’est l’exécution, ce que vous allez faire pendant les 2, 5, 10 prochaines années, comment vous allez tester votre idée, la vendre, la faire évoluer. Si vous pensez que “Oui, d’accord mais dans mon cas…” => non. Soit vous allez déposer un brevet révolutionnaire suite à votre doctorat en Physique Quantique, soit vous pouvez parler de votre idée.

“Mais si on me la vole ?”

Si vous vous posez cette question, sachez que :

1 - Les gens autour de vous ont autre chose à faire que de vous voler votre idée. Pensez à tous les sacrifices que vous vous apprêtez à faire. Vous pensez que la personne à qui vous parlez autour d’un café va sérieusement lâcher son job, brûler ses économies et annoncer à ses enfants qu’ils devront manger des pâtes au beurre pendant les 3 prochaines années juste parce qu’elle trouve que vous avez une “bonne idée” ?

2- Si vraiment, vraiment n’importe qui peut vous voler votre idée, sans quitter son job, sans le moindre effort, alors je me permets de lever une petite alerte. C’est si simple que ça, et sur 7 milliards d’humains personne n’y a pensé avant vous ? (si la réponse est oui, n’en parlez à personne dans ce cas, sauf à moi : [email protected])

Le Lean Canvas : l’alternative au Business Plan

Ash Maurya, auteur du livre “Running lean” a adapté un document appelé Business Model Canvas (BMC) à la méthodologie Lean Startup pour en faire un Lean Canvas. C’est ce fameux document qui tient sur une page A4 et qui va être le fondement de votre entreprise. Comme vous pouvez le voir, ce document est composé de 9 cases, dont l’une d’entre elles est votre solution. Si vous aviez passé les 6 premiers mois de votre création d’entreprise à faire ce que j’ai décrit plus haut, vous auriez passé 6 mois à travailler sur 1/9 du Lean Canvas. Il est essentiel de comprendre que votre startup est votre business model, pas votre solution. Vos journées vont donc consister à remplir ces cases, à les tester et à les faire évoluer jusqu’à ce jour magique où vous aurez trouvé votre market/fit.

Votre job : valider chacune des cases du Lean Canvas

Avant de dépenser le moindre centime, téléchargez donc ce Lean Canvas et attelez-vous à le remplir du mieux que possible. Vous pourrez trouver plein de vidéos sur internet vous guidant sur ce sujet (si ça vous intéresse, n’hésitez pas à me le dire en commentaire) ou vous pouvez lire ce PDF créé par Ash Maurya himself (en anglais)

Quelques petits warnings sur le remplissage de ce documents :

Remplissez-le dans l’ordre suggéré par Ash Maurya (page 5 du PDF ci dessus). Le problème ne doit pas décrire votre solution. Par exemple, si mon idée géniale s’appelle Facebook, le problème ne doit pas être “Les gens ne peuvent pas ajouter des amis sur un site et partager leurs vies avec eux ” Ca serait trop facile. Essayer plutôt de faire une liste concise de phrases qui commencent par “Aujourd’hui, il est impossible/difficile/rare de …”

Votre solution ne doit pas décrire votre site web ! N’oubliez pas que vous êtes amoureux de votre solution, donc biaisé. Il est important de faire correspondre votre liste de problèmes à votre liste de solutions. Exemple : Problème — “Aujourd’hui, il est difficile d’organiser un évènement entre amis si on est plus de 3" => Solution — “Permettre la création d’un évènement sur lequel on pourra inviter des amis, discuter et partager des photos”. Cette solution ne décrit pas Facebook mais seulement la fonctionnalité qui répond au problème.

Enfin, en dessous des problèmes que vous avez identifiés, il est très important de lister les alternatives existantes. Soyez honnête avec vous-même : il existe forcément des alternatives géniales qui répondent déjà à ces problèmes. Si vous travaillez sur une solution web (ex : Outil de gestion des clients) votre concurrent est Excel, et il fait très bien le job, malgré les 2 ou 3 fonctionnalités incroyables que vous avez prévu de développer.

Parfois, c’est un concurrent bien moins évident. Qui aurait pu penser que le chou kale vienne concurrencer le café ?

Et ensuite ?

C’est là que votre rôle d’entrepreneur prend tout son sens. Votre objectif est de tester une par une les hypothèses les plus risquées de votre Lean Canvas. Vous pensez que vos clients sont des jeunes parents ? Allez à leur rencontre devant un magasin de poussettes et posez-leur les bonnes questions. Votre structure de coûts implique un partenaire ? Appelez-le et parlez-en. En une phrase, que vous retrouverez souvent dans le monde des startups :

“Get out of the building !” (Sortez de votre bureau, allez à la rencontre de vos clients/partenaires!)

J’aurais encore beaucoup de choses à vous raconter mais cet article commence à être long et de toute façon, vous avez du pain sur la planche.

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