Republication du 30 septembre 2019

Bill Gates, Mark Zuckerberg ou encore Jeff Bezos ont incarné à leurs débuts l’entrepreneur-type de ces dernières décennies. Tous trois viennent de familles aisées et ont suivi des études d’ingénieur sélectives dans des écoles prestigieuses comme Harvard et Princeton. Leurs parcours privilégiés leur a permis de créer leur entreprise tôt dans leur carrière, avec une prise de risque mesurée. Mais derrière des profils similaires, on retrouve chez eux un autre trait caractéristique des entrepreneurs à succès : la maîtrise de compétences en développement informatique. Et s’il était désormais possible de s’en dispenser ? 

Bienvenue dans l’ère des outils “sans code”

Assistants vocaux, réalité virtuelle, deep learning ne sont plus réservés aux développeurs et data scientists. L’émergence d’outils comme Voiceflow, Scapic et Lobe permettent à quiconque d’expérimenter dans des domaines de pointe, sans nécessiter de compétences techniques de haut vol. Lorsque je fondais comet il y a trois ans avec deux amis, aucun de nous ne savait coder. C’est seulement grâce à l’existence d’outils comme Bubble, Crisp et Zapier que nous avons pu lancer notre plateforme de mise en relation entre freelances et entreprises. En quelques jours, nous avions créé notre premier prototype sans une seule ligne de code et signé nos premiers clients. Au-delà de nous permettre d’aller de zéro à un, les outils sans code nous ont fait gagner du temps et de l’argent. Et c’est précisément ce dont un entrepreneur a besoin pour démarrer son activité.

Quand la technologie rend l’entrepreneuriat plus inclusif

Autrefois élitiste, l’entrepreneuriat s’est ouvert en quelques années à un public plus large. Les MOOCs, coding bootcamps et formations accélérées ont contribué à réduire le temps d’apprentissage des développeurs. D’autres initiatives comme le Fighters Program de Station F ont permis à des entrepreneurs issus de milieux défavorisés de lancer leur projet entrepreneurial dans les meilleures conditions possibles. Les outils sans code constituent toutefois un véritable changement de paradigme sur le volet de l’inclusion. Car ce n’est plus le créateur qui doit s’adapter à la technologie, mais la technologie qui s’adapte au créateur. La disparition de ces hautes barrières à l’entrée est un événement sans précédent pour l’économie numérique.

Car cette opportunité de pouvoir créer sans coder est la promesse d’une diversité inégalée parmi les profils d’entrepreneurs potentiels. Une autre conséquence est une multiplication d’idées et innovations apportées à des domaines nouveaux, par des individus qui n’avaient jusqu’ici ni le temps ni les compétences pour se lancer. Selon Emmanuel Straschnov, fondateur et CEO de Bubble : “Les outils sans code réduisent les coûts de création par un facteur de 50 à 100. Ils permettent à des startups d’exister et de résoudre des problèmes au premier abord moins rémunérateurs, mais tout aussi réels”.

Pas de menace à l’horizon pour les développeurs

Ce n’est toutefois pas demain que les entreprises pourront se passer de développeurs. Car si les outils sans code suffisent pour lancer un projet, ceux-ci peuvent vite montrer leurs limites lors du passage à l’échelle. Trois ans après avoir créé comet sans savoir coder, nous avons maintenant une équipe R&D qui représente près de la moitié de nos 70 employés. Recruter des développeurs reste indispensable pour rester pertinent et compétitif sur le long terme. C’est pourquoi l’essor des outils sans code sont loin de représenter une menace pour ces derniers.

Au contraire, les développeurs sont les premiers à bénéficier de la vague de création d’emplois techniques entraînée par un nouveau boom des startups. Car s’il y a davantage d’idées mises sur le marché, alors ce sont d’autant plus d’opportunités de mettre ses compétences au service d’un projet porteur de sens. Enfin, les ingénieurs ont eux aussi beaucoup à tirer de ces outils. Pouvoir se passer du code à certains moments leur permet de gagner du temps de développement et de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. Et c’est un atout de taille, valable aussi bien pour l’entrepreneur que l’employé, en passant par le freelance ou le simple passionné.

Vers une redéfinition de la pluriactivité

Parallèlement à l’essor d’outils sans code se sont développées de nouvelles formes d’entrepreneuriat. Aujourd’hui, il n’a jamais été aussi simple de lancer sa newsletter grâce à Substack, de produire son podcast avec Anchor, ou de créer sa boutique en ligne avec Shopify. La conséquence directe est une multiplication d’individus qui cumulent plusieurs activités voire sources de revenus. Le concept de “muse”, popularisé par l’entrepreneur américain Tim Ferriss, désigne un projet qui rapporte de l’argent à son créateur sans lui coûter beaucoup de temps.

Proposer un MOOC payant sur son site personnel est un exemple de source de revenus “passifs” (une fois le contenu produit) qui positionne également son auteur comme un expert dans sa discipline. Cette tendance s’inscrit dans le sillage du freelancing, qui a triplé au cours de ces dix dernières années. Les outils sans code ont le potentiel de créer des passerelles entre différentes compétences, secteurs, catégories d’actifs et même styles de vie. C’est une victoire pour l’artiste qui peut imaginer de nouvelles façons de monétiser son art, pour l’association qui peut allier engagement et créativité, et même pour l’employé qui dispose de nouveaux outils pour réinventer son métier. Plus que des vecteurs d’inclusion dans l’entrepreneuriat, les outils sans code apportent de la diversité dans les façons même d’entreprendre aujourd’hui.

Le futur de l’entrepreneuriat s’annonce plus accessible que jamais. La multiplication des outils sans code est amenée à offrir à chacun l’opportunité de donner vie à ses idées. Une plus grande diversité de parcours, compétences et intelligences chez les entrepreneurs est synonyme de nouvelles solutions apportées à un spectre de problématiques plus large. La définition de l’entrepreneuriat elle-même est amenée à se transformer, avec des frontières plus fines entre salariat, freelancing et projets personnels. Mais maintenant qu’une nouvelle vague d’entrepreneurs dispose de nouveaux outils pour créer, il en va de notre mission à tous de leur donner les moyens de réussir.  

Charles Thomas est le CEO et fondateur de comet.