28 septembre 2020
28 septembre 2020
Temps de lecture : 5 minutes
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Lyon s'équipe pour éviter que le prochain Doctolib ne lui échappe

Reconnue pour la qualité de sa recherche académique et de ses centres hospitaliers universitaires, Lyon a su créer un écosystème complet dédié aux biotechnologies. Mais la métropole cherche à s'émanciper de cette image.
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Connue pour sa gastronomie et sa Basilique, Lyon et ses 1,3 million d'habitant·e·s n'attirent pas que des touristes férus d'histoire et de bonne chère. Elle abrite également un vivier de startups, de PME, d'incubateurs, d'accélérateurs et d'industriels qui s’attèlent à nourrir l'innovation sur le territoire. Historiquement liée à la recherche infectieuse et à l'industrie pharmaceutique, la métropole lyonnaise vient pourtant de rater l’implantation d’une licorne du secteur, Doctolib, qui a préféré aller à Nantes. Malgré tous ces atouts, Lyon voit donc passer sous le nez 500 emplois potentiels car elle a un problème :  "Lyon manque encore de développeurs" , confiait Cédric Denoyel, PDG du H7, incubateur et lieu totem de l'innovation lyonnaise, en septembre dernier. La construction du Campus Région du numérique à Charbonnières, dédié à la formation, a été pensée pour combler ce manque. Développé en complément des multiples structures déjà présentes, ce nouvel établissement "formera des étudiants, des décrocheurs scolaires, des salariés mais aussi des cadres de bac +3 à bac +6 et à terme bac+8" souligne Juliette Jarry, vice-présidente déléguée au numérique Région Auvergne Rhône- Alpes. Des portes ouvertes virtuelles sont ouvertes jusqu'au 30 avril 2021 pour découvrir le lieu à distance. 

La recherche médicale fait partie de l'ADN de Lyon 

Sur les 900 000 salarié·e·s que comptait Lyon en 2017, 72 500 travaillaient dans les sciences de la vie dont 14 700 uniquement dans les biotech/ pharmatech et medtech et 44 000 dans le numérique, deux secteurs étroitement liés. Il faut dire que les sciences de la vie et, plus particulièrement la recherche médicale font partie de l’ADN de Lyon depuis la fin du 19ème siècle.

En lançant son institut de recherches médicales en 1897, Marcel Mérieux posait, sans le savoir, les premières pierres d'un vaste écosystème dédié au développement et à l’industrialisation des biotechnologies. En un peu plus d’un siècle pourtant, la ville a su attirer en son seing des universités, des laboratoires et des centres de recherches (bioMérieux, BioAster, AcCinov) mais aussi des industriels comme Sanofi Genzyme. 

Ce maillage a permis "l’émergence de très petites entreprises très innovantes dans les biotechnologies et les dispositifs médicaux” , explique Florence Agostino-Etchetto, directrice générale de Lyonbiopôle, un pôle de compétitivité chargé de favoriser les synergies entre acteurs. 

Mais la ville ne se contente pas d'attirer tous ces acteurs sur son territoire. Elle les fédère aussi grâce à plusieurs initiatives comme Lyonbiopôle ou encore l'Entrepreneurship Center Lyon - Saint-Etienne. 

Des structures orchestrent ce foisonnement d'acteurs

Installé au coeur de Gerland, le pôle de compétitivité international Lyonbiopôle possède deux missions principales : aider les entreprises à se structurer économiquement et faciliter les interactions entre les acteurs présents sur le territoire. "Nous essayons d'identifier en amont les sujets à forte valeur ajoutée et nous travaillons sur la proximité d’offre collective en mettant en relation les acteurs sur des sujets technologiques ou scientifiques” , relate Florence Agostino-Etchetto. La structure organise ainsi plus de 90 événements par an allant du groupe de travail sur un sujet technologie particulier à la connexion individuel avec des cliniciens en passant par des rencontres avec des experts en propriété industrielle. "Nous préparons aussi l'internationalisation des startups le plus tôt possible et leurs levées de fonds en apprenant aux entrepreneurs à pitcher leurs idées" . Car dans ce domaine, il faut "impérativement une stratégie de financement en fonds propres et les investisseurs européens sont encore trop frileux, ce qui constitue un véritable risque pour les avancées industrielles et notre indépendance” , alerte Florence Agostino-Etchetto. Pari réussi puisqu'entre 2013 et 2018, les entreprises du pôle ont réussi à levé 1,3 milliard d'euros. 

D'autres structures viennent compléter son action comme l'Entrepreneurship Center Lyon Saint-Étienne, lancé par l'université de Lyon, qui "va chercher des porteurs de projets (salarié·e·s, étudiant·e·s, doctorant·e·s ) pour les encourager à se lancer en les aidant à dépasser leurs freins" , détaille Marie Eyquem, responsable de l'Entrepreneurship Center Lyon Saint-Étienne. L’association a même lancé, Manufactory, un programme d’incubation. 

Un réseau dense dédié à l'entrepreneuriat 

Ces dernières années, le bassin lyonnais s'est enrichi de structures d'accompagnement publiques, comme Lyve initié par la métropole de Lyon, ou privé comme 1Kubator, Axeleo, les Premières, BoostInLyon, mais aussi de pépinières d'entreprises. Entre celles dédiées à l’idéation, à l'internationalisation, au growth ou à l'entrepreneuriat féminin, “je ne connais pas une seule startup quelque soit son niveau de maturité, qui ne trouve pas la bonne structure ou personne pour développer son projet” , souligne Émilie Legoff, co-présidente de la French Tech One Lyon Saint-Étienne.

Ces structures, un temps en concurrence, "se sont spécialisées et travaillent aujourd’hui en bonne intelligence”. L'effervescence, qui a commencé il y a quelques années, est désormais bien structuré pour Cédric Denoyel, PDG du H7. Si tous deux reconnaissent l’empreinte et l"ADN biotech de Lyon, ils s'accordent sur l’émergence d"autres secteurs comme la proptech, la mobilité (Sea Bubbles et Navya en témoignent), le gaming, les cleantechs, déjà présentes, et l’impact. "Ce dernier est un thème qui touche particulièrement les salariés et les étudiants aujourd’hui, on le voit en entretien d’embauche et dans le développement de leur projet” , précise Émilie Legoff. Et la directrice de la French Tech entend bien pousser ce mouvement. "L’objectif principal dans les échanges que nous avons eu avec la métropole de Lyon (récemment passée aux mains des écologistes) est d'orienter les aides financières vers ces projets” . 

C’est également un des leitmotiv d'H7. "Nous ne mettons aucun filtre à l'entrée afin de laisser les projets s'inspirer entre eux. On peut faire de la tech pure, être interpellé par une startup à impact et se demander ensuite, comment agir à son échelle” , image Cédric Denoyel. Le seul critère demeure ainsi "l'envie de changer le monde", un vaste et ambitieux programme. 

Pour renforcer son potentiel dans ces secteurs et attirer des entreprises, la capitale des Gaules devra mettre les bouchées doubles au risque de voir d'autres licornes trouver à Nantes, Bordeaux ou Paris des terres plus prometteuses.