C’est une surprise qui n’en est pas une. Comme l’a souligné le Parisien le 29 septembre dernier, l’opérateur Bolt a discrètement retiré, depuis début septembre, ses vélos des rues parisiennes. Les 500 vélos électriques que l’Estonien avait déployé en flotte partagée moins de trois mois auparavant se sont tous mystérieusement volatilisés… « Nous arrêtons temporairement notre service de vélos électriques partagés à Paris » , confirmait la marque sur Twitter il y a quelques jours, interpellée par un compte dédié à la micro-mobilité.
« Comme le marché évolue constamment en raison de l’impact du Covid-19, nous prenons notre temps pour nous assurer que le service que nous proposons soit aussi bénéfique que possible à la ville et à ses habitants. Nous sommes confiants sur le rôle que la micro-mobilité partagée a à jouer à Paris et au-delà dans les années qui viennent. » L’entreprise concluait alors sur deux messages sibyllins, précisant qu’elle donnerait des nouvelles quand elle en aurait et que « Bolt reste(rait) Bolt et continuera(it) à vous offrir les trajets les moins chers » , une manière de rediriger les utilisateurs vers son service historique de VTC.
Le cimetière des opérateurs ne cesse de se remplir
Un retrait discret mais peu surprenant. D’abord parce que Bolt n’a pas l’honneur d’être le premier à jeter l’éponge – même provisoirement. Gobee Bike, oBike, Ofo, Oribiky, Donkey Republic et Mobike ont montré la voie de la sortie. Plus récemment, le service Jump d’Uber a caché ses désillusions sous un passe-passe rocambolesque : revendu à Lime, lui-même maintenu sous perfusion financière par Uber, le service est revenu à Paris sous une nouvelle marque mais avec seulement 20% de la flotte déployée auparavant. Un nouvel arrivé au sein du cimetière des opérateurs de vélos électriques en free floating n’a donc rien de surprenant.
Peut-être que dans sa précipitation à vouloir profiter du boom du vélo après le déconfinement, l’Estonien a oublié quelques fondamentaux, rappelés par Paul-Adrien Cormerais, cofondateur de l’opérateur de micro-mobilité Pony. « Le marché du vélo électrique est très différent de celui de la trottinette : les véhicules sont plus chers, plus compliqués à construire, parce qu’il n’existe pas aujourd’hui, comme pour les trottinettes, de véhicules suffisamment performants qui puissent être déployés rapidement, et plus difficiles à opérer. Les utilisateurs sont aussi plus âgés, ce qui implique une adoption plus lente du service et donc une croissance elle aussi plus lente. » Des exigences marché peu compatibles avec le modèle de « blitz-scaling » adopté par la plupart des opérateurs. « Lancer de gros volumes financés par des levées de fonds massives est un modèle précaire dans la mobilité où la tolérance à l’échec est très faible, insiste Pierre-Adrien Cormerais. Le secteur demande un véritable engagement autour de la qualité de service.«