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4 mars 2021
4 mars 2021
Temps de lecture : 8 minutes
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Comment gérer son expansion à l'international : les sept leçons d'Ogury

En hypercroissance, les scaleups connaissent des problématiques que les entrepreneuses et entrepreneurs ne sont pas toujours prêts à affronter. Maddyness a choisi d’interroger une poignée d’entreprises à succès afin de découvrir leurs recettes. Dans cet épisode, Thomas Pasquet, cofondateur et CEO d’Ogury, revient sur les étapes à ne pas rater quand on se développe à l’international.
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Publication mise à jour le 7 mai 2021

S’internationaliser, ouvrir de nouveaux marchés... Cette perspective est souvent aussi excitante qu’effrayante pour les entrepreneur·euse·s, qui rêvent de faire décoller leur business aux quatre coins du monde. Pour certain·e·s, l’aventure se solde rapidement par un billet retour pour la France, faute de savoir comment gérer une telle étape dans la vie de leur entreprise. Ogury, acteur de la publicité vidéo sur mobile, a réussi avec succès son passage à l’international. La société explore une cotation en bourse au cours des prochains mois, si les conditions de marché le permettent.

Rentable depuis la première année de son existence, en 2014, cette pépite se démarque de ses concurrents en mettant l’accent sur le consentement de l’utilisateur. Six ans après sa création, elle affiche en 2020 un chiffre d’affaires de près de 130 millions de dollars, dont plus de la moitié a été réalisé aux Etats-Unis, compte 400 salariés et est présente dans 11 pays sur trois continents -Europe, Amérique et Asie-. La scaleup est revenue pour Maddyness sur les sept mesures fondamentales qui lui ont permis de mener à bien son passage à l’international.

Envoyer un·e des fondateur·rice·s sur les marchés clés

Peu importe le secteur dans lequel votre scaleup évolue, il ne faut pas sous-estimer la compétition qui fait rage sur le marché identifié comme clé. "Beaucoup de sociétés se convainquent qu’elles peuvent faire l’économie d’envoyer l’un des cofondateurs sur le marché critique de l’entreprise et mandatent donc un soldat pour le conquérir, explique Thomas Pasquet, cofondateur et CEO d’Ogury. Personnellement, je crois dur comme fer que l'enjeu est trop gros et qu’il faut y aller personnellement"

C'est d'ailleurs ce que lui-même a fait en débarquant en septembre 2016 à New York, avec sa femme et son enfant, laissant Jean Canzoneri, l'autre cofondateur, gérer le marché européen. Cette décision, il ne l'a jamais regrettée, puisque développer les Etats-Unis de cette façon permet aujourd’hui à Ogury de réaliser 50% de son chiffre d’affaires dans ce pays, identifié dès le départ comme le plus prometteur pour développer leur business. 

Tout miser sur des recrutements exigeants

Une fois le ou les cofondateur·rice·s déployé·e·s sur les marchés clés, il est primordial de capitaliser sur la recherche des bon·ne·s collaborateur·rice·s pour piloter l’ouverture de nouveaux pays. "Les seules fois où notre entrée sur un nouveau territoire s'est avérée plus compliquée, c'était à cause d’un mauvais recrutement, admet Thomas Pasquet. Après, il est difficile de créer une dynamique positive dans l’équipe, de donner une bonne image dans le pays en question et de revenir en arrière… Un mauvais choix peut tout faire dégringoler"

Si l'on n’est jamais à l’abri d’erreurs de casting, quelques astuces permettent tout de même de faire les meilleurs choix possibles. Dans un premier temps, rien de mieux que le réseau pour trouver des personnes sur qui compter. Forts d’une première création de startup dans le secteur de l'Adtech - BeeAd, revendue ensuite au groupe Teads - avant Ogury, Thomas Pasquet et Jean Canzoneri ont pioché dans leur carnet d’adresses pour nommer les DG de plusieurs pays européens qu'ils ont ouvert. 

Autre conseil prodigué par le dirigeant : les cofondateur·rice·s doivent aller démarcher eux-mêmes sur place. "Pour les cinq premiers pays dans lesquels nous voulions nous implanter, nous sommes allés repérer les bons cabinets de chasse et nous nous sommes fait confiance pour recruter les gens compétents" , poursuit l’entrepreneur. Depuis que les deux cofondateurs n'ont plus le temps de gérer cette étape, aussi clé soit-elle, ils confient la mission à l’un de leurs premiers salariés, Adam Rubach, ancien directeur d'Ogury au Royaume-Uni, "parce qu'on sait qu’il est en mesure, en vue de sa connaissance de l’entreprise et de son ADN, d’aller prêcher la bonne parole et de dégoter les talents dont nous avons besoin" , affirme Thomas Pasquet.

Repérer les marchés propices et s'y adapter

Ce conseil peut paraître basique, mais il est crucial : il faut identifier dans quel pays il y aura une demande pour son produit ou son service. "Pour nous, c’est relativement simple, explique Thomas Pasquet. Nous avons accès aux dépenses des marques dans chaque pays, donc on voit facilement le potentiel de la publicité digitale sur chaque marché" . Ils arbitrent ensuite en fonction du potentiel de recettes publicitaires de chaque pays, de la taille du marché, de la difficulté de pénétration et de l’inventaire qu’ils ont déjà à travers leurs partenaires. 

Autre point majeur : coller à son nouveau terrain de jeu. Si ce n'est pas le cas pour Ogury, qui vend le même produit partout dans le monde car les annonceurs et les problématiques restent les mêmes, certaines entreprises doivent adapter leur produit au marché dans lequel elles entrent. "De notre côté, la variable d’adaptation est plutôt sur le prix" , précise le cofondateur d'Ogury. Quoi qu’il en soit, s’adapter doit rester le maître mot quand on arrive sur un nouveau marché.

Communiquer en interne pour souder ses équipes à l’international

"On essaie de créer un maximum de cohérence en interne pour s’assurer que les collaborateurs intègrent la culture d’entreprise et soient compatibles avec nos valeurs" , insiste Thomas Pasquet. Pour ce faire, ils font appel à un seul et unique "chief revenue officer" - personne chargée d’analyser et de développer les revenus de l’entreprise - "pour créer de la consistance partout" 

On ne le dira jamais assez, mais communiquer fait également partie des clés pour réussir, et l’étape de l’expansion à l’international n’y échappe pas. "Avant le Covid, on essayait de réunir tout le monde une fois par trimestre. Depuis le mois de mars, où plus personne ne se voit, j’ai multiplié ces rendez-vous : toutes les deux semaines, pendant une heure, je fais un call avec nos 400 salariés à travers le monde pour garder le lien et répondre aux questions qu’ils peuvent se poser" , explique l’entrepreneur qui dit préférer "trop communiquer que pas assez"

Se démarquer de la concurrence

Pour réussir sur un nouveau marché, pas de secret : il faut se distinguer des autres entreprises présentes sur le même segment. Avant même l'instauration du RGPD (Règlement général sur la protection des données) en 2016, Ogury avait identifié l’enjeu de la protection des données personnelles et s'en était emparé. Dès sa création, en 2014, l’entreprise a ainsi inscrit dans son ADN le respect de l’utilisateur en lui demandant systématiquement son consentement, une exigence alors très marginale pour la plupart des acteurs de l’industrie publicitaire. "Sur un marché énorme sur lequel Google et Facebook prennent 90% du gâteau, c’est primordial. On essaie de se battre sur ce qui reste, même si la part reste très grosse" , précise Thomas Pasquet, pour détailler sa stratégie.

Se positionner rapidement sur de nouveaux marchés 

"Nous avons vite compris qu’il était plus rentable de s'établir rapidement dans trois pays de manière pas forcément optimale que dans un seul parfaitement, poursuit l’entrepreneur. L’entreprise gagnera peut-être un peu moins dans chacun d’entre eux, mais mieux vaut trois fois 3 millions de chiffre d’affaires qu’une fois cinq millions ! " . C’est d’ailleurs pour cela qu’Ogury a ouvert la France en même temps que le Royaume-Uni et l’Italie, dès la première année d’existence : "C’est ambitieux, mais ça nous a permis de tripler le business plan qu’on avait vendu à nos investisseurs en un an" , se réjouit-il. "Nos métiers représentent une course à la part de marché, donc plus tôt on y arrive, mieux c'est" , continue l’entrepreneur qui conseille vivement de dépasser sa peur et d'être rapide et vif dans sa stratégie d’internationalisation

Se faire confiance

Mais si, au fond, le fondateur d’Ogury devait donner un seul conseil, c’est en fait de "ne pas trop écouter les conseils" . "Tout le monde a un avis différent sur la question… Il faut se faire confiance. On pensait que l’expansion rapide à l’international était le bon 'mouv’ pour notre société, on l’a fait, s'enorgueillit Thomas Pasquet. Si cela ne met pas le restant de votre société à risque, allez-y, tentez l’aventure, soyez agressifs" .

Et l’expérience a donné raison aux deux fondateurs d’Ogury. Chaque année, l’entreprise connaît une croissance à deux chiffres, y compris en temps de pandémie en 2020, avec un chiffre d'affaires annoncé de 130 millions de dollars en 2020. Aujourd’hui, la scaleup continue de voir grand en poursuivant son ascension sur le marché américain et en conquérant l’Asie. "Ce continent est un gros vecteur de croissance pour nous et, d’ici deux ou trois ans, nous voulons couvrir l’ensemble des trois grandes zones clés que sont l’Europe, l’Asie et les Etats-Unis" , conclut Thomas Pasquet. 

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