Quelles sont les grandes lignes et spécificités du projet ?

Laurent Benet : L’expérimentation Paris2connect (P2C) est déployée sur le périmètre allant de la gare d’Austerlitz à la Gare de Lyon puis à l’Accor Arena Bercy et au carrefour Quai de la gare pour revenir à la gare d’Austerlitz. Le projet consiste à expérimenter une nouvelle infrastructure connectée s’appuyant sur les lampadaires et feux de signalisation du parcours, en collectant via de nouveaux capteurs des données sur l'espace public parisien dont le traitement va permettre de développer trois typologies de cas d’usages : fournir de nouveaux services urbains (axe smart city), améliorer le déplacement des usagers (axe système de transport intelligent et coopératif) et proposer des services autonomes de transports en commun et de logistique (axe mobilité autonome). Il a pour but de favoriser les mobilités douces et parce qu'il repose sur une infrastructure mutualisée, il permettra d'ouvrir le projet à un nombre toujours plus élargi d'entreprises, de startups et de partenaires afin de développer plus de cas d'usage.

Ce projet regroupe la Ville de Paris, un groupement d’infrastructures et des opérateurs de services. Quels sont les rôles de chacun ?

Arnaud Calaudi : P2C s'articule autour d'un partenariat public/privé avec un GME (groupement momentané d'entreprises) constitué et piloté par ATC France. Il regroupe Nokia pour la connectivité, Aximum qui est l'intégrateur, Signify pour l'éclairage public et la RATP. Le projet compte également plusieurs partenaires dont les startups Audiospot pour le déplacement des piétons et Parking Map pour le stationnement. La Ville n'est pas seulement un territoire d'expérimentation : elle mobilise aussi ses services et finance le projet à 25% (le coût du projet est pour l'instant de 3,5 millions d'euros, NDLR). Le projet a obtenu des co-financements via des appels à projets à échelle locale (Urban Lab de Paris&Co), nationale (SAM dans EVRA ) et européenne (InDid dans le CEF). 

Cette configuration des acteurs est-elle amenée à évoluer?

Laurent Benet : Oui car ce projet est un écosystème qui rend possible l'élargissement des différents acteurs dont des sociétés ou startups qui pourraient utiliser les données recueillies par l’infrastructure pour développer de nouveaux cas d'usages. L'objectif est d'optimiser cette infrastructure afin de fournir de vrais services numériques aux utilisateurs.

Quelles sont les innovations majeures de Paris2Connect et que vont elles permettre ?

Arnaud Calaudi : Si le projet utilise en majorité des standards technologiques, son innovation majeure repose sur l'interaction même entre les différents acteurs et sa capacité à tester en grandeur réelle l'apport d'une infrastructure pour procurer différents services dont celui de la mobilité autonome en milieu hyper dense. En termes d'innovations technologiques, P2C comporte 9 carrefours à feux connectés de la Ville de Paris et les 9 "smart pôles" dont les équipements collectent et traitent directement les données et fournissent les 1ers cas d’usages. Puis, à terme, la navette autonome sélectionnée par le Groupe RATP de la société Local Motors. Sont aussi à ce jour installés 7 capteurs déployés par l'agence nationale des fréquences (ANFR) qui évaluent les niveaux de champs électro magnétiques sur le secteur.

Quels sont les cas d'usage envisagés et en quoi sont-ils novateurs ? Que permettra de faire Paris2connect? 

Laurent Benet : À ce jour, nous étudions un cas d'usage utilisable à partir d'une application mobile nationale (COOPITS) qui à l'approche du feu connecté indique dans combien de temps le feu passera au vert. Cela permettra au conducteur d’adapter sa vitesse et d'avoir un impact bénéfique pour l'environnement mais aussi de limiter leur freinage. On a aussi fait une expérimentation avec la startup SecurAxis pour différencier les flux de véhicules thermiques et électriques via la mesure et la nature des niveaux sonores émis. Cela permettra de mieux mesurer l'impact des mobilités sur l'environnement.

Nous voulons également optimiser la voirie avec par exemple des lieux de stationnement pour vélos via une application qui indiquerait les places disponibles. On espère aussi pouvoir permettre à un véhicule spécifique comme une ambulance d'interagir avec l'infrastructure en actionnant le feu vert pour faciliter son passage. Le projet se veut inclusif et nous avons déjà collaboré avec la startup AudioSpot qui travaille à la sécurité du déplacement des personnes en situation de handicap. Notre zone d'expérimentation permet d'espérer le développement de nombreux cas d'usages dont certains que nous ne connaissons pas encore. Et ce, dans l'objectif de sécuriser les déplacements, de les rendre plus confortables et plus durables.

Paris2connect pourra-t-il sortir de la capitale ?

Laurent Benet et Arnaud Calaudi : Une des ambitions de P2C est de comprendre et d'imaginer un business model qui permettra de rentabiliser les investissements réalisés. Quel sera le rôle de chaque acteur, de la ville, d'une société comme ATC, d'un opérateur de services, des autres membres du groupement... ? Si nous voulons déployer ce projet à une échelle plus large, cette réponse est essentielle pour déterminer comment cela va fonctionner, se financer et se rentabiliser. En France, les territoires et l’État regardent de près notre expérimentation orientée sur les transports en commun et les mobilités douces. Si elle s'avère concluante sur une ville aussi dense que Paris, elle pourra apporter des solutions dans d'autres grandes villes en France comme à l’étranger.

Au cœur de ces innovations, il y a l'enjeu de l'utilisation des données. Comment gérez-vous cette question afin d'éviter tout dérapage?

Laurent Benet et Arnaud Calaudi : La collecte et le traitement de données sur le domaine public ne peuvent et ne doivent être réalisés que par des acteurs légitimes. Pour Paris2connect, c'est la Ville de Paris et la RATP. La mise en place d'un ensemble de dispositions sur le traitement des données personnelles est au cœur des discussions actuelles. Dans le projet, toutes les datas collectées sont transformées en méta données directement en local au niveau du lampadaire. Les caméras qui procèdent au comptage, fournissent des images d'utilisateurs qui sont floutées et anonymisées.

Ces données, collectées et traitées directement dans le smart pôle puis récupérées dans un système informatique, respectent parfaitement la réglementation RGPD.  En ce qui concerne la cybersécurité, en plus de protéger les systèmes informatiques qui gèrent les données collectées, nous avons intégré dans les smart pôles des systèmes de contrôle et de sécurité comme des détecteurs d'alarme en cas d'intrusion.