La recherche, le développement et l’innovation sont très souvent considérés comme l’apanage des techniciens et des ingénieurs. Pourtant, il existe de la recherche dans tous les domaines, dont les sciences de l’ingénieur ou les sciences "dures" mais également dans les sciences humaines et sociales rassemblant une multitude de disciplines comme le management, l’innovation, la gestion, l’économie, la sociologie, l’histoire, le droit, la psychologie, etc.

Encore aujourd’hui, une dichotomie est entretenue entre ces deux mondes : le monde des techniciens et le monde des "non-techniciens" alors que tous deux sont scientifiques ! Plus encore, ces deux mondes sont tout à fait complémentaires et peuvent constituer un cocktail gagnant pour les projets de recherche et d’innovation. La bonne surprise ? C’est qu’il est tout à fait possible de financer en partie ces projets de recherche et d’innovation avec des dispositifs de financement existants.

Définir la recherche non-technologique avec des cas concrets 

Définir la recherche non-technologique n’est pas chose aisée. Quoi de mieux que quelques exemples pour apporter des explications ? Grands groupes, PME, startups, toutes les tailles d’entreprises peuvent être concernées par des travaux de recherche. 

Un acteur de la grande distribution peut mener des travaux de recherche non-technologique en ayant pour objectif de comprendre l’usage du drive par les consommateurs en temps de crise sanitaire. Par ces travaux, cet acteur cherche à décrire et à comprendre les comportements des consommateurs face à une situation peu ou mal connue, voire inédite !

Une startup fait le constat que le potentiel créatif des enfants chute du fait de l’omniprésence des écrans. L’entreprise peut mener des travaux de recherche visant à concevoir une solution (non technique) visant à stimuler le potentiel créatif des enfants. 

Le secteur de l'Économie Sociale et Solidaire est également capable de mener des travaux de recherche. Par exemple, une entreprise pourrait mener des travaux dans l’objectif de redynamiser les villages en réinventant les business models du commerce rural. 

Le domaine de la formation est également foisonnant de projets de recherche non-technologiques : comment transformer les formations et la pédagogie dans un monde éminemment complexe et dynamique ? 

Ces exemples ne sont absolument pas exhaustifs. De plus, ils illustrent uniquement des projets de recherche purement axés sur les Sciences Humaines et Sociales. Or, la recherche ne connaît pas de limite ou de frontière. Tout n’est pas blanc ou noir, au contraire, il existe toutes les nuances de gris. Ainsi, des projets de recherche “hybrides” existent et peuvent être montés.  Par exemple, mener un projet visant à concevoir un nouvel outil informatique, tel qu’un réseau social, permettant de soutenir les nouveaux modes de travail ainsi que la collaboration et la productivité des salariés. Ou encore, comment mobiliser la technologie Blockchain afin de soutenir la définition de la stratégie de propriété intellectuelle d’une entreprise ? 

Vous l’aurez peut-être déjà compris, la recherche en Sciences Humaines et Sociales a pour objectif de décrire, d’expliquer ou de comprendre des phénomènes qui relèvent de faits sociaux, de l’influence, de l’impact ou du rôle d’une chose sur une autre. Par exemple, comprendre les comportements des consommateurs face à une nouvelle pratique pour réaliser leurs courses. Elles peuvent également avoir pour objectif de transformer une situation telle que redynamiser les villages en incorporant de nouveaux business vertueux.

La différence avec la recherche technologique 

Si vous êtes un scientifique ayant étudié les sciences “dures” vous aurez remarqué que les objectifs de la recherche “non-technologique” sont les mêmes qu’en recherche technologique : Décrire, expliquer, comprendre ou transformer. 

Ce qui montre qu’il n’y a pas de réelle différence entre la recherche technologique et non-technologique. Tout simplement parce que la recherche, c’est de la recherche. Peu importe qu’elle soit technologique ou non, la recherche aura toujours le même objectif : créer de nouvelles connaissances à propos d’un sujet et apporter des réponses à une problématique clairement identifiée. 

Pourquoi donc cette dichotomie ? Du fait de paradoxes construits autour de plusieurs points : 

  • La recherche non technologique, et plus particulièrement la recherche sur les activités de service, souffre d’une image déficiente. Les sciences humaines et sociales et l’économie des services peuvent être considérés comme un travail improductif contrairement au travail productif de l’industrie. Or, les services dans l’économie sont à l’origine de plus de 75% des emplois en France et de près de 70% de la production en France (Source : INSEE). 
  • La recherche est perçue de façon restrictive car elle est historiquement basée sur une représentation industrielle et donc “technologiste”. 
  • La recherche dans les Sciences Humaines et Sociales est plus difficile à identifier et à mesurer. La recherche non technologique est intangible comparé à la recherche technologique qui est tangible. En effet, il est plus facile d’observer les résultats d’une recherche technologique et de les mesurer alors qu’en sciences humaines et sociales il est complexe de mesurer l’effet d’un facteur sur un autre (bien que ça ne soit pas impossible!). 
  • La recherche non-technologique n’est jamais organisée dans les entreprises comme l’est la recherche technologique avec des laboratoires, une direction, une équipe dédiée, un budget etc. 

La recherche non-technologique souffre donc d’un manque de considération par rapport à la recherche technologique du fait de croyances/mythes ou du fait de son caractère intangible. 

Des financements sont disponibles pour la recherche non technologique

Malgré une image déficiente de la recherche non technologique, il est important que des acteurs, que ce soit des entreprises ou des laboratoires, mènent des projets pour créer de nouvelles connaissances et apporter des réponses cruciales à des problématiques humaines et sociales.  Beaucoup d’entreprises mènent des projets de ce type, sans forcément être consciente de faire de la recherche. Elles peuvent dans certains cas se sentir limitées et contraintes dans la réalisation de leurs projets par manque de financement.  Pourtant, il existe des dispositifs bien connus des entreprises réalisant de la recherche technologique auxquels ces entreprises non-technologiques pourraient prétendre. 

Il s’agit notamment du Crédit Impôt Recherche (CIR) qui permet de financer tous les projets de recherche visant à créer de nouvelles connaissances, dépassant l’état de l’art (publications scientifiques, thèses, brevets, etc).  Cette pratique de valorisation des projets de recherche non technologique n’est pas très répandue. Pourtant, le Manuel de Frascati, texte de référence pour le CIR, cite les sciences humaines et sociales comme étant véritablement de la recherche, et donc comme étant éligibles à ce dispositif. 

Il existe également des dispositifs européens, anciennement H2020 et prochainement Horizon Europe, qui présentent des appels à projet à destination des projets de recherche en sciences humaines et sociales.  Par ailleurs, des appels à projets plus ponctuels paraissent afin de financer, sous forme de subventions ou d’avances remboursables, des projets en sciences humaines et sociales comme l’appel à projets Edu-Up dans le domaine de l’éducation par exemple. 

Enfin, pour mener une recherche non-technologique, il peut être intéressant de recruter un doctorant qui réalise sa thèse en entreprise, en collaboration avec un laboratoire. Dans ce cas une convention CIFRE est signée avec l’ANRT qui verse une aide de 14 000 euros par an à l’entreprise pendant 3 ans. 

Justine Fasquelle, docteur en Sciences de Gestion, responsable du Pôle Sciences Humaines et Sociales chez Dynergie