21 juin 2021
21 juin 2021
Temps de lecture : 6 minutes
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Carrefour, Airbnb, Doctolib... Swile attire de plus en plus de grands comptes

Lever des fonds, c’est bien. Avoir des clients, c’est mieux. Un an après, où en sont les startups qui ont bouclé un tour de table ? Développement, recrutement, financement, Maddyness fait le bilan. Loïc Soubeyrand, co-fondateur de Swile, partage son expérience un an après avoir levé 70 millions d'euros.
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Alex rosario

À la sortie du premier confinement, Swile (ex-Lunchr) , qui émet une carte rassemblant les avantages salariaux comme les titres-restaurants et chèques-cadeaux, officialisait une levée de fonds de 70 millions d'euros pour élargir son panel de services et financer son expansion au Brésil. La pandémie n'a pas freiné les ambitions de la startup qui a, au contraire, multiplié les annonces au fil des mois : rachat de la belge Briq puis de Vee Beneficios ou encore signature de son plus gros client, Carrefour. Loïc Soubeyrand, fondateur de Swile, est revenu avec Maddyness sur l'année qui a suivi cette levée de fonds. L'entrepreneur montpelliérain, qui avait déjà co-fondé Teads précédemment revendue à Altice, explique pourquoi la crise sanitaire a accéléré son activité, notamment auprès des grands comptes.

Quels sont les chantiers majeurs que votre levée vous a permis de lancer ou développer cette année ? 

Notre levée de 70 millions d'euros nous a permis de réaliser quatre missions majeures. Tout d'abord, donner vie à Swile en tant qu’identité de marque. Lors de notre levée, nous avons changé de nom en passant de Lunchr à Swile et notre rôle aussi a évolué. Nous sommes passés du statut d'acteur de la pause déjeuner à opérateur de l'expérience salarié, du matin au soir. Il fallait donner vie à cette diversification. Ensuite, nous avons pu sécuriser le rachat d’une société brésilienne, Vee Beneficios, pour pouvoir se lancer sur le premier marché de l'expérience client, le Brésil, qui est cinq fois plus gros que le marché français. D'ailleurs, deux tiers de notre levée seront consacrés à cette expansion. Nous avons beaucoup investi en France pour réussir, nous devrons faire la même chose au Brésil. Nous avons aussi sécurisé notre entrée en France sur le marché des grands compte afin d'accroître notre crédibilité. C'est ce qui nous a permis de signer avec Carrefour. Enfin, nous en avons profité pour faire grandir nos effectifs. Nous sommes passés de 250 à 450 collaborateurs en quelques mois.

La pandémie a-t-elle eu un impact sur votre stratégie de développement ? 

La pandémie a été un facteur d’accélération. Cette période a été un enfer pour les membres des ressources humaines car ils ne pouvaient plus distribuer les avantages sous format papier à leurs salariés puisque les bureaux étaient fermés. Ils ont dû leur envoyer sous pli sécurisé car c'est tout de même de l'argent qui est en jeu. Cela leur a coûté très cher. Finalement, cela les arrange de simplement créditer une carte.

Nous avons également observé un mouvement significatif des moyens et des grands comptes, typiquement Carrefour, qui ont basculé vers nos offres. Le mouvement est même en train de s'accélérer au niveau des services publics. On observe un nombre croissant d'appels d'offres cherchant ce type de prestation. Il y a eu un pivot et cette bascule est irrémédiable.

Cette année a été celle de l'ouverture à l'engagement salarié pour Swile. Aviez-vous prévu une telle diversification au lancement de Lunchr ?

Quand on a lancé Lunchr, en 2016, on visait essentiellement le secteur de la restauration. Mais quand nous avons vu que nous réussissions une percée significative sur ce marché historique, on s'est demandé comment passer d'un potentiel de licorne à un potentiel de décacorne.

Aujourd'hui, nous proposons deux produits différents. Notre Swile Card, une carte intelligente qui permet de réunir des cagnottes séparées : chèques-cadeaux, chèques-restaurants ou encore chèques-vacances. De l'autre côté, nous avons développé une super app pour renforcer l'engagement des employés et la cohésion d'équipe en facilitant la reconnaissance et la célébration des réussites. Grâce à elle, les employeurs peuvent également mesurer l'engagement des salariés. Avec la pandémie, tout le monde s’est rendu compte de l'intérêt à prendre en considération le bien-être des salariés.

Vous avez pratiquement doublé vos effectifs. Comment avez-vous géré ces recrutements à distance ?

Ça a été sportif. La première chose que nous avons faite est de doubler la taille de l'équipe "People" qui s'occupe des recrutements et de l'accompagnement au jour de le jour des équipes. Nous avons également mis en place de nombreux et nouveaux rituels et renforcé notre culture du feedback. Mais nous avons un avantage pour le télétravail puisque 33% des effectifs de Swile sont en télétravail à temps complet.

Nous avons également profité du premier déconfinement - entre juin et octobre 2020 - pour organiser de nombreux événements et créer un maximum de liens avec les personnes récemment arrivées dans l'équipe. Nous avons également utilisé notre propre outil pour prendre le pouls de nos effectifs et nous nous sommes rendu compte que le premier confinement a été très dur pour eux. Mais leur moral est remonté en flèche depuis.

Carrefour représente plusieurs milliers de salariés. Quels ont été vos atouts face à Edenred ? Et ce contrat vous a-t-il apporté de la visibilité ? 

Quand on parle d'équiper plus de 70 000 collaborateurs avec une carte, il faut prouver sa pérennité. C'est ce que nous a permis de réaliser notre levée de fonds de 70 millions d'euros. Mais l'argent n'est pas suffisant. Nous avons gagné face à notre concurrent en place depuis plus de 15 ans parce que Carrefour avait cette volonté d'offrir notre service à ses employés. Un autre de nos atouts était que notre solution était déjà prête. Nous n'avions rien de particulier à faire. En réalité, nous travaillons déjà avec 450 000 salariés actifs pour 13 000 entreprises. C'est même beaucoup plus simple pour nous de travailler avec une seule entreprise de 70 000 salariés qu'avec 3000 sociétés de 40 personnes.

En effet, la signature avec Carrefour - qui est le plus gros employeur privé en France - nous a permis d'initier des contrats avec d'autres grands comptes. Dès le jour de l'annonce, nous avons reçu plusieurs appels entrants et aujourd'hui nous avons signé plusieurs contrats significatifs.  

Quels sont vos projets pour les mois qui viennent ?

On a vocation à suivre les tendances que les employeurs vont devoir mettre en oeuvre. On a été assez pragmatique en commençant par les tickets restaurants puis les chèques cadeaux et maintenant on s'attaque à la mobilité. Grâce à une récente réglementation, les employeurs peuvent désormais contribuer à hauteur de 500 euros, à l'abonnement ou l'achat d'un vélo pour leurs salariés. Ceux qui le souhaitent pourront directement verser la somme sur la Swile Card. Chaque fois qu'un employé utilisera sa carte, il sera débité sur la cagnotte dédiée à la restauration, à la mobilité, aux vacances ou aux cadeaux.

Nous allons également poursuivre notre développement au Brésil où nous possédons déjà 200 000 salariés actifs. Nous n'oublions pas la France où nous possédons déjà 15% des parts de marché et où nous souhaitons continuer à nous étendre.