Il n'est pas rare de croiser des entrepreneurs qui ont eu plusieurs vies, comme les chats. Planter une boîte, en monter une autre, connaître le succès, tout plaquer pour recommencer l'aventure... Mais il est moins commun de croiser le chemin d'un fonds d'investissement qui a réussi sa mue. C'est pourtant le cas d'Evolem, le family office de Bruno Rousset, le fondateur du groupe d'assurance April. L'entrepreneur a introduit le groupe en Bourse dès 1997 et a souhaité réinvestir les fonds tirés de la vente à la fois dans des actions philanthropiques - via des fonds de dotation, il oeuvre pour l'employabilité des jeunes avec l'école de code Eden School mais aussi l'économie circulaire - et dans l'accompagnement d'entrepreneurs, avec l'idée de donner les outils à d'autres pour réussir ce que lui-même était déjà parvenu à faire. Une certaine idée du give back ou une manière de répliquer un premier succès mais par procuration.

Cette procuration a pris la forme d'un fonds d'investissement, Evolem. Au départ, le fonds se destinait à des PME, qui réalisaient entre 10 et 50 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel et avaient des ambitions de croissance externe. Mais fin 2017, le venture capital explose face aux besoins des entreprises innovantes. Evolem décide alors de se transformer en hydre : d'un côté Evolem Plateforme, l'activité historique du fonds, qui continue à soutenir les PME, notamment à vocation industrielle ; de l'autre Evolem Start, qui propulse les entrepreneurs au-delà de la phase d'amorçage. " Notre ambition était de combler ce vide entre les premiers 500 000 euros qui étaient alors faciles à lever et les tours de table de plusieurs millions. Les fonds ont très vite grossi et le ticket minimum a augmenté, de sorte que les opérations entre 500 000 et 3 millions d'euros avaient du mal à trouver des investisseurs ", se rappelle Thomas Rival, partner d'Evolem Start.

Le fonds apporte aujourd'hui des tickets compris entre 100 000 et 3 millions d'euros dans des opérations entre 500 000 et 5 millions d'euros, misant sur un effet levier conséquent. " Quand on investit très tôt, on se laisse la possibilité de réinvestir au moins deux fois notre mise, nous avons une certaine souplesse ", précise Thomas Rival. De quoi garantir aux entrepreneurs qu'Evolem est un partenaire solide à moyen terme. Pour les convaincre, le fonds mise aussi sur sa diligence : un processus de décision accéléré pour les plus petits tickets - " quelques semaines " seulement pour prendre la décision.

Imaginer un " avenir désirable "

Faisant écho aux fonds de dotation de Bruno Rousset, Evolem veut financer des projets qui contribuent à forger " un avenir désirable ", en lien avec l'éducation ou l'environnement mais sans que cela soit figé. " Nous ne voulons pas nous définir comme un fonds à impact ", relativise néanmoins Thomas Rival. Et pour cause : cet avenir désirable est autant une affaire de fond que de forme. " Luko, que nous avons accompagné, n'est pas une entreprise à impact à proprement parler. Mais la manière qu'elle a de réinventer l'assurance habitation, en réalignant les valeurs entre assureurs et assurés avec cette logique de give back, correspond à notre vision de l'avenir désirable. "

De quoi ratisser large, ce que Thomas Rival assume. " Nous sommes un fonds généraliste. Le rôle des investisseurs n'est pas d'en savoir plus que le dirigeant sur son marché mais d'extraire l'intuition des fondateurs pour transformer cela en décision rationnelle et actionnable. " Evolem Start aide donc les entrepreneurs à s'organiser pour passer à l'échelle, fort de son expérience de l'accompagnement de plus de 150 entreprises.

Gagner plus pour réinvestir plus

Pas question non plus de confondre Evolem Start avec les autres projets philanthropiques de Bruno Rousset. Le fonds tient à garder la performance financière au coeur de son action. " Si on veut avoir de l’impact, il faut avoir de l’ambition. La mission première d’une société est d'être un succès, de payer des impôts et de contribuer ainsi à la société. " Une seule recette pour cela, celle qu'April a appliquée dès sa création en 1987 : écouter le client, toujours le client. " Nous adorons les entrepreneurs qui tombent amoureux du problème de leurs clients, pas seulement de la solution qu'ils ont créée pour y répondre ", plaisante Thomas Rival.

Pour leur apporter toute la valeur nécessaire à leur montée en puissance, Evolem Start fait jouer son réseau. Pas seulement entre les entreprises de son portefeuille mais au sein de tout son deal-flow, " environ 1200 dossiers par an ", précise Thomas Rival. " Notre motivation première est entrepreneuriale, nous n'avons pas le stress d'un montant à déployer chaque année avec un reporting à faire à des limited partners. Nous sommes un fonds evergreen (fonds qui n’a pas de date prédéterminée pour sa clôture, NDLR), cela nous permet d'accompagner les entrepreneurs les plus ambitieux. " Toujours avec l'idée que la chance sourit aux audacieux : quand on s'étonne qu'Evolem donne un coup de pouce à des entreprises de son deal flow dans lesquelles il n'a pas investi, Thomas Rival s'exclame " Dieu nous le rendra ! "