Décryptage par The Conversation France
29 septembre 2021
29 septembre 2021
Temps de lecture : 5 minutes
5 min
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PME : la croissance externe, une stratégie sous-exploitée

On dénombre actuellement en France environ 5 700 ETI seulement contre 148 000 PME. La croissance externe est un outil de croissance à maitriser.
Temps de lecture : 5 minutes

Cet article est republié à partir de The Conversation France

La France peine depuis des années à renforcer son tissu d’entreprises de taille intermédiaire (ETI, de 250 à 5 000 personnes), qui est notamment considéré comme l’un des facteurs du dynamisme économique allemand. En effet, l’Insee recense aujourd’hui 148 000 petites et moyennes entreprises (PME, moins de 250 salariés) contre 5 700 ETI.

PME

Face à cet enjeu industriel de croissance, les PME peuvent mobiliser le levier stratégique de la croissance externe, que la BPIFrance définit comme : "Toutes les opérations menant au rapprochement de deux sociétés (fusion, acquisition, prise de participation, etc.)."

Cette stratégie a l’avantage de permettre un gain de taille notable en un temps limité, donnant ainsi aux PME les plus dynamiques la possibilité de devenir rapidement des ETI. La croissance externe offre en outre une réponse rapide aux évolutions de l’environnement, en étant propice au développement d’innovations et à l’acquisition d’avantages concurrentiels sur la scène internationale.

Plus de parts de marchés

En effet, les opérations de croissance externe contribuent à renforcer le positionnement international des entreprises, en augmentant leurs outils productifs, leurs canaux de distribution et leurs parts de marché. Elles donnent accès à des ressources et des compétences favorisant le développement d’innovations.

Dans le secteur technologique, l’entreprise Contentsquare est, par exemple, devenue en moins de 10 ans le leader mondial de l’expérience analytics après avoir réalisé cinq acquisitions depuis 2019, financées en partie par levées de fonds.

Cette stratégie concerne également le secteur industriel. Dans l’étude Paroles d’ETI de la Fabrique de l’Industrie, le fondateur d’ERMO, société localisée en Mayenne et spécialisée dans la conception et la réalisation de moules à injection multi-empreintes pour l’industrie plastique, témoigne :

"Nous avons réalisé deux opérations de croissance externe, d’abord en 1987 avec le rachat d’une entreprise en difficulté à Alençon (Orne), puis, en 2004, avec l’acquisition de Moulindustrie, une société située à Vire (Calvados). Le rachat a été une réussite à la fois pour le propriétaire, pour nous et pour nos clients. L’entreprise n’avait que deux clients, tous deux français, était débordée de travail et n’avait pas de capacité d’investissement. Nous avions du capital et nous disposions d’un service commercial très dynamique : nous avons pu vendre le savoir-faire de cette société un peu partout dans le monde."

La croissance externe apporte par ailleurs une réponse aux difficultés de transmission des entreprises lors du départ de leur dirigeant, contribuant ainsi à la préservation des emplois et de leur création.

Besoins de financement

Pour permettre ce développement vers le statut d’ETI, encore faut-il que les PME aient accès à des financements adaptés. Ces dernières privilégient généralement les banques pour financer leurs besoins (cycle d’exploitation, investissements, etc.). Cependant, ces dernières se montrent plutôt réticentes à financer les investissements de croissance externe des PME.

Dans une étude publiée dans la Revue de l’Entrepreneuriat, nous analysons les enjeux auxquels font face les acteurs impliqués dans le financement des opérations de croissance externe réalisées par des PME non cotées. Pour ce faire, nous avons constitué une base de données inédite réunissant de nombreuses informations économiques et financières sur 418 PME françaises ayant réalisé ce type d’investissements.

PME

Notre étude montre d’abord que les PME étudiées ont un chiffre d’affaires moyen en 2011 faible, puisque la moyenne est de 4 587 000 euros. Elles ont réalisé entre 2011 et 2015 un investissement moyen en croissance externe pouvant être considéré comme conséquent, puisqu’il représente près de la moitié du chiffre d’affaires de début de période.

En parallèle, ces PME ont levé en moyenne 2 250 000 euros (il existe toutefois une grande disparité de levées de fonds entre les sociétés étudiées). La capacité d’autofinancement disponible (CAFD) moyenne est négative (-1 752 000 euros), ce qui illustre par ailleurs l’important besoin de financement à couvrir.

Les réticences des prêteurs

Notre étude constate que les PME financent largement par capitaux propres leur croissance externe en raison des réticences manifestées par les banques face auxrisques attachés à ces opérations : des synergies qui peinent à se mettre en place, ou encore une dégradation de la situation post-acquisition. C’est cette frilosité qui conduit les dirigeants à se recourir aux capitaux propres de leurs entreprises.

Par ailleurs, notre étude s’intéresse à l’arbitrage entre volonté de développement et maintien du contrôle de la société auquel procèdent les dirigeants. Nous observons à ce sujet que, plus la taille de l’opération est élevée (croissance externe/chiffre d’affaires) et donc plus le risque est fort, plus le dirigeant-propriétaire opte pour un financement assuré par levées de capitaux propres.

Cela montre que, face à la nécessité de maîtriser le risque induit par l’opération de croissance externe, les dirigeants de PME sont plutôt enclins à supporter une éventuelle perte de contrôle de leur entreprise pour en assurer la croissance.

En finançant largement par capitaux propres les opérations de croissance externe, les PME privilégient l’exploitation de leurs opportunités de croissance au détriment de leur volonté de maintien du contrôle familial. Ce constat montre le rôle déterminant que joue une caractéristique de la croissance externe (l’intégration d’un potentiel de croissance) dans le choix du mode financement.The Conversation

Ludivine Chalencon, Maître de conférences, finance et comptabilité, IAE Lyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3 et Alain Marion, Professeur émérite, IAE Lyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3

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