Mise à jour d'un article initialement publié en septembre 2019

En bowling, on appelle ça un strike. Dans la finance, une bonne opération. White Star Capital n'a que six participations françaises dans son portefeuille mais peut se targuer d'avoir accroché à son tableau de chasse une licorne : Meero, selon le site CB Insights. Un bilan qui résume bien les ambitions du fonds américain, qui a ouvert un bureau en France il y a trois an. "Nous visons la création de champions mondiaux de plusieurs milliards de valorisation, affiche sans ambages Matthieu Lattes, general partner du fonds depuis qu'il a quitté la banque d'affaires Rothschild. Durant toute son Histoire, la France a créé de nombreux géants industriels ou du luxe, comme Michelin, L'Oréal ou LVMH. Aujourd'hui, elle a la possibilité de créer des géants technologiques."

Pour concrétiser les espoirs tricolores, les fonds étrangers sont bienvenus. Cela tombe plutôt bien, White Star Capital vient de lever un nouveau véhicule de 360 millions de dollars - après avoir déjà levé 180 millions de dollars en 2018 pour son précédent véhicule, successeur d'un premier fonds de 70 millions. En outre, il se dote d'un fonds de 50 millions de dollars spécifiquement dédié à la blockchain, tandis que 90 autres millions seront réservés au co-investissement. Et si le fonds d'investissement dispose également de points d'ancrage à Montréal, New York, Londres, Hong Kong et Tokyo, il mise beaucoup sur son bureau parisien. Preuve en est le déménagement du siège européen de Londres à Paris fin 2017, alors que le spectre du Brexit et la politique macroniste pro startup faisait luire la Ville lumière d'un éclat particulier. Le fonds prévoit ainsi de déployer 50 à 100 millions de dollars rien que dans l'Hexagone.

Fonds multinational pour startups mondialisées

Avoir des attaches sur trois continents a forgé un ADN international à White Star Capital, que le fonds tient à décliner aussi bien dans ses propres équipes - parmi la vingtaine de collaborateurs dans le monde, on recense pas moins de 14 nationalités différentes - que dans son portefeuille. "Nous permettons aux startups de s'internationaliser. Nous travaillons donc avec des entreprises qui ont des ambitions mondiales, des projets de s'implanter en Amérique et en Asie", liste Matthieu Lattes. Les trois scaleups françaises dans lesquelles White Star Capital a déjà investi constituent à ce titre la quintessence de ce que cherche le fond américain : Meero a déjà des bureaux à New York, Tokyo ou encore Singapour, Klaxoon poursuit sa stratégie d'expansion aux États-Unis et Mindsay travaille avec de grands groupes en faisant fi des frontières.

"Nous misons sur des entreprises dont le marché est mondial et significatif, qui ont à leur tête un ou des entrepreneurs expérimentés et ambitieux et qui ont déjà trouvé leur modèle économique", précise encore l'investisseur, qui vante "l'ambition démesurée" de Thomas Rebaud et se réjouit que Mindsay a pu présenter des clients implantés dans cinq pays différents... avant même de lever sa série A. C'est donc ce concentré de vélléités internationales, d'entrepreneurs aux dents longues - mais pas aux idées courtes - et d'un marché mondial et conséquent qui doit faire émerger les licornes de demain.

Prendre le temps de créer une société qui va vite

Un cocktail peu propice à des investissements early stage. White Star Capital se concentre ainsi sur les séries A et B, avec des tickets entre 5 et 10 millions d'euros. Mais la moitié du véhicule d'investissement est dédié au réinvestissement dans les startups du portefeuille, comme ce fut le cas pour la méga-levée de 205 millions d'euros de Meero au printemps. Mais la sélection est drastique : pour 7000 dossiers reçus l'an dernier, seuls 10 investissements ont été réalisés - le bureau français finançant aussi des entreprises allemandes ou suédoises. Une sélectivité dont se félicite Matthieu Lattes. "Nous avons peu de sociétés en portefeuille, ce qui nous laisse beaucoup de temps pour nous occuper de chaque participation." Pas question pour autant cependant d'enfermer les entrepreneurs dans un cocon doré. "Les entrepreneurs qui s'associent avec nous recherchent un partenaire exigeant pour le challenger et l'encourager à penser mondial dès le début."

Le fonds américain assume ce rôle de partenaire afin d'aider les entrepreneurs à structurer leur entreprise de sorte qu'elle soit suffisamment solide pour absorber une forte croissance et la transformer en licorne. Recrutements et développement commercial font également partie des expertises de White Star Capital. Tout comme l'opportunité de créer des synergies entre les pépites et des grands groupes, à l'instar de Klaxoon qui a noué des partenariats avec Dropbox et Microsoft. Le fonds dispose aussi de liens avec les milieux bancaires et du divertissement - via la branche canadienne d'Ubisoft notamment.

Autant de briques qui doivent servir à bâtir rapidement des géants pérennes plutôt que des opérations rentables à court terme. "Nous savons être pragmatiques mais nous ne cherchons pas à 'faire des coups'. Nos fonds sont d'ailleurs calibrés pour durer dix ans..., lâche l'investisseur dans un sourire. Nous préférons construire avec l'entrepreneur une valeur à long terme qu'investir dans un feu de paille." La raison plutôt que la passion, en somme.