Tribune initialement publiée en décembre 2020

Malgré un marché du travail fortement bousculé cette année - Covid oblige -  l'organisation pyramidale reste la norme pour 99% des entreprises, avec tout ce qui va avec : fonctions très hiérarchisées, stricte verticalité des process et une certaine passion pour le reporting… Pourtant, notre société traverse de profondes mutations, caractérisées notamment par l’aspiration de nombreux salariés à apporter plus de sens à leur travail et à mieux comprendre leur rôle au sein des entreprises.

Cette période peut donc représenter l’occasion parfaite pour les entrepreneur·euse·s de s’interroger sur les modèles managériaux "traditionnels", pour ne pas dire poussiéreux, et les nouveaux enjeux des organisations. C’est, depuis la rentrée de septembre, ce que nous avons fait chez Planète OUI.

Nous avons commencé par interroger nos collaborateurs avant de mettre en place un nouveau modèle de management plus horizontal, basé sur l’autonomie. Voici des retours d’expérience sur la mise en place de ce Big Bang managérial, et quelques conseils sur les précautions à prendre quand on se lance.

Ne pas fantasmer un modèle idéal

Sans vouloir casser l’ambiance d’entrée de jeu, le vrai enjeu d’une telle démarche est de choisir le modèle adapté à son entreprise, et non un modèle fantasmé qui pourrait s’avérer déceptif - ou même contre-productif. Si un tel projet peut se montrer très excitant, il demande un travail minutieux en amont, et surtout beaucoup de patience et de précautions.

Première étape, donc, parfois fastidieuse mais néanmoins indispensable : se renseigner, faire un état des lieux complet des modèles existants pour s’inspirer des meilleures pratiques mises en place par ses pairs. Adopter un modèle autogéré ; se tourner vers l'holacratie qui prône une organisation sans chef et sans hiérarchie ; ou finalement conserver un modèle d’entrepris très classique : il n’y a pas un "bon" ou un "mauvais" modèle, seulement des choix plus ou moins bien adaptés à l’entreprise. Le modèle pyramidal est parfois tellement ancré que certains salariés ne plébiscitent pas le changement. Cela peut susciter des craintes et être très déroutant. Il faut bien avoir conscience qu'il n'y a pas de modèle universel.

Adapter la théorie au contexte et prendre le temps d'y aller

À partir de cette première étape de "défrichage" théorique, le choix de l'organisation à mettre concrètement en place doit se faire en fonction de la raison d’être et des valeurs de l’entreprise. La bonne question à se poser est celle de la cohérence entre les différents modèles, ces valeurs fortes, et les besoins des dirigeants et des salariés. Pour ce faire, chaque employé de l’entreprise, équipe par équipe, personne par personne, doit être interrogé dans le cadre d’entretiens individuels. Le but n’est pas forcément de reproduire un modèle gravé dans le marbre. Suivant les retours des salariés, les équipes dirigeantes doivent faire preuve de flexibilité, adapter le modèle plébiscité à la culture d’entreprise et au mode de fonctionnement déjà en place au sein de l’entreprise, pour que cela se fasse de la manière la plus organique possible.

Après de nombreux échanges avec les salariés, Planète OUI, où autonomie et liberté étaient déjà des façons de fonctionner très présentes, a fait le choix d’adopter un modèle intermédiaire, inspirée de l’holacratie, c’est-à-dire une entreprise où le pouvoir n’est pas concentré dans les mains d'une personne ou d’un groupe de personnes mais où il est redistribué et partagé de façon horizontal. Le bienfondé de ce fonctionnement repose sur la notion d’intelligence collective. Celles et ceux qui font, sont les mêmes que celles et ceux qui décident. Fini, donc, les titres et les organigrammes, chacun se définit désormais par les rôles qui lui sont confiés.

Débuter la démarche par le fonctionnement du "premier cercle"

À savoir, le fameux CODIR ! Son rôle, son fonctionnement et même son nom ont été ainsi entièrement repensés chez Planète OUI, dès les prémices de la démarche. C’était d’ailleurs assez amusant de voir les réelles différences de positionnement entre les membres du CODIR sur la façon de manager. Certains d’entre eux ont mis plus de temps à assimiler qu’il n’y aurait plus de chef dans notre choix de modèle. Les différents rôles vont être amenés à fortement évoluer, et pour que cela se passe au mieux, il vaut mieux accorder les violons des cadres dont les fonctions seront susceptibles d’être moins opérationnelles, moins dans la prise de décisions et plus dans l’accompagnement et le partage de leurs expertises.

Accompagner ses salariés…

Pour rassurer les autres salariés, ces derniers doivent être soutenus et accompagnés dans des changements, qui viendront sans nul doute bouleverser leurs quotidiens, leurs habitudes et leurs réflexes. Sans forcément opter pour en encadrement trop contraignant, quelque peu contre intuitif quand on adopte un modèle autogéré, nous avons opté chez Planète OUI pour des points de suivi réguliers, un canal dédié Teams pour partager des exemples et de la documentation sur ce type de modèle ainsi qu’un topo interne expliquant de manière simple et concise la démarche. Tout cela pour expliquer que pas d’autorité verticale ne veut pas dire pas d’autorité ou pas d’organisation : l’autorité est en fait partagée. Une entreprise autogérée implique de définir les règles du jeu, le cadre de liberté, et ce qui est redevable ou non.

Nous avons par ailleurs pour ambition de construire un manifeste au fur et à mesure de la démarche, pour que cette évolution soit efficace et évolutive - le but étant de ne pas copier/coller le manifeste Holocratie mais de l'adapter à notre contexte. Chaque rôle et responsabilité au sein de l’entreprise y seront plus clairement définies. Et nous nous attendons à ce que la structure de l’organisation se modifie très fréquemment à travers un processus de gouvernance évolutif. La mise en place d’outils d’organisation (Glassfrog, Holaspirit ou Openmyorganization qui sont les trois références en la matière par exemple) est également prévue dans les semaines à venir.

... Et les encourager à s'exprimer

Le fait d’exprimer un avis divergent vis-à-vis de son chef, d’une experte, d’une personne plus expérimentée n’est pas chose aisée dans une société pyramidale. Chez Planète OUI, il est prévu de former les salariés aux méthodes de communication qui vont leur permettre d’exprimer leurs avis et idées afin de mobiliser l’intelligence collective : la communication non-violente, ou encore la communication faite d'empathie, sont ainsi des méthodes qui nous séduisent particulièrement. L’objectif sera de donner les moyens et les clés à celles et ceux qui n’osent pas exprimer leurs avis. Et à l’inverse, celles et ceux qui ont tendance à affirmer leur point de vue seront sensibilisés au fait de formuler leurs avis comme un avis et non comme une certitude ou comme une vérité.

Ces éléments permettent de créer un environnement stimulant où chaque personne de l’entreprise est encouragée à prendre la parole pour faire part de ses idées et ainsi avoir un impact direct sur l’entreprise. Sur ces bonnes paroles, la prochaine étape est donc de déployer ce modèle avec une approche test &
learn. Chaque retour d’expérience et feedback des équipes permettront de déterminer les actions à mener, en continu, pour mener avec succès ce projet d’entreprise.

Camille Darde, DRH de Planète OUI