Pourquoi le Groupe Duval a-t-il commencé à investir dans des startups ?

Pauline Duval - À l’origine, le Groupe Duval fait de l’immobilier : nous sommes à la fois promoteur, investisseur - à travers une foncière de 2,5 milliards d'euros d’actifs - et exploitant, notamment de résidences étudiantes, campings, résidences pour seniors et golfs. Nous avons une culture très entrepreneuriale, ce qui nous permet d’être agiles. En 2014, nous nous sommes dit que c'était une bonne chose d'être investisseur majoritaire dans les entreprises liées directement à nos métiers mais que pour garder une culture entrepreneuriale, il faudrait investir auprès d’entrepreneurs " nouvelle génération ", qui créaient des startups qu’on voyait se multiplier à l’époque. C'était alors très loin de notre culture d’entreprise mais le Comité exécutif m'a donné son aval.

Comment cela s'est-il traduit, concrètement ?

Nous avons créé une structure dédiée, les premiers investissements ont eu lieu dès 2014. L'idée est de soutenir financièrement des entrepreneurs pour les accompagner et les aider à se développer. Ils ont besoin d'être soulagés de certaines tâches dans lesquelles ils n’ont pas beaucoup de valeur ajoutée. Or, le Groupe Duval est un groupe intégré, avec des services juridiques, financiers, RH… Au total, ce sont plus de 700 structures juridiques qui sont présentes dans le groupe ; nous avons déjà industrialisé certains process. Je trouvais important de pouvoir aider ces entrepreneurs et leur proposer un soutien via nos services support dans le groupe et pouvoir être à leurs côtés en tant qu’entrepreneuse.

Tout le monde est habitué à ce que je mette en relation les fondateurs de startups avec des personnes en interne : les équipes se voient, se parlent. Dès qu’on peut aider, on aide mais cela se fait à la demande des entrepreneurs, pour que cela ne soit pas intrusif dans leur business. C'est totalement différent de ce qui peut se faire dans des incubateurs, par exemple. On a vu des incubateurs se créer qui prenaient le beurre et l’argent du beurre : ils prennent une part au capital mais les entrepreneurs doivent en plus payer les bureaux, des services annexes, etc. Nous faisons le choix de laisser leur indépendance aux entrepreneurs et de les accompagner sur le long terme. Nous sommes une entreprise familiale, nous n'avons pas non plus la même vision que certains fonds qui mettent un certain montant et calculent le chèque de sortie. Nous avons dans l'idée d'accompagner la vie de l’entrepreneur en lui apportant le bon accompagnement au bon moment pour son entreprise : en phase de structuration, d'hypercroissance, etc.

Quels montants avez-vous l'habitude d'investir ?

Nous sommes assez libres sur les montants. Notre curseur maximum dépend de la conjoncture, parce que nous investissons sur nos fonds propres. Mais le ticket moyen est autour de 300 000 euros.

Quelle présence leur apportez-vous au quotidien ?

Je suis systématiquement membre du board, parce que c'est important pour moi de pouvoir les accompagner. L'humain, c’est ce qu’il y a de plus important. Je me rappelle de Lydia, qui a été la première startup dans laquelle nous avons investi. Une histoire humaine s’est créée derrière le projet. Il y a une certaine confiance qui se crée dans cette relation business.

Comment choisissez-vous vos participations ?

Le projet doit être innovant, répondre à une problématique précise et nous devons comprendre le modèle économique. L'exemple d'Aive est très parlant : il s'agit de réduire le temps humain passé à monter des vidéos grâce à l'intelligence artificielle. Nous devons surtout partager les mêmes valeurs. À l’origine, nous étions très concentrés sur les Fintech mais nous ne voulions pas nous restreindre à un seul secteur. Nous nous sommes ouverts à d'autres champs. Il s'agit aussi de s’enrichir en explorant divers secteurs : la beauté ou l'agriculture. Nous avons autant à apprendre d'eux qu’eux ont à apprendre de nous.

Nous faisons également très attention à l'impact que l'entreprise peut générer. C'est devenu l'un de nos objectifs premiers. Il faut que les innovations ou les modèles économiques génèrent de l’impact. C'est l'idée de Vever, l'un de nos derniers investissements : plutôt que d’utiliser des diamants issus de mines, la startup produit des diamants de laboratoire. Le fait que l’entrepreneur soit une femme est aussi un critère important. Quand Sista s'est créé, nous avons regardé combien de femmes avaient créé d'entreprises de notre portefeuille : 40%.

Nous préférons en outre investir assez tôt. Il faut que les entreprises aient au moins une preuve de concept ou une preuve de valeur. Mais nous avons le sentiment qu'investir tôt apporte davantage de valeur ajoutée. Nous n'avons pas les poches très profondes mais nous n'avons pas non plus vocation à investir pour détenir un pourcentage non significatif du capital. Ça, plein d’autres investisseurs savent très bien le faire. Nous aimons être là sur le temps long et accompagner les entrepreneurs en réinvestissant lors des trois ou quatre tours qui suivent.