Nourries par les aspirations d’innovation technologique de tout un pays, vous, chères licornes, rivalisez en ce début d’année de valorisations records, et c’est sans aucun doute une très bonne nouvelle pour notre économie. Pour autant, ces sommes vertigineuses posent de réelles questions sur « l’après » auxquelles vous pouvez désormais aspirer, en dehors d’une incontournable entrée en bourse… Une issue qui imposera de fait des résultats à la hauteur de l’investissement consenti.
Or, tandis que nos ressources humaines et environnementales tendent à s’épuiser, pourrez-vous longtemps tenir les engagements que vous semblez toutes épouser, autour d’une prise en compte écologique et d’une mission sociale plus que jamais nécessaires ? Car parmi ces championnes de la startup nation, toutes ou presque se targuent aujourd’hui de disposer d’un « purpose » : autrement dit, d’exister et d’innover dans le souci d’avoir un réel impact sur la planète et l’Homme, ou a minima d’intégrer les préoccupations environnementales dans leur fonctionnement.
Et pour cause ! Difficile voire impossible pour cette génération d’entrepreneur·se·s, et dans le contexte que nous connaissons, de faire l’impasse sur un discours et des intentions green, ne serait-ce que pour répondre aux nouveaux cahiers des charges de leurs partenaires, ou encore être en mesure d’attirer de nouveaux talents.
Mais je crois ici pertinent de rappeler que vos aînés industriels, dans les secteurs de l’automobile ou du pétrole notamment, étaient initialement pourvus des mêmes saines ambitions. Qu’il s’agisse de permettre au plus grand nombre d’être véhiculé, ou même chauffés, tous aspiraient alors à avoir un impact positif sur la société. Or, galvanisés par des croissances exponentielles, et conditionnés aux exigences des marchés, ces géants ont pour beaucoup eu tendance à fermer les yeux sur l’empreinte écologique qu’ils laissaient en parallèle…
Ce schéma n’est pas inéluctable. Nous sommes toutes et tous aujourd’hui mieux informés, et davantage sensibilisés. Mais pour l’éviter, astreignons-nous dès à présent à une discipline de pensée et d’action cohérente, durable, et inclusive. En premier lieu, c’est dans la définition même de la mission d’entreprise que tout se joue. Une erreur traditionnellement visible dans votre écosystème est de se précipiter dans des impératifs de création d’impact positif, avant même de chercher à réduire votre impact négatif. Car il y en a un, inévitablement.
La pollution numérique est aujourd’hui au cœur des débats en ce qu’elle devient chiffrée, tangible. L’Ademe et l’Arcep s’en émouvaient il y a quelques jours à juste titre : le trafic Internet représente 2,5 % de l’empreinte carbone du pays, tandis que ses véhicules (ordinateurs, portables, etc.) et ses infrastructures (data centers, réseaux…) représentent eux une consommation annuelle de ressources de 62,5 millions de tonnes et 20 millions de tonnes de déchets. Partant du principe simple que vivre, c’est polluer, mon propos n’est pas ici de vous demander l’impossible, mais bien d’alerter sur les garde-fous qui doivent être les vôtres lorsque vous définissez vos priorités en termes d’impact.