Il y a, en 2022, moins de femmes à la tête des FinTech et AssurTech en amorçage qu’en 2021. C’est le triste constat à la lecture des statistiques : sur les 97 entreprises recensées cette année, 3 % seulement ont été fondées par une ou des femmes - contre 7 % l’an dernier, soit une chute vertigineuse de 67 %. Seule consolation, la part des équipes fondatrices mixtes se maintient à 18 %. Ce qui implique que près de 8 startups sur 10 sont fondées par un ou des hommes uniquement.

Or, ces startups doivent imaginer des produits et services pour l’ensemble de leur clientèle, femmes incluses. Mais comment répondre aux besoins des clientes si les femmes ne font pas partie de l’équation dès la conception ? Ainsi, plutôt que de voir émerger des entreprises capables de prendre en compte les femmes dans la définition de leurs services, on voit au contraire émerger des solutions pour les femmes par les femmes, comme le montrent les exemples d’OwnYourCash, fondée par Imène Maharzi, qui guide les femmes vers l’indépendance financière ou WEInvest, portée par Paloma Castro Martinez, afin d’encourager les femmes à investir.

Une tendance que l’on retrouve aussi dans l’investissement, avec la création en 2021 de deux fonds spécifiquement dédiés au financement des startups portées par des femmes : Winequity, créé par Cécile Bassot et Florence Richardson, et Leia Capital, propulsé par 14 femmes business angels. " C’est un message intéressant mais cela ne suffira pas, tranche Alain Clot, président de France Fintech. L’idée n’est pas de communautariser, ce n’est pas en faisant financer les femmes par des femmes qu’on va résoudre le problème. " Ni en faisant porter systématiquement aux femmes la responsabilité de développer des produits ou services adaptés aux femmes…

Des secteurs peu accueillants pour les femmes

Pour ne pas " communautariser " les startups, encore faut-il parvenir à convaincre les femmes de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale, qui plus est dans des secteurs où le masculin reste la norme. Cela n’a pas effrayé Jeanne Depond et Li Cai, co-fondatrices de l’AssurTech Lyanne. " Nous étions toutes les deux déjà familières de l’industrie financière, nous avions donc l’habitude d’être entourées d’hommes ", explique cette dernière. Mais c’est loin d’être le cas de toutes les entrepreneuses en devenir.

Ainsi, l’association France Fintech notait dans une étude dédiée, datant de 2019, que " les hommes issus de l’industrie bancaire et assurantielle demeurent les principaux acteurs de l’écosystème, qu’ils contribuent à structurer en fonction de critères qui leur sont propres et de recruter d’anciens collaborateurs ". Elle ajoutait : " le secteur cultive une image de pré-carré préservé dans lequel les nouveaux entrant(e)s ne sont pas toujours les bienvenu(e)s. Cette cooptation masculine nuit à l’ouverture du secteur et à sa lisibilité, notamment quant aux potentiels de carrière pour les femmes. "

Les fondatrices de Lyanne en ont fait l’expérience, essuyant notamment des interrogations sur leurs capacités techniques. " Même si j’ai appris à coder, grâce à une formation du Wagon, j’ai fait face à des remarques sur la solidité de la tech. Une femme trentenaire qui apprend à coder est davantage questionnée sur sa légitimité qu’un homme qui a moins d’expérience, en sortie d’école, par exemple ", regrette ainsi Li Cai.

Un déséquilibre dès la formation

Le manque de femmes dans les filières scientifiques est d’ailleurs régulièrement pris pour argument afin d’expliquer leur faible représentation dans les métiers de la finance et de l’assurance. Mais il ne tient pas pour les FinTech et AssurTech : seulement deux tiers des fondateurs de startups early stage disposent de compétences techniques issues d’un parcours scientifique ou d’ingénierie. Au contraire, les fondateurs au profil commercial sont sur-représentés (79 %), devant ceux disposant d’une expertise métier grâce à une première expérience en finance ou en banque (71 %).

Or, les écoles de commerce font partie des bons élèves dans l’enseignement supérieur, avec un taux de féminisation de 50% en 2020. Mais, comme le relevait Le Monde dans un article de 2018, le diable se cache dans les détails : " les filles sont surreprésentées en ressources humaines, marketing ou luxe, et les garçons en audit et finance ". Dès la formation et alors même que les filières dédiées à l’entrepreneuriat se multiplient dans les écoles de commerce, FinTech et AssurTech sont " préemptées " par les hommes.

Les inégalités de financement toujours pas résolues

Autre pierre d’achoppement : les difficultés de financement des projets portés par des femmes, que le duo à la tête de Lyanne a pu expérimenter. " Nous avons été transparentes, parfois trop honnêtes dans notre roadshow, là où un homme sera plus agressif et plus vendeur, estime Li Cai. C’est perçu par les investisseurs comme un manque de solidité alors que ça devrait être rassurant pour les fonds : on fait exactement ce qu’on dit. " Finalement, l’entreprise a levé 1,2 million d’euros auprès des fonds FirstMinute Capital et 50Partners et de plusieurs business angels de renom.

Ce sujet n’est pas nouveau et France Fintech cherche depuis plusieurs années à faire bouger les lignes. " Le vrai sujet, c’est d’arriver à donner confiance aux investisseurs masculins ", souffle Alain Clot. D’autant que les raisons de ne pas soutenir les startups fondées par des femmes sont quasi exclusivement culturelles : " Les femmes réussissent très bien dans notre secteur. Le taux d’échec des entreprises fondées par des femmes n’est pas plus élevé que celles fondées par des hommes, c’est même l’inverse ".

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