Ce n'est jamais gagné d'avance mais on y est arrivé. C'est un gros soulagement ", annonce d'emblée la co-fondatrice de la brocante française 2.0 quand elle apprend mercredi dernier que Creadev (société de gestion evergreen contrôlée par la famille Mulliez) investit 35 millions d'euros dans la boîte. L'occasion de poursuivre sa lancée avec trois priorités à la clé : lancer une application mobile, se développer en Europe et sur le marché BtoB. Si elle aime la déco vintage, elle reconnaît que sa vision commerciale limitée aujourd'hui au seul site web est, elle, " un peu trop vintage ". " Il est temps de passer au mobile first et l'app first ".

Une app pour recréer l'ADN de la broc

En clair : lancer le site mobile et l'application Selency en France et en Europe d'ici la fin de l'année pour fluidifier les transactions, mais aussi les interactions entre acheteurs et vendeurs grâce à la messagerie, qui sera au cœur de l'expérience d'achat. " Converser, échanger, marchander : c'est cet ADN de la broc’ que je souhaite recréer ", martèle l'entrepreneuse dont la plateforme qui totalise déjà 2,5 millions de visiteurs chaque mois, " va gagner en performance ". Son principal enjeu ? " Recruter, et surtout, faire évoluer l'entreprise vers plus de culture tech ". 

Parce que Selency est de plus en plus sollicité par les professionnels (hôtels, restaurants, architectes...), Charlotte Cadé veut accroître son activité B2B avec Selency Pro lancé en 2020, qui représente déjà 20% de son chiffre d'affaires. Et gagner les marchés du Nord de l'Europe où la décoration et le design ont le vent en poupe. Avec une sélection d'objets authentiques, élégants, en parfait état et accessibles à tous les budgets, l’entrepreneuse est sûre que ces valeurs, qui ont créé le succès de Selency, peuvent s'exporter. " Il n'y a pas encore de leader sur le marché européen. Avec notre positionnement ‘french touch’, qui défend les valeurs de l'art de vivre à la française, c'est le moment de prendre cette place ".

" Plus les challenges sont difficiles, plus je suis motivée "

De l'ambition, Charlotte n'en manque pas. Encore deux nouveautés récemment sur Selency (du mobilier de jardin et une galerie d'art), et un premier partenariat avec Monoprix où la marque a eu un corner dans 25 enseignes. " Ça a tellement cartonné que l'on va voir eux comment inscrire cela dans la durée ", annonce la trentenaire, maman de deux jeunes enfants avec Maxime Brousse, son mari et associé. " J'aime l'ambition et les challenges. Et plus c'est difficile, plus je suis motivée ", poursuit-elle, fière d’annoncer qu'entre 2018 et 2020, sa marketplace a enregistré une croissance de 300%, et qu’elle compte désormais 70 salariés. Et plus encore, " participe à démocratiser l'unique et le durable ".

" Jamais je ne me serais imaginée entrepreneuse "

Pourtant, rien ne la prédestinait à entreprendre. " Étudiante et après un premier job de design marketing chez l'Oréal, jamais je ne me serais imaginée entrepreneuse ", se souvient-elle. Aujourd'hui, cette cheffe d'entreprise se découvre même une fibre grandissante pour le management. À l'inverse du recrutement qui, pour elle, est " ce qu'il y a de plus délicat. Je me suis parfois trompée sur les profils, j'ai eu des déceptions, j'ai dû licencier. Ce sont des moments que je n'aime pas du tout ", admet Charlotte Cadé. Le " zéro faute " n'existe pas et la réussite passe aussi par des moments de doute.  " Dans ces moments-là, la seule personne vers laquelle je me tourne, c’est Maxime. Je ne communique pas mes doutes à l’équipe. Je gère en solo, et je pense que c’est ce qu’il y a de plus dur pour un entrepreneur ".

Mais elle n'a jamais douté de son idée de lancer, en 2014, BrocanteLab, qui allait devenir Selency. " L'idée est partie d'un besoin personnel. On venait d'emménager et je voulais chiner des objets authentiques qui respectent un budget, raconte cette dernière. J'ai passé des heures sur Le Bon Coin, constatant qu'il n'y avait pas un site de brocante en ligne et qu'il était temps de rafraîchir l'image de la brocante ".

Passionnée de décoration depuis l'enfance

Nul hasard à ce que Charlotte Cadé soit passée de l'idée à l'action. Car sa passion pour " la chine " remonte à l'enfance. " Les puces et les vide-greniers étaient une des activités préférées de mes parents. Dans la famille, on a toujours raffolé des associations libres… Jongler avec les siècles, faire cohabiter un trumeau aux dorures XIXe siècle et une coupe brutaliste avec une chaise Breuer ", – l'un des best-sellers de la plateforme.

Huit ans et trois levées de fonds plus tard, la voilà dans une success story à laquelle elle ne s'attendait pas. Fini les 15 heures de travail par jour des débuts. " Plus l'entreprise grandit plus on est épaulé par des talents et plus on peut déléguer. Cette aventure collective permet d'équilibrer les choses et le fait d'être entrepreneur en couple permet une bonne flexibilité car on peut bien se répartir les rôles. À 19 heures, je suis désormais chez moi, avec mes enfants ".