Avec votre associé, vous vous êtes lancés alors que vous étiez encore étudiants. Avez-vous bénéficié du soutien de certains programmes ou été accompagnés par des structures ? 

Au niveau financier, nous avons la chance d’avoir des parents qui ont financé nos études, nous n’avions donc pas de prêt à rembourser, ce qui nous a permis de réaliser un emprunt de 20 000 euros pour lancer l’entreprise. Grâce à ce capital nous avons pu faire vivre la société pendant 18 mois.

Concernant la construction du projet, nous avions déjà de grosses connaissances entrepreneuriales en raison de nos études (master en management à Audencia, ndlr). Nous avons toujours essayé d’être le plus autonomes possible en apprenant par nous-même.

De ce fait, nous n’avons jamais intégré d'incubateur ou d'accélérateur. Nous avons vraiment essayé de prendre comme prisme de lecture un business assez simple. On a décidé de commencer de manière très terre à terre. Notre métier était de trouver un produit et de fournir un bon service. Nous avons choisi d’avoir un concept simple, avec une entreprise qui génère de l’argent dès qu’elle vend un produit.

Vous avez développé votre notoriété sur votre capacité à vendre des sneakers éditées en quantité limitée, et donc rares. Comment réussissez-vous à vous approvisionner ?

Nous vendons uniquement des produits neufs, qui sortent en drop sur Internet ou en magasin, c’est-à-dire qu’ils ne seront plus jamais vendus par la suite.

Notre site a deux parties distinctes. Quand un client arrive dessus, il va pouvoir accéder à des photos, des informations sur le produit. Nous allons aussi lui proposer plusieurs services comme le paiement en plusieurs fois.

De notre côté, on va acheter des baskets auprès d’un vendeur, qui va déposer ses sneakers ou ses vêtements sur la partie marketplace. Ce système nous permet d’avoir un seul prix par page, par pointure et par marque. Lorsque le vendeur propose son produit, il reçoit un bordereau d'expédition, un bon de vente. Nous récupérons le produit pour l'authentifier et ensuite nous le livrons.

Nous avons plusieurs typologies de vendeurs : des vendeurs occasionnels qui participent à des tirages au sort et qui vont vendre quelques paires, puis des revendeurs qui sont des semi-professionnels et des professionnels.

Vous vous placez en tiers de confiance. Comment assurez-vous cette authentification ?

On authentifie le produit pour s’assurer que ce n’est pas une contrefaçon. Il faut savoir que moins la paire est chère, moins la contrefaçon est de bonne qualité. Plus la paire est chère, plus la contrefaçon sera bien réalisée. Au-dessus de 200 euros, c’est important de passer par une authentification.

Nous formons nos effectifs sur ce point. Nous avons construit une base de données en interne, qui regroupe des photos et des textes avec les différents points d’attention à vérifier sur une paire de baskets : les coutures, l’étiquette, les matériaux, la boîte. Pour les best-sellers, on a une paire en stock pour faire une vérification.

Quelles stratégies avez-vous utilisé pour vous faire connaître ?

Au début, on a cherché notre coeur de cible, c’est-à-dire, des personnes qui aiment bien ces produits et qui ont les moyens financiers de les acheter. Nous avons d’abord pensé aux joueurs de foot. On a sélectionné toutes les équipes de Ligue 1 et on leur a envoyé des DM sur Instagram. A l’époque, on vendait une ou deux paires par jour. Un mois plus tard, on a rencontré la sélection ivoirienne, qui venait en France pour une semaine de préparation. Ils devaient rester à l'hôtel entre les entrainements, donc nous en avons profité pour aller leur présenter nos produits. Nous sommes arrivés avec 25 sacs en plastique et on a vendu pour 5 000 euros de produits en une journée. Il faut être inventif, quand on débute.

Ensuite on a commencé à créer du contenu sur notre propre compte Instagram en réalisant une story par jour, puis quatre. On s’appliquait aussi à répondre à tous les DM, tous les commentaires. Et nous continuons de suivre cette ligne directrice. Ensuite, nous avons investi un peu d’argent dans la publicité sur Internet. On a testé plusieurs choses sur Facebook, Instagram, etc. Il faut tester et voir s’il y a de potentiels clients à aller chercher. Ensuite, on a décidé de cibler les Barber Shops, qui ont accepté de mettre en place des présentoirs dans leurs boutiques contre une petite commission sur les paires vendues.

Nous avons aussi fait un gros travail sur le SEO pour réussir à être bien référencé. Au début, tu fais des choses qui te prennent beaucoup de temps et ensuite quand tu es connu, c’est l’inverse. Aujourd’hui, une grande partie de notre acquisition se fait de manière naturelle. Nous avons aussi créé notre propre média et on continue à être très présents sur les réseaux sociaux. On a développé d’autres leviers comme l’affiliation, via des sites qui parlent aussi de sneakers. Notre budget marketing est d’environ une centaine de milliers d’euros par mois.

Aujourd’hui, qui sont vos principaux clients ?

Nous arrivons à avoir un panel de clients mixte avec 50 % d’hommes et de femmes. Nous avons toujours souhaité nous adresser autant aux uns qu’aux autres et cela se retrouve dans le choix des égéries de nos campagnes.

Nous avons une communauté relativement jeune, puisque 60 % d’entre elle fait partie de la GenZ et nous en sommes extrêmement fiers, car ce sont des audiences que beaucoup de marques peinent à adresser.

Notre ambition est vraiment de créer un mouvement inclusif, de démocratiser l'accès à la culture urbaine et à ses produits.

La sneakers est devenu un produit tendance, qui séduit un large panel de personnes et suscite donc la création d'entreprises. Quel regard portez-vous sur le développement du secteur et l’arrivée de la concurrence ?

On a été les premiers en France à se lancer sur ce secteur avec une marketplace. Notre lancement en amont d’autres acteurs nous confère un peu d’avance. La compétition peut se regarder à deux niveaux. Il y a deux gros acteurs américains qui sont présents en Europe depuis 2018, mais leur présence ne nous empêche pas de grandir. Je les vois surtout comme des acteurs qui viennent évangéliser le marché et démocratiser la culture sneakers.

Il y aussi quelques acteurs plus petits que nous. Mais leur présence constitue une compétition saine, car nous sommes sur un marché porteur et la compétition nous pousse à innover. Nous avons réussi à nous construire une image forte et à développer une bonne proposition de valeur, qui nous permet de ne pas nous angoisser pour l’avenir. C’est à nous de continuer à nous différencier.

Suite à votre levée de fonds de 10 millions d'euros il y a un an, quels sont les grands chantiers que vous avez lancés ?

Nous avons commencé notre expansion à l’international en 2021 et nous allons la poursuivre en 2022. Nous avons ouvert trois pays l’an dernier : l’Allemagne, Italie et l’Espagne. Ces trois pays constituent un quart de notre chiffre d’affaires, aujourd’hui.

La passion pour la culture urbaine est mondiale et donc européenne, il y a donc un véritable enjeu à dupliquer ce qu’on a pu faire en France ailleurs en s'adaptant aux spécificités de chaque pays.

Le second chantier sur lequel on a travaillé est la construction de notre technologie. Si on veut pouvoir opérer des centaines de milliers de commandes par an partout en Europe, il faut construire un outil qui permette d’avoir la meilleure expérience pour les vendeurs et les acheteurs. Par exemple, il faut automatiser le paiement du vendeur en scannant simplement un QRcode, une fois que le produit a été certifié.

Nos deux derniers chantiers ont été de créer une marque forte avec notre communauté - nous avons 1 million de followers sur Instagram - et de recruter de nouvelles personnes.

Quels sont les grands axes sur lesquels vous allez continuer à vous développer dans les mois à venir ?

Notre vision a toujours été de dire que tout le monde est le bienvenu et donc on a voulu créer un système où les gens arrivent par différentes portes et évoluent à l’intérieur. Aujourd’hui, nous avons un très gros focus sur les sneakers et on développe de plus en plus une autre verticale, la mode streetwear.

On a envie de devenir la plateforme de référence pour toutes les personnes qui veulent se faire plaisir en achetant des baskets, des vêtements, des accessoires. On va aller chercher de la profondeur sur ces deux verticales-là. Il faut que les gens puissent acheter une paire de Converse classiques qu’ils vont utiliser au quotidien, ainsi que des produits haut de gamme. L’idée, c’est que nos clients viennent pour des produits du quotidien comme pour faire un cadeau d’anniversaire.

Nous sommes aussi engagés. Nous avons un programme interne permettant de s’investir sur des projets sociaux, comme la distribution de repas pour les étudiants. Au niveau écologique, nos cartons sont recyclables et nous travaillons pour qu’ils soient, demain, en carton recyclé. Nous essayons aussi de mettre en place des solutions pour avoir une empreinte environnementale neutre dans nos transports.