23 septembre 2022
23 septembre 2022
Temps de lecture : 1 minute
1 min
27381

Quinze ans après avoir fondé Zilok, puis OuiCar, Marion Carrette se lance dans la mode

Marion Carrette est une figure du web français. Pionnière de la consommation collaborative avec Zilok et OuiCar, elle revient aujourd’hui avec la reprise de la marque Anny Blatt. L’occasion de revenir sur son parcours et ses ambitions.
Temps de lecture : 1 minute

Contrairement à notre précédent article sur Séverin Marcombes, nous ne pourrons pas prétendre que Marion Carrette faisait les gros titres de Maddyness il y a quinze ans, puisque le média n’existait pas encore. 

Et pourtant, Marion était présente dès 2007 sur tous les plateaux aux côtés d’acteurs comme Frédéric Mazzella (Blablacar) ou encore Paulin Dementhon (Drivy) pour évangéliser la France au concept de consommation collaborative.

Cette année-là, Marion Carrette lance Zilok, une plateforme de location entre particuliers. Pour présenter le concept, elle utilisait toujours l’exemple de la perceuse, objet possédé par tant de foyers alors même qu’elle ne sera utilisée en moyenne que douze minutes dans toute une vie. Est-ce que ce ne serait pas plus intelligent de louer un tel objet pour les rares fois où vous allez en avoir besoin ?

Le décollage de Zilok

Le concept avait immédiatement conquis Marc Simoncini, alors à la tête de Meetic, qui avait immédiatement vu le parallèle entre le fait de faire rencontrer un homme et une femme et celui de faire rencontrer un propriétaire et un locataire. Sur le papier, le principe était le même.

Marion se remémore cette levée de 3 millions d’euros avec Jaina Capital et Ecomobilité Ventures, avec un sourire dans les yeux : 

" C’était une très belle levée, explique-t-elle à Maddyness. Surtout au regard de ce que je lui avais montré. J’étais arrivé avec une présentation Powerpoint, je n’avais même pas le début d’un site web. J’avais vraiment juste l’idée ". 

Le rendez-vous avait duré une heure et elle n’avait même pas eu l’occasion de lui montrer ses slides. " On s’en fout de tes slides, lui avait dit Marc Simoncini. Raconte-moi Zilok ! "

Elle lui avait alors raconté sa vision : ce besoin de mutualiser les objets qui servent peu. Le fondateur de Meetic avait accroché à cette idée et lui avait promis une réponse au bout d’une semaine. 

Marion Carrette ne s’attend pas vraiment à une réponse positive, surtout qu’elle doit relancer pour lui rappeler que la semaine est écoulée, autant que le délai de réponse. 

La réponse de l’entrepreneur ne tarde pas à arriver :

" OK pour investir un million d’euros dans ta boîte ". 

Marion est seule chez elle et se rappelle avoir sauté de joie dans son salon. Au total, c’est donc 3 millions d’euros levés, dont 1 million avec Jaina Capital, le fonds de Marc Simoncini.

L’idée de Zilok est née sur le parking de la gare de Marseille Saint-Charles. Arrivée sur place pour assister à un mariage, elle était confiante dans le fait de trouver une voiture chez un loueur, sans avoir effectué de réservation à l’avance. On lui rétorque pourtant qu’il n’y a plus aucun véhicule disponible, alors même que le parking face à elle est complet et plusieurs centaines de véhicules semblent dormir sur place. " Il était pourtant évident que j’aurai du pouvoir louer une de ces voitures ", se souvient Marion. La version du site web qu’elle lance en 2007 va pourtant permettre de louer tous types d’objets : de la poussette à la boule à facette, en passant par l’appareil photo ou la fameuse perceuse.

Vers l’aventure OuiCar

Tout l’enjeu pour une plateforme de ce type est d’atteindre la masse critique : en l’occurrence, Zilok devait pouvoir proposer l’ensemble des objets de son catalogue proche du lieu de la réservation. Cette masse critique a été très lente à arriver.

Autre difficulté, la multitude de choix. Trop de choix provoque l’impossibilité de personnaliser l’expérience. Dans le cas d’une location de voiture, les clients ont besoin de filtres comme le nombre de places, le type de permis, etc.

Et c’est pourquoi Marion et ses équipes décident alors de lancer OuiCar (d’abord connu sous le nom de Zilok Auto) qui se présente comme la petite sœur de Zilok. Une petite sœur qui va pourtant rapidement prendre beaucoup de place. 

" Tout est plus simple quand on n'a plus qu'un seul produit. On s’est focalisé sur la voiture, et ça a pris très vite. Je ne savais pourtant pas du tout si cela allait fonctionner, à l'époque, Airbnb commençait tout juste à faire parler de lui et l'idée de louer sa voiture à des particuliers n’était pas évidente ". 

Rapidement, la plateforme enregistre 2.000 véhicules disponibles, point de bascule après lequel l’offre devient exponentielle jusqu’à atteindre les 30.000 qu’elle propose aujourd’hui.

La startup se revend alors à la SNCF pour 28 millions d’euros en juin 2015, à une période où son PDG défendait une stratégie du porte à porte : la SNCF a une mission, celle de vous transporter d’un point A à un point B. C’est pourquoi, la SNCF avait l’intention de se positionner sur l’ensemble de la mobilité, grâce à une logique partenariale avec des services comme ceux de OuiCar ou de Blablacar, pour effectuer les derniers kilomètres.

Lors d’un changement de PDG, la SNCF change aussi de vision stratégique et décide de se séparer de OuiCar en novembre 2020 (en le revendant à ses ses dirigeants historiques, qui revendront à nouveau l’entreprise en juin 2022 à Turo, leader américain de l’autopartage).

Vers une nouvelle aventure entrepreneuriale

Marion Carrette est très fière du chemin parcouru. Elle considère d’ailleurs que l’on parle aujourd’hui moins de cette notion de consommation collaborative pour la simple et bonne raison que c’est devenu la nouvelle normalité. L’idée de partager sa maison, sa voiture ou une trottinette dans la rue n’est absolument plus étrange.

Elle a adoré l’aventure OuiCar, elle qui a déménagé à Marseille (provoquant en même temps son départ de OuiCar) peu de temps avant l’arrivée du COVID.

Marion est à peine arrivée sur place qu’elle pense déjà à la prochaine aventure qu’elle pourra créer. En parallèle, de ses longs mois de réflexion, elle se met à scruter les dossiers des entreprises en difficulté. Il n’était pas question de reprendre une entreprise, mais elle découvre alors qu’une filature (usine où sont fabriqués les fils) détenant la marque Anny Blatt a déposé le bilan. 

Le nom Anny Blatt est chargé émotionnellement pour Marion qui se remémore immédiatement des souvenirs passés avec sa grand-mère, qui lui a appris à tricoter avec des laines de la marque. 

Elle décide de creuser cette piste et visite la filature basée à Orange. De nouveau, les souvenirs remontent pour cette passionnée, qui avait réalisé son stage de découverte au lycée, dans une filature. L’ambiance sur place continue de séduire Marion.

Après avoir passé deux décennies dans le web, elle apprécie de se retrouver face à ces pelotes de laine, ces couleurs et ces matières duveteuses. Elle tombe sous le charme et décide de se lancer dans le rachat de cette filature ainsi que la marque Anny Blatt.

Faute de garanties au niveau de la pollution des sols, sa demande d’étude des sols ne sera jamais écoutée et la filature partira en liquidation. Elle venait de passer huit mois à travailler sur cette acquisition et elle prend la nouvelle durement. 

Ses amis la consolent en lui disant que ce n’est pas grave et qu’elle pourra lancer sa propre marque. Mais elle secoue la tête : 

" Je ne voulais pas créer de nouvelle marque. Je ne connaissais rien à la mode, ce n’était pas mon truc. En fait, j’avais l’impression que c’était un patrimoine qui allait disparaître et ce qui me faisait vraiment vibrer, c’était de récupérer ce patrimoine ". 

Marion Carrette arrivera donc à conclure le rachat de la marque Anny Blatt en 2020, avec l’ambition de recréer une filière maille haut de gamme en France. En effet, en plus de l’activité historique de ventes de pelotes de laine, elle décide de lancer une ligne de prêt à porter.

" Il y a une vraie histoire et en même temps, on est tout jeune ", résume Marion. L’impression d’avoir tout à faire avec une marque de 1933. 

Partager
Ne passez pas à côté de l'économie de demain, recevez tous les jours à 7H30 la newsletter de Maddyness.