Selon une étude de la Stanford Business School de 2017, les salariés seraient 13 % plus performants en travaillant depuis leur domicile. Dans un article paru dans Les Echos la même année, Frantz Gault, auteur d’Apocalypse Work et fondateur d’Ultra-Laborans, émet quelques réserves : " Au-delà de 3 jours par semaine, l'effet positif disparaît. On observe une baisse du moral, et donc naturellement de la performance. La fluidité de l'information s'affaiblit, et le télétravailleur se sent isolé et moins concerné ". Mais qu’en est-il vraiment ?

Full remote : les coulisses d’un modèle en construction

" 5 jours avant le premier confinement, tous nos salariés étaient déjà en full remote. Habités au télétravail, au départ, nous étions persuadés que ça allait bien se passer ", explique David Bernard, CEO d’Assessfirst. La startup n’a pas échappé à quelques remous : " Derrière nos écrans, l’accès à l’information et la communication sont devenus de plus en plus compliqués. On a aussi perdu des personnes en route : elles ne se retrouvaient pas dans un collectif sans bureau. Au travers d’enquêtes, nous avons perçu des risques d’isolement et d’inégalité des conditions de travail : le télétravail n’est pas vécu de la même manière dans un 10m2 que dans une maison avec jardin ! ".

Chez Troops, le full remote a été largement plébiscité explique Émilie Legoff, CEO et fondatrice de la startup : " Personne ne voulait revenir au bureau après le confinement sans compter que nous avons gagné 25 % de productivité ". Derrière ces indicateurs positifs, quelques signaux faibles ont fait leur apparition : " Nous avons vécu une grande montée de tension en interne : certaines personnes ne voulaient même plus travailler ensemble. Les échanges se faisant principalement sur Slack, la communication était devenue trop directe. Résultat : tout s'envenimait rapidement. Or, privés de moments informels, les lieux de désamorçage étaient inexistants pour les salariés ".

Du temps, des outils et un sacré budget : les clés pour réussir le pari du remote

" Le full remote devient un problème lorsqu’il est subi et quand les méthodes de travail ne sont pas modernisées, notamment celles en lien avec le management et la collaboration ", précise Frantz Gault. Sa mise en place relève d’une profonde transformation de l'organisation avec son lot de remises en question ; pas toujours évidentes à gérer. David Bernard corrobore : " Le distanciel renvoie un effet grossissant des dysfonctionnements organisationnels : nous avons dû repenser tous nos processus et nos méthodes de travail, les formaliser. Ça prend énormément de temps ".
Cette culture de l’écrit est " un pilier " du full remote insiste Marjorie Di Placido, DRH externalisée et spécialiste du télétravail : " Pour cela, il est indispensable de s’équiper d’outils de communication simples et innovants pour un accès sans ambages à l’information ". Émilie Legoff a opté pour le bureau virtuel chez Troops : " C’est une sorte de plateau digital représentant les différentes équipes. On peut frapper à la “porte” pour dire bonjour, ce qui recrée de l’informel et de la spontanéité. Ça a pas mal apaisé l’aspect relationnel ".

Une communication plus fluide passe aussi par le partage de règles communes : " Nous en avons trois : un salarié peut travailler d’où il veut à condition d’avoir une excellente connexion, de parler anglais et d’être accessible aux horaires français ", précise la CEO. Assessfirst a mis en avant des " comportements typiques " (attendus) en full remote de la part des salariés et des candidats. Quant au maintien du collectif, les deux CEO ont mis le paquet : un budget annuel de coworking (3.000 € pour les 115 salariés et par an chez Assessfirst), une enveloppe conséquente pour les managers afin d’organiser des rencontres d’équipe, des " bootcamps " à la carte ou encore des séminaires exceptionnels. À l’argument " le full remote, c’est pour faire des économies ", ils répondent à l’unisson : " Ça me coûte un bras, mais ça en vaut la peine. Pas question de revenir en arrière ".

Alors, " remote or not remote " ?

" L’élan pour le télétravail est moins la cause que le symptôme d’une mise à distance des entreprises par les individus eux-mêmes ". Ainsi, face à cette tendance, Frantz Gault invite plutôt les entreprises à prendre du recul afin de répondre à une problématique sous-jacente : le désengagement.