" Il est de plus en plus fréquent de voir des baies de moins de 3 m², contenant jusqu’à 20 serveurs, avec une consommation atteignant 6 kW, et parfois même beaucoup plus. La nécessité de mettre en place une gestion rigoureuse de l’électricité et du refroidissement est fondamentale notamment pour la température intérieure des serveurs. Et elle requiert une évolution constante des bonnes pratiques et des technologies pour le faire de façon efficace et écologique ", écrit noir sur blanc Data4 (un opérateur et investisseur européen majeur du cloud qui conçoit, construit et opère ses propres data centers) sur son site internet.

Le décor est planté : les data centers doivent appliquer des techniques de refroidissement moins énergivores et plus efficientes de façon à réduire l'empreinte carbone du numérique (selon une récente étude de l'ADEME et de l'Arcep, les data centers représentent 15% de la pollution numérique, qui représente elle même 3% des GES), par ailleurs imposée par la loi du 15 novembre 2021 sur la réduction carbone du numérique en France. D'ici 2025, les acteurs du numérique ont pour obligation d'adopter des pratiques responsables.

Face au dérèglement climatique générant épisodes de canicule et raréfaction de l'eau, et face à la flambée des prix de l'énergie, la question du refroidissement est " d'autant plus urgente ", souligne Raphaël Nicoud, fondateur d'Aqua Ray qui propose des serveurs " sur-mesure " et dont la moitié de la clientèle sont les services publics et les collectivités locales.

Améliorer le PUE

Homologué en norme Tier IV (la plus exigeante), Aqua Ray va inaugurer un nouveau data center dans l'Essonne à Arpajon : " Notre technique sera la géothermie air qui ne consomme pas d'eau et très peu d'électricité. Elle consiste à creuser pour utiliser le froid ou la chaleur stockés dans le sol. Nous allons installer des tuyaux à 3 mètres sous terre où la température constante est de 13 degrés et souffler l'air pour le rediriger vers nos salles et nos serveurs ". Avec cette technique, Raphaël Nicoud espère réduire de 35 % sa consommation d'énergie d'ici 2025. Et vise un PUE (Power Usage Effectiveness) de 1,05. Cet indice qui mesure la performance énergétique des data centers est l'indice de référence sur lequel se basent les acteurs pour améliorer leurs techniques (en France, le PUE moyen des data centers est de 1,57).

Avec un PUE de 1,02, le géant français OVH revendique sa position de pionnier dans le développement de data centers durables. " Nous innovons depuis 20 ans pour optimiser l'énergie et l'eau consommées pour opérer nos Data Centers ", rappelle sa directrice RSE Yona Brawerman. Comme OVH assemble ses propres serveurs, l'entreprise y intègre directement un système de refroidissement à l'intérieur. " Cela ressemble à un petit boîtier que l'on met juste au-dessus du processeur car c'est la pièce la plus “chauffante” d'un serveur. L'eau est en circuit fermé, ce qui nous permet une utilisation très optimale de l'eau. Notre système breveté nous évite d'avoir à installer des ventilateurs dans les salles de serveurs qui, ne l'oublions pas, fonctionnent à l'eau et en consomment beaucoup ! " poursuit cette spécialiste.

Le refroidissement par l'air est toutefois une technique largement répandue. Comme chez Clever Cloud, où elle repose sur le confinement de couloirs d'air chaud et d'air froid. Mais pour Quentin Mouret, son fondateur et CTO, " si notre score PUE est à 1,4, notre performance énergétique est surtout liée au fait que nous chargeons beaucoup nos machines. Nous avons une répartition dynamique de la charge qui nous permet de sur-utiliser nos serveurs et de rentabiliser l'électricité utilisée ". Avec des spécificités d'économie d'énergie pilotées par le soft, Clever Cloud réduit de 30 % sa consommation.

Innover quand c'est possible...

Parmi les nouvelles techniques de refroidissement, l'immersion de serveurs dans des bains d'huile est à l'étude chez de nombreux acteurs dont OVH et Clever Cloud. Cette technique très prometteuse selon les acteurs du cloud, n'est toutefois pas toujours possible. Comme le pondère Raphaël Nicoud : " elle pose des contraintes car elle modifie les procédures de maintenance actuelles. Et elle n'est pas adaptée aux infrastructures hétérogènes des Data Centers qui louent de l'espace de stockage. Pour intégrer cette technique de l'immersion, il faut des systèmes différents de câblage et avoir la main mise sur les serveurs ".

...et allonger la durée de vie des équipements

La récente étude de l'Ademe et de l'Arcep sur la pollution numérique est très claire : les composants sont les premiers responsables et représentent 70 % de l'empreinte carbone du digital. Chez OVH, leur usine d'assemblage et de fabrication de serveurs ouverte en 2018, réemploie systématiquement tous les composants réutilisables. " Nous avons une filière durable de fabrication de nos serveurs car faire du cloud durable, c'est aussi réutiliser des composants. La fabrication représente 40 % de notre empreinte digitale, contre une moyenne en France de 70 %. C'est un enjeu vital pour la filière du cloud que nous adressons là ", assène Yona Brawerman.

Chez Aqua Ray, Raphaël Nicoud est tout aussi soucieux de la durabilité des matériaux sur ces futures installations de refroidissement. Et utilisera pour le data center d'Arpajon des équipements d'une longue durée de vie. Car pour lui : " Il n'y a pas que l'économie d'énergie. Il y a aussi l'espérance de vie des équipements de refroidissement. Notre ambition est d'installer des tuyaux qui pourront durer 100 ans ! ".

La question du refroidissement pour des data centers moins énergivores est loin d'être la seule problématique. Avoir des micro-processeurs moins " chauffants " (l'actuel défi des constructeurs) et l'allongement de la durée de vie des équipements (des serveurs comme des infrastructures de refroidissement) est toute aussi importante.