Les entreprises VTC, comme Uber, se sont construites en basant leur modèle sur le statut d’indépendant de leurs chauffeurs. Ce statut, s’il permet aux entrepreneurs de travailler avec flexibilité, a permis aux entreprises VTC de bâtir rapidement une flotte importante de conducteurs. Cette flexibilité a néanmoins un revers, celui de la précarité pour certains chauffeurs.

Obtenir les avantages des salariés en gardant ceux des indépendants

En effet, n’étant pas salarié, les entrepreneurs ne disposent pas des éléments administratifs nécessaires pour décrocher un logement (achat ou location), d’une mutuelle d’entreprise, ou des avantages salariaux traditionnels (tickets restaurants…). La contestation des chauffeurs, qui estiment travailler comme des salariés au regard du fonctionnement de ces entreprises s’est intensifiée ces dernières années. Leur statut attire également le regard des pouvoirs publics.

Jump, startup fondée en 2021 par Nicolas Fayon, Thibault Coulon et Maxime Bouchet, a conçu une solution pour aider ces indépendants.

Aider les entrepreneurs à sécuriser leur situation

Jump propose aux indépendants de devenir salariés grâce au portage salarial. L’entreprise ouvre ce service aux chauffeurs VTC et leur propose de bénéficier des avantages salariés tout en restant indépendant. Cela est possible grâce au statut d’entrepreneur salarié en coopérative. Ce statut pourrait concerner 55.000 chauffeurs VTC travaillant sur le territoire français.

La startup, qui revendique un volume d’affaires de plus de 60 millions d'euros, a développé un modèle de coopérative d'activité et d'emploi suite à une phase pilote en collaboration avec Uber, Heetch et Bolt. Comme l’indique Nicolas Prévitali, directeur des Opérations d’Uber, les chauffeurs VTC bénéficieront d’une véritable liberté de choix de leur statut : " Qu’il préfère un modèle d’indépendant pur avec statut SASU, de micro-entrepreneur ou encore d’entrepreneur-salarié, chaque chauffeur peut choisir le statut qui lui convient le mieux en conduisant avec Uber. Ainsi, la coopérative Jump répond aux attentes de chauffeurs souhaitant bénéficier de la protection du salariat traditionnel, de la flexibilité de l'indépendance et d’une rentabilité accrue ".

Pour 79 euros par mois, un chauffeur VTC obtiendra un contrat d’entrepreneur salarié au sein de la coopérative, ainsi que les avantages liés. On peut citer, de façon non exhaustive, la diminution des tâches administratives, la protection sociale des salariés (cotisations chômage, retraite, mutuelle, prévoyance, arrêts maladie, congés paternité, maternité …) ainsi qu’une assurance responsabilité civile professionnelle.

La coopérative d’activité et d’emploi, un modèle gagnant pour tous les acteurs

Ce modèle de la coopérative d’activité et d’emploi semble contenter tous les acteurs du marché. Il permet, d’un côté, de sécuriser la situation des entrepreneurs qui deviennent alors salariés dans la coopérative. D’un autre côté, Jump permet aux plateformes VTC de proposer des avancées sociales, comme l’explique Nicolas Fayon, CEO de Jump : " Le lancement de notre service à destination des chauffeurs est complètement aligné avec notre ADN : sécuriser tous les indépendant.e.s, les aider à résoudre les frictions qui les forcent à revenir sur le marché du travail classique, souvent contre leur volonté. Pour nous, ce modèle vertueux permet de rendre disponible l’exemple social français aux indépendants et dans ce cas précis aux chauffeurs VTC, mais aussi de dépassionner le débat ici et au sein des autres pays membres de l’UE dans lesquels nous allons lancer le dispositif ".

L’idée de la coopérative de salariés que Jump a mise en place correspond aux recommandations du rapport de la mission Frouin, intitulé “Réguler les plateformes numériques de travail” publié en 2020. Ce rapport affirmait que les travailleurs des plateformes VTC avaient tout intérêt à recourir à une structure coopérative permettant la création et le développement d'activités économiques par des entrepreneurs indépendants, afin de bénéficier d’avantages comme les salariés.

Cette initiative fait suite à la levée de fonds de 4 millions de Jump auprès du fonds Index Ventures en fin d’année dernière. Elle intervient également dans le contexte de la décision de la Cour de cassation du 4 mars 2020. En effet, la plus haute juridiction judiciaire française avait alors affirmé que les travailleurs indépendants d'Uber devaient être considérés comme des salariés. Selon la Cour, il existait un lien de subordination entre ces travailleurs, censés être indépendants, et la plateforme du fait du pouvoir d'Uber de "donner des instructions, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le non-respect des instructions données".