Il fait partie de ces nouveaux métiers encore méconnus de l’écosystème startups. L'operating partner, ou le “partenaire opérationnel” en français, se développe en France depuis environ cinq ans. Ce métier a d’abord été créé par les fonds d’investissement aux Etats-Unis afin de faire face à la crise des subprimes. Pour analyser encore plus en profondeur les business model des startups prometteuses dans lesquelles investir, mais aussi leur assurer une croissance malgré une conjoncture défavorable, les fonds d’investissement ont fait appel à des serial entrepreneurs pour conseiller au mieux les dirigeants des entreprises de leur portefeuille.

En France, plus de 40% des 80 plus grands fonds d’investissement ont embauché en interne au moins d’un operating partner, selon un livre blanc réalisé par le cabinet de conseil Bain & Company, publié en novembre 2021. “Il n’y a pas de profil type, estime Nicolas Réquillart-Jeanson, président du club Operating Partners de France Invest, créé il y a un an. “Le profil le plus traditionnel est celui de l’ancien entrepreneur, qui apporte son expérience opérationnelle car il a déjà été confronté à toutes les problématiques. Mais il y a aussi d’anciens salariés de startups ou des consultants venant de cabinets de conseil.”

Avoir pris le risque financier

L’operating partner peut aussi être employé directement par une entreprise dédiée. C’est le cas d’I&S Adviser, premier réseau d’operating partners en France, lancé par Isabelle Saladin en 2015. “Le principal pré-requis est d’avoir été soi-même entrepreneur, ce qui veut dire avoir connu le risque financier. Cela permet de parler de pair à pair, sans aucun lien hiérarchique”, insiste la présidente fondatrice d’I&S Adviser. “Ce métier requiert aussi beaucoup d’humilité : il faut pouvoir faire le deuil de sa posture passée pour ne garder que l’expérience à mettre à profit des dirigeants d’entreprise que l’on accompagne.”

Au-delà de son mode d’exercice, la mission principale de l’operating partner reste la même : aider une jeune pousse à effectuer un virage précis, grâce à une expertise terrain. “Les missions varient selon la maturité de l’entreprise. Cela peut être un accompagnement pour préparer une levée de fonds ou une cession, réaliser une croissance externe ou encore travailler sur le passage à l’échelle du modèle économique”, illustre Isabelle Saladin. Dans les faits, cela peut donc se traduire par la définition de nouveaux process, créer de nouvelles sources de revenus ou restructurer des équipes, par exemple. “L’idée est de permettre au Pdg de pouvoir sortir la tête du guidon. Lorsque nous accompagnons une startup, le dirigeant définit une feuille de mission très précise : nous ne prenons pas de décision à sa place”, souligne-t-elle. Même son de cloche du côté des fonds. “Même lorsque le fond est majoritaire, le dirigeant reste décisionnaire et endosse la responsabilité de ses choix”, confirme Nicolas Réquillart-Jeanson. Si le Pdg est l’interlocuteur privilégié des operating partners, les équipes de directions arrivent en deuxième position.

Un accompagnement à durée variable

Selon les dossiers, l’accompagnement dure entre 6 mois à 2 ans chez I&S Adviser, là où un accompagnement via un fonds durera sur toute la durée de l’investissement. Côté facturation, le mode d’exercice revêt toute son importance. “Lorsqu’un operating partner est salarié d’un fond, aucune prestation n’est facturée à la startup : tout est pris en charge par le fonds, via les commissions de gestion”, précise Nicolas Réquillart-Jeanson. A l’inverse, “nous nous rémunérons en fixant un objectif de résultat financier, sur le chiffre d’affaires ou l’Ebitda, à chacune de nos interventions. Cela permet de garantir notre alignement avec les entreprises accompagnées”, explique Isabelle Saladin.

Pour les startups, cela représente un coût supplémentaire : il faut donc choisir à quelle étape la consultation d’un operating partner sera nécessaire. “Lors du lancement d’une startup, la trésorerie est le nerf de la guerre. Or, recourir à un operating partner est un investissement à part entière. Il peut être pertinent de se faire épauler à partir de la série A, estime Isabelle Saladin. Les startups peuvent aussi se renseigner auprès des régions car certaines d’entre elles, comme l’Ile-de-France ou la Normandie, peuvent en subventionner une partie.”