Comme beaucoup d'expériences entrepreneuriales, l’aventure d’Indy a débuté dans la douleur. Celle de Côme Fouques, aujourd’hui CEO d’Indy, qui s’est retrouvé à gérer 850.000 euros en tant que trésorier du BDE de l’ESSEC : " J’ai appris à la dure comment tenir une comptabilité au quotidien ou comment faire une déclaration de TVA. Cet apprentissage de la comptabilité en autonomie a été très marquant et douloureux pour moi. C’était absurde de complexité. J’ai eu un jargon à appréhender sur un sujet qui, au final, n’était pas si compliqué. Il y avait un peu ce sentiment de “tout ça pour ça ?” Ça m’a ensuite trotté dans la tête pendant des années ".

Et alors que Côme poursuit son chemin, il visualise toutes les briques technologiques s’assembler dans son plan, pour permettre l’automatisation de la comptabilité. Dans son esprit, il s’agit du bon moment pour qu’il puisse essayer de tacler un problème dont il avait pu faire l’expérience… et il décide de la saisir.
Première étape : interviewer des chefs d’entreprises pour comprendre la relation qu’ils pouvaient avoir avec leur comptable.

" J’en suis arrivé au constat que la plupart des dirigeants de PME sont très bien accompagnés et qu’ils ont une bonne relation avec leur expert-comptable. En revanche, la plupart des indépendants sont extrêmement mal accompagnés. Ils n’avaient pas d’expert-comptable, et pour ceux qui en avaient un, la relation n’était pas pensée pour eux. On se décide donc à ne faire que les indépendants… mais à le faire très bien ". C’est ainsi que va naître Georges, le robot comptable qui prendrait un jour le nom d’Indy et qui ne servirait plus des centaines d’abonnés, mais des dizaines de milliers.

Une histoire très progressive

Peu de temps après avoir décidé de repenser l’expérience des indépendants, Côme Fouques découvre l’ampleur de cette tâche. Avec 93 % des entreprises en France ayant zéro ou un salarié, ce marché représente des millions de personnes avec une très grande variété de profils et de besoins. " On a tout de suite eu un très fort attachement à la qualité du service et l’intuition que c’était notre réputation et le bouche-à-oreille qui allaient faire notre succès. On a donc privilégié le fait d’y aller de façon très progressive en passant d’un type d’indépendant à un autre seulement quand on était en parfaite maîtrise d’un sujet ".

L’histoire d’Indy ressemble donc à une succession de nouvelles professions adressées au fil du temps. Tout a commencé avec les professionnels de santé qui restent encore aujourd’hui un axe majeur de leur clientèle. Ils s’ouvrent ensuite à l’ensemble des professions libérales avec son lot d’avocats et de consultants. Ils commencent aussi à se frotter au monde des freelances de la tech, ce qui va les inciter à adapter le produit pour adresser également les micro-entrepreneurs.

La startup déroule sa vision jusqu’à couvrir une grande partie des indépendants et à faire le choix le plus contre-intuitif possible : changer soudainement de modèle économique pour offrir gratuitement une partie de son produit.

Le saut de la foi

Les raisons de ne pas faire ce changement, Côme Fouques les a toutes à l’esprit : " Et si on était en train de se tirer une balle dans le pied ? Comment ne pas cannibaliser notre propre business en venant faire moins X pour cent de notre revenu si des clients payants passent sur la version gratuite ? Est-ce que l’on ne va pas perturber le message et casser la dynamique ? Pire, est-ce que l’on ne va pas casser le moteur de la croissance ? "

Si toutes ces questions sont valides, les équipes d’Indy ne remettent jamais en question ce choix stratégique. " Je n’ai absolument pas le souvenir que cela a été une décision compliquée à prendre, lâche Côme Fouques. Au fond, je pense que c’est quelque chose qui est très aligné avec la mission de la boîte qui est énormément portée par son impact sociétal. Et cette décision nous permettait de démultiplier notre impact à peu d’effort au final, puisque l’on rendait gratuites des briques technologiques que l’on avait déjà pour nos clients. Mais oui, c’est assez étonnant quand je me refais le film à posteriori… tu te dis que l’on peut prendre des décisions radicales, aussi simplement ".

Il l’explique ainsi avec un alignement fort et un rationnel assez robuste : si cela fonctionne cela va non seulement permettre de démultiplier leur impact en offrant leur service à un grand nombre de personnes, mais cela va aussi leur permettre d’accroître leur notoriété et éventuellement accélérer la croissance de leurs clients payants. Les équipes suivent assez facilement.

Il est encore trop tôt pour tirer l’ensemble des leçons de ce choix stratégique, mais Côme dresse un tableau idyllique de ces premières semaines avec ce nouveau fonctionnement : " On a vraiment vu un effet d’accélération super fort et, en même temps, le reste du business a continué sur sa lancée… donc c’est doublement satisfaisant ".

Il reconnaîtra pourtant que toutes les entreprises ne pourront pas aussi facilement découper leur produit en deux pour venir créer une partie gratuite en rognant sur la partie payante. " Historiquement, notre boîte s’est toujours construite en assemblant deux briques majeures qui sont souvent faites par deux logiciels ou prestataires différents. D’un côté la comptabilité, et de l’autre la gestion administrative. On ne se l’est jamais complètement avoué, mais on a fait un deux en un. Au final, le fait de débrayer les deux à un moment donné, c’était assez naturel ".

Indy se retrouve donc sur un moment intéressant de son histoire, après six années d’existence, après avoir monté une équipe de quasiment deux cents personnes, et avoir servi quelque 40.000 clients, ils ont fait le choix audacieux de changer de modèle économique. " J’ai l’impression de retrouver un peu de la genèse entrepreneuriale, nous confie Côme. Même si on a sept ans, on est encore au tout début de l’histoire ".