Décryptage par Ingrid Labuzan
9 janvier 2023
9 janvier 2023
Temps de lecture : 4 minutes
4 min
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Energies : La bataille de l’électrification a commencé

Le refrain commence à être familier : pour atteindre la neutralité carbone promise pour 2050, il est nécessaire d’électrifier l’économie. D’ici 8 ans, le monde devrait donc consommer 20 % d’électricité en plus, soit l’équivalent de toute la consommation actuelle des Etats-Unis et de l’Europe. Problème, les industries risquent de ne pas être toutes servies de la même manière, car une course méconnue se joue en coulisses.
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" Pour un euro investi dans la génération d’électricité, il faudrait en investir un également dans le transport et la distribution, mais peu d’acteurs en ont conscience. Un retard se crée, et les conséquences pour les centres économiques et industriels se font déjà sentir ", avertit Jérôme Fournier, vice-président corporate innovation, services et croissance chez Nexans. Pour preuve, ce qui se passe en Allemagne, où un goulot d’étranglement s’est formé au milieu du pays, l’électricité des générateurs situés au nord du territoire ne parvenant plus jusqu’à l’industrielle Bavière.

Moderniser les réseaux électriques et renforcer leur puissance est donc nécessaire pour assurer le fonctionnement futur des industries. Pour ce faire, une matière première est indispensable, le cuivre. C’est ici que les choses se corsent. De 9 millions de tonnes en 1990, la consommation mondiale de cuivre est passée à 21 millions aujourd’hui. Dès 2030, le besoin sera de 30 millions de tonnes. " La compétition pour l’accès au cuivre est lancée, face à un déficit de 5 à 7 millions de tonnes. Les États-Unis en ont bien conscience et passent des contrats pour sécuriser leur approvisionnement sur du long terme. L’Europe est en retard et ne semble pas toujours avoir pris la mesure de la gravité de l’enjeu ", poursuit Jérôme Fournier.

Nexans, spécialiste des câbles qui a recentré son activité autour de l’électrification, a fait de l’approvisionnement en cuivre une de ses priorités. " Le cuivre est un élément recyclable à l'infini sans perte de propriétés physiques électriques et mécaniques, élément que l’on retrouve bien sûr dans les câbles et fils, mais aussi dans les batteries ou les éoliennes. Nous en avons fait un enjeu central de notre R&D et souhaitons structurer une filière autour du recyclage dans tous les pays où nous sommes présents ", souligne Elyette Roux, vice-présidente corporate en charge des ventes, du marketing et de la communication chez Nexans.

Néanmoins, pour recycler, encore faut-il parvenir à récupérer le cuivre. Une mission plus complexe qu’il n’y parait, car il faut identifier les câbles inactifs, parfois entrevechés dans ceux toujours en activité. C’est donc l’un des axes de travail de la R&D de Nexans, qui a ouvert un pôle mondial d’innovation autour de l’électrification décarbonnée à Lyon, AmpaCity. Science des matériaux et innovation digitale s’y côtoient. Le groupe a ainsi élaboré une technologie permettant d’identifier les câbles inactifs au sein d’un réseau.

" Cela peut paraître simple, mais nous avons aussi équipé de traceurs les bobines de cuivre que nous livrons, afin de pouvoir les retrouver et les recycler si elles sont abandonnées sur des chantiers. Une pratique encore courante dans certains pays ", ajoute Jérôme Fournier.

Sécuriser l’approvisionnement en cuivre n’est pas un enjeu stratégique pour les seuls pure-players de l’électricité. Ce dernier est indispensable à la décarbonation des data centers, à l’écosystème des objets connectés, aux réseaux d’infrastructures stratégiques comme celles de la santé, ou encore au secteur de l’automobile. Pas moins de 80 kilos sont nécessaires en moyenne pour la fabrication d’une voiture électrique, contre 20 pour une thermique.

La taille et la puissance

Et que dire quand l’électricité vient à manquer à l’échelle d’une ville, en témoigne le chaos engendré par la panne électrique de la gare Montparnasse en 2017. " Beaucoup de grandes villes ont des installations électriques pas assez puissantes et trop vieilles. Jusqu’ici, leur modernisation était un sujet complexe sur des bassins densément peuplés, notamment en matière de génie civil lié à l’enfouissement de nouveaux câbles haute tension. C’est à cette problématique que répond notre innovation de supraconductivité, à Lyon ", explique Jérôme Fournier.

Si la supraconductivité change le paysage de l’électrification, c’est parce qu’elle permet de faire passer la puissance de trois centrales nucléaires dans un câble de 15 centimètres de diamètre. " Auparavant, il fallait l’équivalent d’un tunnel de métro. Donc impossible d’installer ça autour de la Gare Montparnasse par exemple ". Les grandes villes n’ont pas tardé à voir tout le potentiel de cette innovation. Nexans a en effet été le premier au monde à installer un supraconducteur à New York en 2008, puis en Allemagne en 2017 et Chicago en 2021. Prochain chantier, celui la gare Montparnasse. De quoi laisser espérer que l’Europe ne se fasse pas trop distancer dans la course à l’électrification.

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Crédit : Maya Angelsen