Et si faire sa maintenance automobile était aussi simple que de commander une pizza en ligne ? C’est la question qui a réuni Limvirak Chea, Frédéric Dermer et Cristian Vrabie dans la création de Fixter. Ils avaient tous trois vécu des expériences peu agréables auprès de garagistes et ont été marqués par cette enquête qui montrait que 73 % des Anglais ont peur de se faire arnaquer quand ils vont chez celui-ci.

" Quand on va chez le garagiste, explique Frédéric Dermer. On a l’impression de remonter dans le temps, de voir à quoi ressemblait le service consommateur du début du XXe siècle. Rien n'a bougé. On peut tout faire avec son téléphone que ce soit commander un taxi, un hôtel, un restaurant, des billets d’avion, de train … tout sauf la maintenance auto. Une expérience qui n’a pas bougé depuis 50 ans ".

Ils lancent donc Fixter en 2017 depuis Londres en proposant un service transparent, simple et efficace.

Créé au sein d’un startup studio “made in AXA”

La rencontre des trois cofondateurs s’est faite sur l’impulsion de Stéphane Guinet, ancien dirigeant chez l’assureur AXA (il a notamment été CEO de l’entité AXA Global Direct) qui dirige Kamet depuis 2016. Kamet s’est longtemps présenté comme le startup studio d’AXA. L’objectif étant de construire des startups gravitant autour de leurs grandes thématiques business : la santé, l’automobile et l’assurance.

" Ils avaient l’idée que cela allait soit faire des business autonomes qui allaient bien marcher, soit des business qui auront potentiellement des synergies avec le cœur de métier d’AXA ", décrit Frédéric Dermer. La réalité est pourtant plus complexe, mais AXA est une boîte tellement énorme qu’il faut également être une énorme boîte pour mettre en place une synergie qui a du sens à l’échelle d’AXA. Sur le papier, il y avait des choses évidentes à imaginer : mais AXA c’est 6 millions d’assurés automobiles en France… Pour être un partenaire crédible, il faut être capable de faire la maintenance de 6 millions de véhicules ".

Fixter est ainsi parfois présentée comme une startup “made in AXA”, la réalité est néanmoins bien différente selon ses fondateurs. Si le studio Kamet était encore effectivement financé par l’assureur, celui-ci restait très indépendant, se développant sur un modèle proche de celui d’eFounders.

" On avait le sentiment d’être complètement indépendants, explique Frédéric Dermer. On avait AXA à notre board, comme n’importe quelle startup a ses investisseurs à son board . Cela se passait avec eux exactement comme cela aurait pu se passer avec un fonds ".

Anatomie d’une aventure entrepreneuriale

L’histoire de Fixter est très facile à schématiser : il y a d’abord eu une période où le focus était mis sur la croissance, puis une période où c’était la profitabilité. Puis de nouveau la croissance.
" Pendant les trois premières années de Fixter, le sujet était celui de n’importe quelle startup qui veut prouver qu’elle a un modèle scalable, qu’il y a un marché. On doublait nos chiffres tous les ans et c’était vraiment le moteur de la boîte ".

La COVID arrive au bout de ses trois années pour venir siffler le coup d’arrêt de cette croissance. Les confinements successifs viennent forcer les garagistes à fermer leurs portes. " C’était assez clair pour nous : on n'allait pas faire de croissance en 2020. Et on s’est dit que, si on ne peut pas faire de croissance, concentrons-nous sur la profitabilité. On n’aura pas perdu deux ans pour rien ".

Du jour au lendemain, Fixter va donc complètement revoir ses priorités. Il n’était plus question d’aller chercher le plus grand nombre de clients, de garagistes et de conducteurs (pour aller chercher les véhicules chez l’utilisateur), les questionnements basculent : qui sont les garagistes qui offrent les meilleurs tarifs, qui sont les clients les plus profitables, quel est le meilleur modèle de pricing ? Les deux années suivantes sont consacrées à répondre à ces questions notamment grâce au recrutement d’experts en machine learning.

Fixter est pourtant contraint de se mettre dans une nouvelle phase fin 2021, AXA ayant annoncé quelque temps plus tôt, l’envie de se détourner de tous les projets liés à Kamet (qui s’est depuis ouvert au financement par d’autres corporates).

Sachant qu’AXA ne continuerait pas le chemin avec Fixter, ses trois cofondateurs rencontrent de nombreux investisseurs, industriels et financiers pour essayer d’imaginer le meilleur avenir pour leur startup. Une rencontre va clairement sortir du lot, celle avec le groupe Renault. " Nos visions étaient super alignées, se rappelle Frédéric Dermer. Renault voulait se développer dans la maintenance indépendante, c’est-à-dire s’étendre à toutes les marques, avec une stratégie tournée vers le digital et la collecte du véhicule à domicile. Ils nous ont dit clairement que ce que nous faisions était exactement ce qu’ils voulaient faire en interne et qu’il voulait ramener Fixter dans le groupe pour nous développer dans tous les marchés où Renault à une présence forte ".

La startup n’était présente qu’en Angleterre il y a encore un an et s’est lancée en France il y a moins de six mois. " Après une nouvelle phase de croissance et une phase où l’on s’est concentrés sur la profitabilité, on est reparti sur une nouvelle phase de croissance, explique Frédéric. On lancera un nouveau pays l’année prochaine et la volonté c’est de pouvoir en ouvrir plusieurs à partir de 2024 ".

Le déploiement à l’ensemble des pays où se trouve Renault va donc potentiellement s’étaler sur la prochaine décennie, mais cela reflète aussi la vision long-terme du groupe automobile. Mais alors pourquoi une synergie si compliquée avec un géant comme AXA est-elle évidente avec Renault ?

" Le projet de Fixter était vraiment quelque chose d’extrêmement périphérique dans une boîte d’assurance comme AXA, considère Frédéric Dermer. Alors qu’il s’agit de quelque chose au cœur de la stratégie de croissance de Renault dans les années qui viennent. On est très loin d’être le plus gros projet chez Renault, mais je pense que dans sa roadmap stratégique à 10 ans, il y a une véritable ambition de s’implanter sur le marché de l’après-vente de manière significative ".

La suite de l’histoire Fixter

Cette troisième phase de croissance vient tout juste de débuter pour Fixter et le chemin est encore long pour ses cofondateurs. Il semble clair que Frédéric Dermer et ses associés sont dans l’optique de rester au-delà des clauses signées lors du rachat. " Le but dans une startup, c’est toujours de te donner les moyens de réaliser ta vision de départ, de concrétiser le rêve que tu avais pu avoir avec tes cofondateurs. Et c’est ce que nous permet Renault ".

Le plus important pour Frédéric, n’est donc pas le montant (confidentiel) de l’acquisition. En effet, même s’il s’agit d’un montant qui a pu ravir les actionnaires, cela ne représente qu’une fraction de l’investissement que Renault s’est engagé à prendre dans les prochaines années pour permettre à Fixter, de déployer sa vision partout dans le monde.