Avec ce titre, volontairement provocateur, l’objet est de transmettre un message clair à nos investisseurs français : le secteur de la “HandiTech” peut être une thèse d’investissement à la fois rentable et porteuse de sens. Dans un contexte qui appelle autant à la prudence qu’à la raison, ce marché mérite donc d’être considéré en tant que tel, et ce pour trois raisons.

En premier lieu : sa taille, et donc son potentiel

L’insee estimait déjà en 2011 qu’environ 15 % de la population française était porteuse d’un handicap, soit plus de 10 millions de nos concitoyens. Si le handicap a encore ainsi tendance à constituer un tabou dans la société, il est donc de fait une erreur majeure que de le traiter comme tel dans notre économie ! D’ailleurs, nos voisins américains, une fois de plus très en avance sur nous, l’ont bien compris. L’institut Nielsen publie ainsi régulièrement, et ce depuis 2017, différents rapports rendant compte de leurs avancées en termes de prise en compte, de ciblage, ou encore de représentativité publicitaire des personnes en situation de handicap.

Pendant ce temps là, en France, l’on constate que 97 % des sites marchands disposent encore cette année d’au moins un point bloquant sur leur page d’accueil (source : Étude menée par WebAIM). Au lendemain d’une période festive traditionnellement propice aux achats en ligne, et à la veille des soldes, il est alors aisé d’imaginer le terrible manque à gagner de nos marques. Il y a donc je crois urgence à appréhender ce marché colossal. À une condition néanmoins : l’appréhender avec justesse, à savoir non pas dans une logique dite de “validisme” (ce consommateur est “hors normes” et je dois lui permettre de rejoindre ma norme), mais bien dans la prise en compte de ses attentes, ses besoins, et ses usages spécifiques.

En second lieu : sa source intarissable ou presque d’innovations

Ici, dire que tout reste à faire ne serait pas franchement exagéré ! Le numérique a pourtant le pouvoir de répondre à bon nombre des problématiques d’accessibilité posées aujourd’hui. Prenons le secteur du jeu vidéo en exemple : 400 millions de joueurs et joueuses en situation de handicap sont estimés - et probablement sous-estimés - dans le monde (source : Microsoft) ! Tandis que les innovations vont bon train pour dynamiser cet écosystème déjà bouillonnant, d’autres, plus discrètement, permettent d’ores et déjà à ce public de jouer, et de consommer (joysticks et contacteurs adaptés…). En outre, cette invisibilisation permanente des personnes en situation de handicap, et cette gêne qui paralyse les prises de parole ou de position sur le sujet, ont contribué à entourer d’une aura de mystère toute initiative technologique qui pourrait être menée à leur endroit. Or, il est important de rappeler ici que dans l’accessibilité numérique, les barrières à l’entrée sont en réalité très peu nombreuses. On parle en effet avant toute chose de prérequis graphiques, éditoriaux, ou techniques très simples, qui ne pèsent jamais plus de 10 % du budget global alloué à la conception des sites internet notamment.

En troisième lieu : l’inclusion du handicap par le numérique est un sujet d’impact.

S’il est de bon ton en 2023 d’intégrer prioritairement les prérogatives environnementales dans le fonctionnement des organisations – avec en tête de proue la désormais nécessaire mesure carbone – j’aimerais ici rappeler que le “S” de “RSE” désigne un volet social, tout aussi fondamental. Si nous ne faisons pas “société” rapidement, nous échouerons dans tout projet de construction de ce “monde de demain” tant désiré. Alors oui, toute démarche innovante garantissant l’accessibilité des publics discriminés relève aujourd’hui d’une économie d’impact, que cherchent par ailleurs de plus en plus à soutenir les investisseurs. En novembre 2021 déjà, l’institut Mazars et l’AFG (fédération des professionnels de la gestion d’actifs) annonçaient que près d’un tiers de ces sociétés prévoyait de faire de la finance à impact leur activité principale dans le futur…

En conclusion, j’ajouterais que la “HandiTech” est encore un marché de pionniers, chose désormais rare dans la startup nation ! J’aime à penser que nos fonds d’investissement et business angels français en ont peut-être assez de ne pouvoir miser que sur un énième logiciel de dématérialisation comptable, ou pire, sur une nouvelle idée lumineuse, mais qui n’a pas encore trouvé son public… Avec le handicap, le marché existe, la demande est forte, la concurrence faible, et la prise de risque, de fait, extrêmement limitée. Quant à l’innovation, elle est concrète, palpable, simple, et pleine de (bon) sens ! Une seule exigence alors : lever les tabous qui paralysent notre économie depuis trop longtemps, et oser enfin, considérer le handicap… Comme un marché d’avenir !