Le portrait d’Alter Equity n’aurait pu se dresser sans parler de sa fondatrice et dirigeante, Fanny Picard. Au début des années 2000, alors directrice des opérations financières dans un grand groupe, elle se sent en décalage avec les valeurs qu’elle porte. C’est le point de départ d’un cheminement et d’un combat pour un capitalisme plus responsable. La finance peut être vertueuse et cette pionnière de l’investissement à impact nous explique comment.

Alter Equity, pionnier de l’investissement à impact

Particulièrement sensible aux enjeux d’égalité des chances et de lutte contre les discriminations, Fanny Picard imagine d’abord un fonds qui investirait dans des entreprises dirigées par des jeunes issus de la diversité. Mais, rapidement, elle cherche à élargir la portée de ce modèle : "J’ai voulu intégrer une recherche de capitalisme plus responsable, intégrant des solutions aux enjeux sociaux et environnementaux. J’ai aussi compris que l’activité de l’entreprise doit être vertueuse pour que son impact sur la société soit positif", commente-t-elle.

En 2007, elle pose un constat, qui, s’il est largement partagé aujourd’hui, était complètement disruptif pour l’époque. "Les entreprises produisent des conséquences sur les êtres humains, la nature et la société. Elles sont plus ou moins utiles à la société. La finance, en orientant ses flux vers les plus vertueuses d’entre elles, peut avoir un impact positif démultiplicateur.". Inspirée par Alain Grandjean, fondateur de carbone 4 aux côtés de Jean-Marc Jancovici, elle se saisit en particulier des enjeux environnementaux. Fanny Picard est convaincue qu’il existe une troisième voie, une possibilité d’allier rentabilité et responsabilité.

Fanny Picard a commencé à travailler sur le projet d’Alter Equity dès 2007. Lever le premier fonds n’a pas été simple. "À cette époque, beaucoup d’investisseurs étaient encore convaincus de l’incompatibilité du rendement et de la responsabilité. L’opinion publique n’avait pas encore intégré les enjeux environnementaux. Heureusement, des investisseurs tels que BPI France, BNP Paribas, les Assurances du Crédit Agricole ou la CFDT nous ont fait confiance", confie Fanny Picard. Le premier closing a eu lieu en 2013 et le second en juillet 2015, à 41,5 millions d’euros.

Dès cette période, elle s’exprime dans les médias et fait résonner ce sujet de l’investissement à impact qui lui tient tant à cœur. "Il y avait des initiatives lancées dans l’économie sociale et solidaire, mais nous sommes, à notre connaissance, le premier fond à avoir parlé d’investissement à impact social et environnemental dans le non-côté en France", partage-t-elle.

En route pour un troisième fonds

Alter Equity investit dans des sociétés à la fois utiles par leur activité et soucieuses d’améliorer leurs pratiques de gestion. Côté social, le fonds se concentre sur des secteurs comme l’éducation, la culture, la santé et le bien-être. Côté environnement, il s’intéresse aux métiers qui pensent des solutions pour répondre aux grands enjeux : dérèglement climatique, épuisement de la biodiversité et des ressources, qualité de l’air, de l’eau et des sols.

Le fonds vise des entreprises dont le business modèle est validé et qui font au moins 1 million d’euros de chiffre d’affaires. Il investit des tickets initiaux entre 3 et 5 millions d’euros, et peut réinvestir entre 50 et 100 % du montant initial. Les startups choisies sont européennes et majoritairement françaises.

Les entreprises du portefeuille doivent adopter un plan d’action RSE, aussi appelé business plan extra financier, qui comporte une dizaine de critères dont quatre obligatoires : réaliser un bilan carbone, ouvrir son capital à tous les salariés qui le souhaitent, conditionner la partie variable de la rémunération des managers aux résultats RSE et réaliser un entretien annuel de progrès pour tous les salariés. "À travers l’ensemble de nos participations, nous avons permis d’éviter plus de quatre millions de tonnes de CO2, ce qui représente 1 % des émissions annuelles de la France !", se félicite Fanny Picard.

La levée du deuxième fonds a été clôturée en février 2020, à 110 millions d’euros. Le fonds a pris 12 participations en France, une en Allemagne et prévoit d’en réaliser trois supplémentaires. "Nous commençons à lever notre troisième fonds et nous visons cette fois 150 millions d’euros", révèle Fanny Picard à Maddyness.

Aux manettes de cette aventure, une équipe majoritairement féminine, fait suffisamment rare dans le monde du capital-risque pour être souligné. "Nous avons recruté cinq femmes récemment, ce qui nous amène à une équipe composée à 75 % de femmes", annonce Fanny Picard.