" Je veux aller chercher la force du mammouth… sans son inertie ", lâche Patrick Amiel en assumant un côté provocateur. Le constat qui l'amène à créer 321founded, intervient dans le cadre d’un cours qu’il donne au sein d’un Executive Program à l’Insead. Face à lui, des membres de Comité Exécutif des plus grandes entreprises françaises. Et pourtant, il était littéralement estomaqué par le désarroi de ces personnes face aux sujets du numérique.

" Je ne comprenais pas qu’avec la puissance de feu qu’ils peuvent avoir, il n’arrivait pas à sortir de belles innovations ". 

Quelques années plus tard, Patrick Amiel pense avoir quelques pistes de réponses à ce grand questionnement : 

" Imagines-toi dans un groupe de ce type-là, tu veux lancer une nouvelle activité… ton premier réflexe, ce sera de le faire en interne. Avec l’inertie, tu es parti pour deux ans avant de sortir quelque chose. Et c’est un gros problème puisque tu es complètement en décalage avec le marché qui a bougé dans l’intervalle. Deuxième option, c’est de faire appel à un gros cabinet de conseil. Tu payes 2 millions d’euros et tu te retrouves avec les plus belles slides de la terre… mais est-ce que tu as monté un business ? Je ne crois pas. Option 3 : tu fais appel à ton agence marketing et tu gagnes le Grand Prix de la stratégie… mais tu n’as toujours pas de business  ".

Pour lui, l’un des plus gros freins viendrait des habitudes, celles de ces grands groupes à faire appel aux mêmes acteurs pour répondre à toutes leurs problématiques. Même si l’ambition initiale était de sortir du cadre pour explorer des champs nouveaux, il leur manque cet état d’esprit entrepreneurial. Et c’est ce que veut leur proposer Patrick Amiel avec 321founded. 

" J’ai un background plutôt entrepreneurial, explique-t-il à Maddyness. J’adore me prendre des murs et traverser le désert ". 

En 2006, il avait co-fondé MyBestPro, un acteur spécialisé dans la mise en relation entre particuliers et professionnels. Il se dit que peu de gens avec son parcours vont s’adresser à ces grands groupes. Il récupère la liste des groupes du CAC40 et identifie 30 PDG à qui il va envoyer un email. Sur 30 mails, il récolte 25 réponses et 11 rendez-vous.

Il serait pourtant faux de croire que l’histoire a été simple pour 321founded. Pendant un an et demi, Patrick Amiel enchaîne les rendez-vous prometteurs qui ne mènent à rien. " Tout le monde trouvait une magie dingue à bosser entre entrepreneurs et corporates, mais on ne trouvait pas de modèle ". 

La recette de 321founded

Patrick Amiel vient donc bâtir une méthodologie concrète qui allait lui permettre d’écrire noir sur blanc sa vision du corporate startup studio qu’il était en train de construire. 

Un projet se déroule en trois temps.

Tout d’abord, une phase de deux mois qui va permettre à 321founded d’analyser une opportunité pour le compte d’une entreprise.

" On évalue à la fois la taille du marché, sa profondeur et tous ces chiffres qu’un cabinet de conseil aurait compilé. Mais on vient aussi évaluer le go-to-market. Au bout de deux mois, on revient avec une idée précise de comment exécuter et vendre cette idée. Un tiers des projets s’arrêtent à cette phase si l’on considère que le go-to-market n’est pas viable ".

Pour les deux tiers restants, le projet passe à l’étape suivante (même si le projet a peut-être déjà beaucoup évolué pendant sa première phase). Dans ce second temps, 321founded va commencer par mettre en place une équipe. " On le fait en l’espace de vingt-quatre heures ", assure Patrick Amiel. 

En effet, pas question de perdre six mois en attendant le CEO parfait, le corporate startup studio vient nommer un " venture builder " issu de son équipe. " Il s’agit de l’un de nos 40 collaborateurs qui va prendre le rôle de CEO par intérim en attendant le recrutement d’un CEO, explique-t-il. On a calculé et les membres de la team ont en moyenne créé 2,3 boîtes par tête. Il n’y en a pas un seul qui n’a pas été entrepreneur dans le passé ". Ce venture builder va construire une équipe et se mettre immédiatement en quête des premiers clients.

" On est obsédé par le business et la traction ", reconnaît Patrick Amiel. 

La troisième phase, c’est l’incorporation de l’entreprise avec le CEO que leurs équipes RH ont identifié. 

L’ingrédient secret

Mais l’ingrédient secret de 321founded, celui qui assure que les équipes se démènent pour que cette startup corporate soit une réussite, c’est le co-actionnariat. " Je ne voulais pas être une agence ou un cabinet de conseils, lâche Patrick Amiel avec conviction. Je ne voulais pas d’une relation client/fournisseur. Je n’avais pas envie d’avoir l’impression d’être en train de créer un business pour une entreprise, je voulais que l’on s’associe pour lancer une boîte ensemble. ". 

Deux scénarios possibles : l’activité de cette startup est très proche du cœur business du corporate et il est évident qu’il sera le seul acquéreur à terme de 100% du capital. Dans ce cas, l’entreprise est majoritaire avec des options pour acheter l’intégralité du capital à terme. De l’autre, et il s’agit de la majorité des cas pour le moment, 321founded va créer une activité qui n’est pas " corpo-centric " (pour reprendre le terme employé par Patrick Amiel) et ce sont donc les fondateurs qui sont majoritaires.

Dans les deux scénarios, 321founded possède environ 20% du capital de leurs créations.  " C’est la meilleure garantie pour que tout le monde soit aligné ", ajoute-t-il. 

Déjà 12 aventures

C’est finalement ViaID (acteur de la mobilité) qui devient la première entreprise à sauter le pas avec 321founded, bientôt suivi par le PMU, BNP Paribas, Pernod Ricard, Carrefour, Britanny Ferries ou August Debouzy. Patrick Amiel ne pourra pas parler de l’ensemble de ces startups : certaines vont sortir prochainement et sont encore sous le radar, d’autres ont déjà été tuées par manque d’un go-to-market.

Pour le PMU, 321founded a récemment lancé Stables, un projet qui fait entrer le groupe historique dans le Web3 avec la possibilité d’acheter un double numérique d’un cheval de course en NFT.

Les projets se bousculent donc à la porte du corporate startup studio. Patrick Amiel refuse pourtant encore de parler de succès :  " On lance un modèle, on lance des boîtes. Le moment de vérité arrivera dans 3-4 ans. "