Alors que l’année 2023 démarre et que l’heure est au changement de business model, la rédaction de Maddyness s’est rapprochée de la direction de BPCE, pour connaître l’analyse et les conseils d’un de ses directeurs, afin de vivre au mieux l’aventure entrepreneuriale en période de crise.

Comment appréhendez-vous ces prochains mois ?

Nous sommes à un point d’inflexion. Les instituts économiques s’accordent à dire que, dans les mois à venir, la croissance sera très faible. Personne ne veut employer le mot récession, pourtant les signes sont là, le ralentissement de l’économie est indéniable. Cela étant, il faut raison garder et nous pouvons compter sur la résilience et les capacités d’adaptation des dirigeants d’entreprises, qui pourraient nous surprendre sur le second semestre en termes de croissance économique. Des crises, il y en a toujours eu et tout dépend du point de comparaison, de l’année de référence.

Si on dresse le bilan, malgré les intempéries économiques, l’année 2022 reste une bonne année en termes d’activité pour les entreprises, portée par l’élan de la dynamique de 2021, qui était, quant à elle, exceptionnelle, non pas par rapport à 2020 - où tout le monde était dans de l’ultra vigilance face à l’arrêt forcé de l’économie - mais bien par rapport à 2019. Une chose est sûre, la crise sanitaire et aujourd’hui le conflit ukrainien, n’ont pas eu raison de l’optimisme des entrepreneurs. Ils continuent d’investir. Ils sont juste plus prudents et surtout ils reviennent aux fondamentaux comme optimiser leur trésorerie ou encore veiller à leur rentabilité mais avec le souci de circuits plus courts, d’une production plus locale pour plus de souveraineté et un impact environnemental réduit. Depuis la pandémie, le business model des entreprises innovantes a évolué. Elles devront démontrer leur capacité à être rentables plus rapidement, gérer leur trésorerie comme une ressource plus rare.

De quel type de changement parle-t-on ?

Les business modèles doivent s’articuler autour de trois catégories de capitaux pour cette année 2023 et celles à venir : le capital financier qui doit être préservé, optimisé dans ses allocations ; en s’appuyant sur le capital humain qui doit être chouchouté, valorisé et qui est un moteur de croissance tout aussi important que le capital financier. Le capital humain doit se développer dans toutes ses dimensions. Il existe dorénavant un troisième capital qui est, de mon point de vue, indissociable des deux précédents : le capital environnemental. Il doit être dorénavant considéré, même comptabilisé comme un actif de l’entreprise, à intégrer dans sa stratégie de développement. Par ailleurs, ces 3 typologies de capitaux doivent se nourrir mutuellement pour être au service de la croissance de l’entreprise qui doit, en contrepartie, devenir une ressource pour ces capitaux.

Il est vrai que durant ces 15 dernières années, il y a eu une relative abondance du capital financier. Avec des taux d’intérêts proches de zéro, son coût était faible, faisant de lui le moteur principal de la croissance. Les dirigeants d’entreprises innovantes ont, principalement, bâti leur stratégie de développement sur la nécessité d’acquérir rapidement une position dominante sur leur marché et ce “quoi qu’il en coûte”. Peu importaient le coût de l’investissement et les pertes générées, ils pariaient, à long terme, sur une prédominance de leur entreprise dans leur secteur d’activité qui leur assurerait une forte rentabilité. Ce modèle qu’on associe régulièrement à Amazon avait le mérite de pouvoir créer de véritables champions français ou européens. La remontée des taux d’intérêt et le retour à des valorisations plus corrélées à une rentabilité plus rapide va challenger la gestion de ce capital financier. La croissance des rapprochements d’entreprises innovantes est un bel exemple d’optimisation de ce capital.

Le capital humain s’est, quant à lui, rendu plus rare et prend donc une valeur grandissante : le recrutement, la fidélisation et la gestion des talents sont devenus une priorité pour les dirigeants et les entreprises, avec la question de comment mieux associer ce capital à la vie et à la croissance de l’entreprise.

Depuis la crise Covid et avec le programme France Relance, le nombre d’entreprises qui relocalisent leur production n’a de cesse d’augmenter. La réglementation sur la dimension ESG qui concerne de plus en plus d’entreprises et qui va en s’accélérant, la demande du consommateur final, la prise de conscience quant à la nécessité de préserver notre bien commun à savoir l’environnement, font partie des raisons de l’intégration du capital environnement dans la stratégie long terme des entreprises. Probablement qu’à terme ce capital sera comptabilisé dans le bilan des entreprises, comme une notion de Good Will ou Bad Will.

C’est l’émergence de ce dernier capital et la nouvelle manière de gérer les deux autres qui caractérisent ce changement, et dont les banques doivent être actrices.

Quelles sont les plus grandes qualités d'un entrepreneur ?

L’entrepreneur est multi-tâches dans son entreprise. Il doit avoir une vision long terme, une capacité à bien s’entourer, d’où l’importance du capital humain. Banque Populaire, qui s’est construite dès l’origine autour des besoins d’accompagnement des entrepreneurs a développé ce modèle de relation de proximité forte et dans la durée avec ses clients entrepreneurs. Ce type de relations s’avèrent précieuses dans cette période d’inflexion. Mais bien sûr, pour assurer la croissance de son projet et outre cette relation de proximité avec sa banque, un entrepreneur doit faire preuve d’une motivation sans faille ; avoir une vision globale du marché de son secteur d’activité et s’entourer de tiers extérieurs reconnus et crédibles et ce quel que soit son modèle.

Cela peut sembler évident mais il est nécessaire de le rappeler : une entreprise doit avoir comme objectif d’être rentable. Un entrepreneur doit donc veiller à son capital financier qui lui permettra d’accompagner son capital humain. Il doit maintenant intégrer la gestion du capital environnemental le plus tôt possible, même s’il faut avoir une politique de petits pas, l’essentiel est de commencer, d’avancer et développer ce capital. Pour moi, une des plus grandes qualités d’un entrepreneur, c’est l’audace ; l’audace de se lancer, d’agir et de prendre des décisions avec l’envie d’avancer.

Et d'une entreprise qui marche ?

Peu importe le modèle, le levier de réussite d’une entreprise reste, aujourd’hui encore, la stratégie long terme. Autrement dit, sa capacité à prévoir, anticiper et s’adapter. L’élaboration d’une stratégie long terme s’avère être un exercice ambitieux pour un entrepreneur absorbé par la gestion de son activité au quotidien. Je suis convaincu que cette capacité à construire une vision de l’avenir peut faire la différence et c’est d’ailleurs pour aider les dirigeants qu’avec les équipes Banque Populaire nous avons mis en place un entretien dédié à la réflexion sur les enjeux stratégiques durant lequel le dirigeant est invité à échanger autour de 5 axes de développement: une politique ESG de l’entreprise ; l’internationalisation de son activité ; sa stratégie RH ; l’innovation ou la digitalisation de l’entreprise et, enfin, les manières d’accélérer sa croissance. Cette démarche est d’autant plus utile que nous sommes dans une économie ouverte et nous avons besoin de plus d’ETI en France.

À terme, pour une entreprise, le risque reste de se faire distancer par les concurrents. Malgré des ratios financiers appréciables durant les dix premières années, une entreprise sans stratégie de développement peut, un jour, voir son activité menacée par la concurrence avec un impact direct sur sa valeur et, implicitement, le patrimoine du dirigeant.

Quels conseils pourriez-vous donner à un entrepreneur qui vient de se lancer ?

Tout simplement d’être eux-mêmes, comme ils l’ont toujours été face à chaque difficultés économiques avec lucidité, optimisme et adaptabilité. Mais, dans ces situations, il est important de se poser, de prendre le temps de réfléchir à la manière dont l’entreprise doit évoluer durant les 5 prochaines années, d’accorder autant d’importance au 3 catégories de capitaux précédemment évoqués et de bâtir sa stratégie autour de ses enjeux.

Les coûts énergétiques, l’inflation, les difficultés d’approvisionnement et les changements de circuits, la hausse des taux, le recrutement de talents ou encore les levées de fonds sont autant de défis à relever. Ces challenges doivent les conduire à remettre leur business modèle en question quand cela est nécessaire en repensant leur méthode de production, leur chaîne logistique mais aussi en ouvrant leur capital et en étudiant d’éventuels rapprochements avec d’autres entreprises...L’année 2023 sera riche et stimulante.

Quel message souhaiteriez-vous adresser à l'écosystème ?

Miser sur son capital humain, commencer si ce n’est déjà fait à travailler son capital environnemental comme un actif de l’entreprise ! Et n’hésitez pas à vous appuyer sur votre conseiller bancaire et à le consulter, C’est un vrai partenaire !