Design, R&D, prototypage, présérie… Autant d’étapes incontournables dans la vie d’une innovation : "Pour créer de la valeur, il faut maîtriser de A à Z son produit - du développement à la chaîne d’approvisionnement. Mais il est impossible de tout intégrer verticalement", estime Clément Houllier, Pdg d’Auum, lancée en 2019.

Après 2 ans de R&D pour mettre au point son lave-verres : "le choix des fournisseurs s’est posé. Nous travaillons avec un panel d’industriels pour l’approvisionnement en composants (carte électrique, injection…) et nous réalisons l’assemblage, détaille-t-il. Au début, le produit n’est jamais parfait : il faut constamment le modifier. C’est pourquoi nous avons fait le choix d’internaliser l’assemblage pour gagner en agilité." La jeune pousse a aussi un partenariat avec Brandt lui permettant de mutualiser les achats.

Transparence et aléas

Recourir aux industriels peut se transformer en parcours du combattant. "Nous avions un problème technique pour fabriquer à grande échelle et à un coût raisonnable la tête de notre brosse à dent", raconte Benjamin Cohen, PDG de Y-Brush, créé en 2017. "Nous avions signé un contrat de partenariat d’un an avec un industriel. Il finançait une partie de la R&D et nous nous engagions à fabriquer avec lui par la suite. Il nous a lâchés.", poursuit-il. La jeune pousse, qui avait déjà enregistré 200.000 euros de précommandes, décide alors de construire sa propre usine, inaugurée en 2021. "Nous avons gagné en agilité, mais cela représente des coûts fixes importants", tempère le PDG. Si la startup réalise l'assemblage, elle recourt toujours à des prestataires pour certains composants. Y-Brush, comme Auum, détiennent l’intégralité de la propriété intellectuelle liée à leurs innovations.

Les relations peuvent être délicates à orchestrer. Il faut "s’interroger sur le degré de transparence : une startup n’a pas envie qu’un industriel pille son idée pour la développer de son côté, et vice versa", illustre Benjamin Cohen. Les entreprises doivent aussi composer avec les aléas de leurs fournisseurs. "Au début, on travaille souvent avec de petites structures, qui elles-mêmes sont à risque, explique Clément Houllier. Nous avons eu le cas avec un fournisseur, qui a eu des problèmes RH. Il a dû recourir à des intérimaires peu formés pour faire des remplacements pendant des arrêts maladies. Résultat : la qualité des faisceaux électriques que nous avions commandés n’était pas au rendez-vous.".

Gérer les volumes de commandes

Côté industriels aussi, la relation n’est pas sans risque. Toshiba Europe, qui dispose d’un site industriel à Dieppe (Normandie) depuis 1986, collabore avec plusieurs startups, dont Greenbig et Adok. "Il s’agit le plus souvent de productions ponctuelles de petits lots. Pour gérer le volume des commandes, c’est de l’acrobatie ! Nous passons d’une production planifiée sur 6 mois à de l’assemblage à la demande", affirme Alain Verna, PDG Toshiba Europe. Ce jeu d’équilibriste présente des avantages. "Nous apprenons à nous remettre en question, à travailler plus vite et à être plus flexibles. Il faut être en mesure de répondre aux contraintes des startups industrielles, qui sont pressées par le temps car elles brûlent beaucoup de cash", souligne-t-il.

Autre investissement : l’achat des composants. "Cela immobilise des sommes conséquentes sur plusieurs mois - surtout depuis l’allongement des délais d’approvisionnement depuis 2020. Pendant ce temps, il y a le risque que la startup modifie son plan de production ou cesse son activité et que nous nous retrouvions avec cette marchandise sur les bras", avance Alain Verna.

Mettre à disposition ses outils de production était une nécessité pour Toshiba Europe. Alors qu’il assemblait plus de 45.000 photocopieurs par an pour le marché européen, la production s’est arrêtée en 2008. "Notre cœur d’activité est aujourd’hui la production d’encre toner, mais nous avons aussi dû nous diversifier vers le service à valeur ajoutée industrielle comme l’assemblage à la demande", précise le PDG. En 2008, Vialog se crée. Cette association regroupe localement une quinzaine d’industriels sous-traitants, dont Toshiba. Actuellement, ils militent notamment auprès de Bpifrance pour la création d’une plateforme de mise en relation entre startups et industriels. "Nous menons aussi des discussions pour prévoir une couverture du risque pour les industriels afin de favoriser les collaborations avec les startups", affirme Alain Verna.