Créé en 2013, Skilleos est aujourd’hui une plateforme e-learning française possédant un vaste catalogue de formations et de cours : du dessin à la guitare, en passant par les cryptomonnaies, le JavaScript, la photographie, la couture ou l’anglais, le champ des possibles est large pour cette plateforme sur abonnement.

Cyril Seghers, son fondateur, a toujours voulu se définir comme un “Netflix de l’e-learning”, même si la réalité était bien différente au début : " On avait dix cours à la fin de la première année, se rappelle-t-il. On avait clairement plus de trous que de gruyère.". 

Il était difficile dans ces conditions de déployer une vision autour de l’abonnement, et Skilleos commence donc à vendre ses formations à l’unité au travers de sites comme Groupon, Veepee ou Showroomprivé. Grâce à ces ventes, les équipes peuvent rémunérer les experts qui viennent créer les 150 premiers cours. Quand ils atteignent ce chiffre, Skilleos commence à ouvrir la distribution en direct. Puis, en 2019, la startup se lance dans la vente en BtoB (en ciblant les comités d’entreprises et les bibliothèques qui viennent en offrir l’accès à leurs usagers).

La levée de fonds n’est pas automatique

L’idée de Skilleos est apparue à Cyril Seghers alors que celui-ci développait l’offre e-learning pour le site Groupon. Il se rappelle du paradoxe devant lequel il se trouvait : " Il n’y avait pas d’acteur de référence dans le monde de l’e-learning, il était donc difficile pour les débutants de juger de la qualité d’une formation, dans un domaine où ils ne connaissent rien.".

Il rêve alors d’un acteur qui serait exhaustif tout en étant très sélectif, pour venir se positionner comme une référence dans le domaine. Alors qu’il réfléchit à cette idée, il fait la connaissance d’une personne travaillant sur une plateforme de cours en ligne, dédiée à la photographie. Ils décident d’unir leurs forces et de développer ce projet ensemble. Cela apporte à Cyril Seghers de l’expérience et un capital de départ pour lancer l’ambitieuse plateforme d’e-learning qu’il avait en tête. Il autofinance donc cette première étape et arrive à trouver le moyen de générer immédiatement du chiffre d’affaires. À cette époque, Cyril Seghers arpente beaucoup les Startup Weekends où il entend plusieurs fois que " l’avenir appartient à ceux qui lèvent tôt ", expression à laquelle il n’adhère pas.

Il voit ainsi de nombreuses entreprises lever des fonds, mais décide de s’en passer : " J’avais le sentiment que lever des fonds allait me prendre beaucoup de temps. Et puis j’avais aussi l’impression que c’était un peu moins méritant de le faire avec des fonds, que de le faire tout seul. J’ai la conviction que le bon argent, c’est celui qui vient du client. Je suis donc resté concentré sur le business.".

L’entreprise se développe jusqu’à atteindre 75 employés et Cyril Seghers a la fierté d’être à la tête d’un modèle sain, sans aucune dette, et où les seuls actionnaires en dehors de lui sont les salariés et les membres du comité de direction. " On maîtrise notre business, affirme-t-il. Et s’il y a éclatement de la bulle ou une période difficile qui arrive, on ne vit pas au-dessus de nos moyens.". Ce choix de ne pas lever de fonds vient s’inscrire dans son identité d’entrepreneur le jour où il rejoint le club Bootstrap, un organisme qui veut casser l’idée que la réussite entrepreneuriale passe forcément par d’impressionnantes levées de fonds.

Un retournement de situation pour Skilleos

Cyril Seghers est à contre-courant. Alors qu’il est clairement identifié comme un fervent défenseur du bootstrap, il se lance aujourd’hui dans sa première levée de fonds. " Si on lève des fonds, explique-t-il. Ce n’est pas pour survivre, mais vraiment pour accélérer.". 

Un choix qui, d’après lui, ne vient absolument pas en contradiction avec sa position tenue jusqu’à présent. En effet, la philosophie du club Bootstrap n’a jamais été de condamner la levée de fonds, mais de questionner le recours systématique à ce type de financement. Pour Cyril Seghers, le mode bootstrap, c’est avant tout une question de liberté et d’indépendance. Sa levée de fonds va donc suivre le même chemin. " On va lever sur une valorisation et une dilution qui sera bien maîtrisée, qui nous permettra de conserver notre indépendance financière. Et puis nous sommes arrivés à un stade qui nous permet des montages plus complexes avec de la dette ou des obligations convertibles. Cela va aussi permettre de dérisquer en partie avec un peu de cash out. On se dirige vers une levée de fonds qui n’en appellera pas obligatoirement une deuxième.".

La startup commence donc à échanger avec des fonds classiques, mais aussi avec des industriels avec qui il serait possible de mettre en place des synergies business. Le CEO de Skilleos ne renie donc pas ses valeurs, mais vient prouver que l’on peut trouver une troisième voie qui va permettre d’accélérer sans se mettre en danger.