La cellule innovation a été créée au sein de Groupama Rhône-Alpes Auvergne par Philippe Vayssac, le responsable innovation. Après s’être formé à l’entrepreneuriat et au Design Thinking, celui-ci a imaginé un dispositif d’intrapreneuriat basé sur ces principes : "Avant, j’étais plutôt un mélangeur de technologies, mais je me suis rendu compte qu’innover, c’était avant tout résoudre un vrai problème, un vrai problème de société", explique celui qui a commencé sa carrière dans l’informatique et les télécoms.

Des "sprints" de six mois

Sa méthode ? Identifier dans les écoles où il enseigne des profils d’entrepreneurs, pour les inviter à rejoindre la cellule innovation de l’assureur pour six mois de stage. Là, ces recrues, en binôme, participent à un premier “sprint” destiné à identifier un problème à résoudre. "Notre feuille de route était de nous immerger dans un contexte défini. En 2019, on était en plein dans le grand débat national et la crise des gilets jaunes, et très vite, le sujet de la mobilité dans le péri-urbain s’est imposé", se souvient Thomas Randolph, l’un des premiers intrapreneurs à avoir rejoint le programme.

Au bout de six mois, si cette immersion est concluante, les porteurs de projets sont embauchés par Groupama. L’assureur finance les développements - en partie via le Crédit Impôt Recherche - "ce qui permet de dérisquer les projets et de faire des pivots", explique Philippe Vayssac. C’est d’ailleurs ce qu’à fait Fredo, la startup de Thomas Randolph : "On voulait créer le “Getaround” du vélo, avec une technologie de cadenas connectés reliés à une application, pour permettre aux particuliers de mettre leurs vélos à disposition d’une communauté. On a testé le modèle et on a échoué … pour finalement nous repositionner sur une approche BtoB, plus pertinente et viable à moyen terme. Nous proposons désormais aux entreprises et aux collectivités une gestion simplifiée de flottes de vélos en libre-service avec cadenas connectés.".

10 à 20 % du capital

Une fois que le projet a trouvé son marché, il peut vivre de ses propres ailes : Groupama Rhône-Alpes Auvergne conserve de 10 à 20 % du capital de l’entreprise qui est créée, abonde au compte courant et fait don de tout ce qui a été co-développé pour un euro symbolique. "En fait, Groupama finance le MVP (minimum viable product), puis le chômage des entrepreneurs nous aide pendant deux ans. Avoir Groupama au capital est aussi quelque chose de rassurant pour aller voir le réseau Entreprendre, Bpifrance ou les banques. C’est un tremplin assez extraordinaire", reconnaît l'ex-intrapreneur.

Les relations avec l’assureur ne s’arrêtent pas là pour autant. Les entrepreneurs restent dans l’écosystème de la cellule innovation, en participant à la formation des promotions suivantes et à l’acculturation des collaborateurs du groupe, tandis que des liens commerciaux sont développés. Dans le cas de Fredo, les synergies sont évidentes : "Groupama assure une collectivité sur deux en France. Proposer l’offre de Fredo à nos clients lors des renouvellements de contrat est un vrai élément de différenciation", explique Philippe Vayssac.

Déjà 6 projets concrétisés

"Notre posture ou croyance est de transformer notre écosystème par l’innovation, pour un monde durable, un monde solidaire", ajoute-t-il, en soulignant que les autres startups issues de la cellule innovation sont également liées aux métiers de Groupama et à sa mission. Depuis 2019, six projets se sont déjà concrétisés par des créations d’entreprises, dans des domaines comme ceux de la cartographie agricole par drones, les tickets-restaurants, les drones de largage agricoles, les néo-assurances ou les neurosciences.

"On a eu des échecs, et on en aura encore, mais ce dispositif a débloqué notre innovation. Souvent, dans une grande entreprise, on brûle beaucoup de cash dans les programmes d’innovation… mais rien de concret ne se fabrique", explique Philippe Vayssac. Avec ce modèle original qui tire parti des différents dispositifs d’aide à l’entrepreneuriat, Groupama innove en maîtrisant les coûts, tout en se transformant : la prochaine étape est de s’appuyer sur des collaborateurs de longue date de l’entreprise pour imaginer les prochains projets intrapreneuriaux. Le programme devrait même être dupliqué dans d’autres caisses régionales de Groupama.

Quant à Fredo, désormais autonome, la startup affiche ses ambitions : après avoir convaincu 30 clients en 2022 (dont l’agglomération de Vienne Condrieu, les villes de Libourne et Bayonne, ainsi que la SNCF, M6 ou GSF) elle ambitionne de tripler sa clientèle sur l’année 2023 afin d’atteindre une base installée de 1.000 vélos. Elle vise la rentabilité et un chiffre d’affaires de 1 million d’euros fin 2024 et envisage ensuite un développement à l’international, dans des pays comme l’Allemagne, l’Italie, le Portugal, la Belgique ou la Hollande.