Un engagement au service des transformations du pays

Au Moyen-Age, les “free lances” étaient des lanciers ne reconnaissant aucun lien de vassalité pour rester maîtres du choix de leurs combats. En tant que lointains héritiers, les entrepreneurs conservent jalousement cette indépendance. Les combats des temps modernes ne sont, quant à eux, pas moins nobles que ceux que l’on trouve dans les contes médiévaux : il est toujours question d’améliorer la condition du plus grand nombre, de se dépasser pour bâtir avec courage un avenir meilleur en relevant des défis colossaux.

Les défis présents et futurs sont connus et s’appellent dérèglement climatique, crise énergétique, basculement démographique ou encore révolution technologique. Pour les relever, la communauté des entrepreneurs est placée en première ligne ; c’est d’ailleurs là que réside toute la beauté de cette aventure freelance, il s’agit d’une mission. Notre société a besoin de créativité, d’audace et d’innovation pour embrasser les changements à l’œuvre et résister à la tentation de l’immobilisme.
Cet engagement profond, sacerdotal, tire sa force d’un seul moment dans la vie d’un entrepreneur : celui de la révélation de sa vocation à sortir du rang pour tracer sa propre route et conduire le changement. Et comme les vocations apparaissent souvent dès le plus jeune âge, la vocation entrepreneuriale ne déroge pas à la règle.

Partant de ce constat, il apparaît que nous pouvons encore faire des efforts pour susciter davantage de telles vocations au sein de notre jeunesse. D’après l’étude 2021/2022 du Global Entrepreneurship Monitor (GEM), les programmes de l’enseignement secondaire en France traitent bien moins d’entrepreneuriat que ceux de nos voisins et partenaires. Autre preuve d’un certain retard en la matière, la vision du monde du travail inculquée à nos enfants et adolescents paraît usée sur bien des aspects, les manuels abordant volontiers les conflits syndicaux tout en dédaignant l’esprit d’entreprise.

En conséquence, nous restons davantage attachés au salariat traditionnel et comptons moins de travailleurs indépendants qu’ailleurs : 11,2 % de la population active nationale, contre une moyenne européenne à 12,7 % et même 14,6 % aux Pays-Bas, selon Eurostat. D’après l’étude du GEM précitée, seulement un néo-indépendant sur quatre en France lance son activité dans l’objectif d’améliorer les choses, contre un sur trois aux États-Unis et un sur deux au Royaume-Uni. Nous avons donc pour mission de réenchanter l’entrepreneuriat, en l’enseignant et en le promouvant davantage. Nous ne partons heureusement pas de rien en la matière, que ce soit en France ou à l’international.

Promouvoir l’entrepreneuriat tout au long des études

Le premier point à traiter, nous l’avons abordé, est l’enseignement de l’entreprise au collège et au lycée. De profonds changements sont nécessaires dans la manière d’aborder le monde économique en cours. Mais au-delà de cet aspect académique, chaque établissement peut aussi mettre en place des ateliers de simulation d’entreprise, et même des coopératives gérées par les élèves – évidemment sous le contrôle de la communauté professorale – pour financer des voyages scolaires par exemple.

Au fond, toutes les initiatives permettant d’expliquer que le lien de subordination n’est pas l’alpha et l’oméga du travail sont bonnes à prendre. Nous ferions bien de nous inspirer en cela du modèle suédois, lequel réunit depuis trente ans écoles, associations et cercles d’entreprises dans le but de développer très tôt cet esprit entrepreneurial. L’État scandinave est allé encore plus loin en formant ses instituteurs aux nouvelles technologies, afin qu’ils parlent eux aussi couramment la langue de l’innovation et la diffusent à leurs classes. Enfin, la Confédération suédoise des entreprises offre chaque année à une vingtaine de milliers de jeunes la possibilité de se former aux bases de la gestion d’entreprise sur leur temps scolaire. Un beau modèle qui a fait ses preuves et que notre pays gagnerait à importer !

Pour revenir en France, nous avons créé en 2014 le statut d’étudiant-entrepreneur. Sont bénéficiaires de ce statut les inscrits au diplôme d’étudiant-entrepreneur (D2E) portant un projet entrepreneurial concret et réunis au sein d’un Pépite – Pôle Étudiant pour l’Innovation, le Transfert et l’Entrepreneuriat. Ce dispositif qui fêtera bientôt ses dix ans souffre d’une trop faible démocratisation : environ 500 étudiants-entrepreneurs à son lancement, 5.000 en 2022 – pour près de trois millions d’étudiants dans le supérieur l’an dernier !

Les moyens qui lui sont alloués sont donc à renforcer, alors qu’il n’existe à l’heure actuelle que trente-trois Pépite sur tout le territoire, avec parfois un seul pôle par grande région. Ce ne sont pas aux jeunes de se déplacer dans une grande ville pour développer leur créativité, c’est à cette dernière de se rendre accessible partout ! Un sérieux coup d’accélérateur serait le bienvenu, car l’ambition de doubler le nombre d’étudiants-entrepreneurs rapidement n’est pas osée.

Cette dynamique serait logiquement accompagnée du renforcement d’autres politiques en ce sens et à visée sociale, notamment le volet entrepreneuriat dans les quartiers de la politique de la Ville. Loin d’être des coûts à court terme, toutes ces initiatives sont autant de multiplicateurs de vocations, pour donner à la France de ce siècle les entrepreneurs dont elle a besoin.