SFDR, article 8, article 9 : ces mentions fleurissent dans les documents des fonds d'investissement. Et pour cause, depuis novembre 2022, le règlement européen sur la publication d'informations de durabilité dans le secteur des services financiers, communément appelé Règlement SFDR (une norme européenne dédiée au reporting ESG, ndlr) impose aux fonds d'investissement de fournir des informations sur la manière dont ils prennent en compte les critères ESG dans leurs investissements.

Une nécessité de s’aligner avec la réglementation

Dès lors, les sociétés de gestion se mettent en chasse de la perle rare susceptible de pouvoir structurer et développer un cadre méthodologique pour des investissements avec une approche toujours plus durable. "L’Europe va se montrer tolérante et donner le temps aux sociétés de se conformer avant de les sanctionner, mais il est clairement stipulé que la société de gestion engage sa responsabilité légale dès lors qu’elle annonce dans des fonds article 8 ou 9 un minimum d’investissement durable et qu’elle ne respecte pas son engagement. Et ce n’est pas tout, les sociétés de gestion sont désormais dans l’obligation de publier des templates réglementaires assez lourds avec des définitions précises sur certains indicateurs ESG et les manquements sont sanctionnables", explique Damien D., qui s’apprête à rejoindre une société parisienne de capital-risque pour lui prêter main forte sur les sujets ESG.

Des attentes croissantes des investisseurs et des entrepreneurs

Pour Elodie Nocquet, fondatrice de Better Way - un cabinet de conseil sur la transformation ESG et l’impact -, la pression n’est pas que réglementaire : "Pour lever des fonds aujourd’hui, il faut montrer qu’on a une démarche ESG et qu’on fait progresser les participations dans ce sens. Comme tout le monde se met sur cet enjeu ESG, il y a un véritable besoin de différenciation avec les pairs et avoir quelqu’un en interne témoigne d’une envie d’aller plus loin. Les gestionnaires de fonds ont récemment pris conscience qu’ils faisaient face à un sujet stratégique pour les souscripteurs et les portefeuilles de participation eux-mêmes.".

En effet, outre les considérations personnelles de certains fondateurs désireux de positionner leur société de gestion à l’avant-garde de l’investissement durable et la régulation progressive des marchés mis en place par le Parlement européen, si les fonds se mettent à la recherche de ce profil c’est aussi - et surtout - pour répondre à la demande croissante des investisseurs en matière de durabilité : "Je suis convaincue que les investisseurs sont un vecteur puissant de transformation de nos sociétés et qu’ils peuvent faire partie de la solution plus que du problème. Ils ont cette capacité à rendre les sujets sociaux et environnementaux de l’entreprise très importants tant sur les aspects ESG - en questionnant la manière dont l’entreprise fait ce qu’elle fait -, que sur l’impact en interrogeant la raison pour laquelle l’entreprise fait ce qu’elle fait, son cœur de métier -. Les demandes de reporting de données et KPI ESG sont de plus en plus régulières.", constate Clara Deniau, responsable Impact et ESG récemment recrutée au sein des équipes de Citizen Capital.

Pour cette spécialiste, qui a dans un premier temps fait ses classes chez Better Way, ces données doivent avant tout être un outil de pilotage du changement. Pour ce faire et, finalement, pour orienter les capitaux vers des entreprises qui revendiquent ou se dirigent vers une plus grande éthique, les responsables ESG comme Clara doivent être garants des bonnes pratiques en aidant, par exemple, les entrepreneurs à faire et à comprendre leur bilan carbone - un critère de plus en plus important dans les investissements -. "Les entreprises ont souvent à coeur de faire des choses, mais elles ignorent comment", soutient Clara Deniau.

Alors, dans un souci d’accompagnement, les ESG managers mettent également en place des méthodologies réplicables, un cadre, des outils, un réseau, destinés aux entrepreneurs, qui ont leurs fonds comme investisseurs.

Des chefs d’orchestres qui veillent au grain

Si le responsable ESG a pour mission de construire et peaufiner la politique ESG avec les associés ou fondateurs de la société de gestion et d’évaluer la performance ESG des investissements avec les comités, il intègre également ces critères dans les futures décisions d'investissement, en veillant à ce qu’ils n’entrent pas en conflit avec les objectifs financiers.

Pour la responsable Impact et ESG de Citizen Capital les sociétés ou les comités qui s’inscrivent dans cette démarche volontaire et engagée ont besoin d’une personne qui sait occuper une fonction transverse et agir en chef d’orchestre : "L’idée est de veiller à ce que les chargés d’investissements, les entrepreneurs et toutes les parties prenantes aux fonds ne fassent pas l’impasse sur un point ESG important, en oubliant de le mentionner en board ou dans le plan d’action par exemple. Une boite qui fait état d’un super business modèle, mais qui, à côté de ça, ne sait pas fidéliser ses collaborateurs ou mettre en place les bonnes pratiques sociales dans son processus de recrutement, a de fortes chances de rencontrer des difficultés un jour ou l’autre", explique Clara Deniau, avant de poursuivre : "Avoir une personne qui adresse ces sujets là, c’est important pour la réussite de boîtes. Les due diligences ESG sont de plus en plus souvent intégrées au due dill global, étape durant laquelle la boîte est déterminée à s’engager dans pleins de domaines. L’ESG manager doit, et ce tout au long de la vie de l’investissement, avoir un certain nombre de réflexes tant sur les questions transformantes à se poser, que sur les solutions et les prestataires à mettre en place pour accompagner au mieux les engagements des entreprises et notamment des startups. L'ESG manager veille, entre autres, à ce que le soufflé ne retombe pas.".