Hugues Pietrini est passé par Unilever, Heineken, Pernod-Ricard, mais il a surtout été débauché en 2006 par le fonds d’investissement américain Blackstone pour prendre la tête d’Orangina-Schweppes, dont il a été le CEO de 2010 à 2014. Sa mission : redresser l’entreprise : " Cette expérience a vraiment été le point d’inflexion dans mon parcours, explique-t-il à Maddyness. Pour la première fois, je goûtais à une énorme autonomie. Et une fois que l’on a goûté à la liberté… c’est difficile de revenir en arrière. ".

Les souvenirs d’Hugues Pietrini de cette période sont tous liés à cette notion de liberté et d’innovation. C’était aussi l’époque des grandes campagnes publicitaires pour Oasis, Orangina ou pour Schweppes avec Nicole Kidman, Uma Thurman ou Penelope Cruz, mais aussi l’époque de la création de la Villa Schweppes. " C’est clair que dans le cadre d’une boîte multinationale hyper standardisée, on n’aurait pas pu faire le quart de ce qu'on a fait, assure-t-il. Et ça, c'est effectivement parce qu'on était dans un environnement très entrepreneurial. Cette expérience a vraiment été un sas de décompression pour moi : cela m'a fait comprendre qu'avec beaucoup d’autonomie, quand on est aussi capable d’avoir une vision, un projet pour l'entreprise et d'entraîner les équipes, on peut faire des choses extraordinaires. ".

Il devient ensuite le numéro deux du géant Moët Hennessy en 2014, où il prend la tête de maisons renommées comme Ruinart, Krug, Glenmorangie et Belvedere. Il ne tarit pas d’éloges pour ce qu’il considère être une maison extraordinaire, mais il décide de partir moins de quatre ans plus tard. " Cela ne correspondait plus vraiment à ce que j’avais envie en termes d’autonomie, de développement et de création. ". 

Trois choses qu’il retrouvera dans ce qu’il nomme être son " dernier job corporate ", comme pour appuyer le fait que le reste de sa vie sera désormais résolument tournée vers l’entrepreneuriat. Cette dernière expérience avant le grand saut commence en 2017 en tant que CEO du groupe Stoli, l’une des premières sociétés de production et de commercialisation de vodka au monde. Il arrive avec le mandat de diversifier le groupe en lui permettant d’acquérir ou de créer des marques de tequila, mezcal, bourbon, etc. Une fois sa mission accomplie, Hugues Pietrini se sent enfin prêt. Il quitte Stoli en 2019 et commence les réflexions qui allaient donner naissance à Spirit Brothers. " Je voulais retrouver plus d’autonomie, explique-t-il. Mais je voulais aussi me mettre en danger. J’avais envie de retrouver un peu le goût du risque et de pouvoir me prouver à moi-même que j’étais capable de réussir en démarrant de zéro. ".

Un secteur spirituel

Pour sa première expérience entrepreneuriale, Hugues Pietrini aurait pu quitter le monde des spiritueux, mais sa passion pour ce secteur va le rattraper. " La dimension spirituelle des spiritueux n’est pas anodine pour moi, livre-t-il. Ce sont des produits qui viennent de la terre au travers d’un procédé presque alchimique. Ce n’est pas pour rien que le vin fait partie intégrante de la liturgie catholique, de la même manière que les rites chamaniques utilisent le mezcal. Il faut évidemment boire avec modération, mais pour moi ce n’est pas une industrie… il y a véritablement une dimension culturelle qui me passionne. ".

Il reconnaît que c’est rassurant de se lancer dans une industrie que l’on connaît bien. Au début de l’aventure, Hugues Pietrini s’est donc retrouvé seul devant son ordinateur à appeler un avocat pour créer sa structure légale, à monter un business plan, à exécuter la stratégie qu’il a imaginée, à gérer la comptabilité, … " Je me suis retrouvé en mode couteau suisse, à faire toutes les choses de A à Z et notamment des jobs que je déléguais totalement à mes équipes auparavant. Cela me passionne de revenir au cœur du métier. ".

Fier de développer une philosophie du “small is beautiful”, Hugues Pietrini a mis en place une équipe de seulement sept personnes derrière Spirit Brothers, un choix assumé par sa volonté de garder une taille humaine où chacun a énormément de responsabilités. " J’essaie de limiter au maximum la bureaucratie que j’ai pu voir par le passé. Je veux limiter ce qui ne crée pas de valeur. ".

Spirit Brothers ne souhaite pourtant pas se mettre sur la même trajectoire qu’un Moët Hennessy ou un Stoli. Hugues Pietrini le justifie par un positionnement sur le haut de gamme avec un prix moyen des bouteilles à 50 ou 60 euros. " On vient répondre à un appétit grandissant pour des produits faits main, où il y a un savoir-faire plus artisanal. Et ce n’est pas une tendance seulement en France, c’est vraiment mondial. ".

L’entrepreneur est donc fier de pouvoir afficher le fait que Spirit Brothers est à la fois producteur et distributeur, maîtrisant sa production de A à Z, allant chercher les meilleurs partenaires aux quatre coins du monde. À l’image de leur vodka, produite dans une distillerie historique par le descendant du Grand Empereur russe Alexandre II, ou encore leur mezcal, produit dans les hautes montagnes de San Juan Del Rio, dans une région isolée de Oaxaca à 5.000 pieds au-dessus du niveau de la mer.

Pour Hugues Pietrini, ce n’est définitivement pas du business, c’est une passion.