Jessica Ifker Delpirou a réussi son pari : impacter. "Impacter des secteurs éminemment centraux pour chacun d’entre nous et voir une véritable transformation drivée par un aspect technologique.". C’est un leitmotiv qu’elle ne cesse de répéter lorsqu’elle évoque son parcours professionnel. Celui-ci débute en 2000, à l’époque de la bulle internet. A HEC, Jessica Ifker Delpirou est “une élève dans les clous” avec “un profil scolaire assez classique et plutôt studieux”. Pour autant, “les grandes écoles de marketing où vont tous les sortants d’HEC” ne lui disent rien.
"J’ai voulu m’orienter vers un univers plus technologique où je pensais qu’un profil comme le mien marquerait plus la différence.". C’est chez Bouygues Telecom qu’elle apporte en premier lieu cette différence : "C’était la grande époque des télécoms avec le début de l’internet mobile. J’avais un fond geek et cette période d’innovation technologique me plaisait beaucoup, se souvient-elle. Alors que le service marketing n’était composé que d’ingénieurs, j’ai pu apporter une vision divergente grâce à des fondamentaux marketing et business plus forts.".
Très vite attirée par le monde de la data, Jessica Ifker Delpirou décide qu’il est temps pour elle d’orienter sa carrière encore davantage dans le digital. En 2006, elle quitte son poste pour rejoindre ING alors première banque en ligne en France. "C’était une vraie révolution dans le monde de la banque.". Au comité de direction pour la France, elle lance le premier compte courant grand public en ligne en 2009, à la suite de la crise des subprimes de 2008. Tout en donnant des cours à Sciences Po et en éduquant ses deux enfants en bas âge, Jessica Ifker Delpirou fait de la gestion de crise. "C’était déjà très entrepreneurial !". En 2011, toujours poussée par la volonté d’aller vers l’innovation, elle quitte ING pour Paypal. Le rôle de CMO France pour cette entreprise à la dynamique de startup américaine la galvanise dans un premier temps mais le manque d’impact la rattrape. "Au bout d’un an je sentais que je pourrais difficilement les emmener plus loin.". C’est à ce moment-là que la rencontre avec Meetic a lieu. "Cette opportunité conciliait toutes mes attentes", dit-elle en souriant.
Besoin d’apprendre
Chez Meetic, qu’elle considère être "le premier réseau social en France avant Facebook", Jessica Ifker Delpirou retrouve cet aspect important pour tout un chacun : "L’argent c’est central mais l’amour aussi…". Quand elle quitte le paiement et la banque pour rejoindre la rencontre en ligne, la réputation des sites de rencontre est bien différente de celle que l’on connaît aujourd’hui. Avec le slogan “love your imperfections” la directrice de Meetic France, accompagnée de ses équipes, décide de : "prendre le contre pied de l’univers des sites de rencontre où il est nécessaire d’avoir un profil très lisse". Avec ça, elle travaille sur l’application, la transformation de la stratégie acquisition, les événements en réel, "le tout emballé dans un joli papier cadeau pour tenter d’attirer les 50 % de personnes qui disaient ne pas utiliser les sites car ils avaient besoin de quelque chose de plus ancré dans la vraie vie". En 2016, lorsqu’elle décide de partir, Meetic "commence à être challengé par Tinder" qui fait alors partie du groupe. "J’avais la sensation que le meilleur était derrière nous.".
Jessica Ifker Delpirou a encore besoin d’apprendre, de nourrir sa curiosité. Attirée par l’idée d’une aventure plus entrepreneuriale, elle prend en charge l’ouverture de Made, l’entreprise britannique de décoration d’intérieur, en France. "C’était très entrepreneurial car j’ai créé quelque chose seule, avec l’aide d’une stagiaire. J’ai touché à tout, c’était sportif mais l’idée c’était de montrer que nous étions en mesure de déployer un modèle anglais en Europe. Nous y sommes parvenus car, lorsque je suis partie cinq ans plus tard, l’équipe était composée d’une soixantaine de personnes et la France était deuxième sur le marché avec une introduction en bourse en juillet 2021.". En parallèle, elle partage son expérience en mentorant des femmes entrepreneures. "Lorsque j’ai quitté Made, pour rejoindre la direction générale de BforBank, banque en ligne du Crédit Agricole, j’avais pour objectif de conduire un ambitieux projet de transformation du modèle économique mais aussi organisationnelle. Le but : faire en sorte que BforBank ait un impact positif", raconte-t-elle. Mais cette expérience est de courte durée : "Malheureusement les choses n’avançaient pas aussi rapidement que je l’avais espéré. Je me suis alors beaucoup questionnée. Jusqu’où je devais être résiliente et à quel moment je devais devenir obstinée ?".
Être en avance sur l’innovation
C’est à ce moment-là qu’elle rejoint le fonds d’investissement français Serena. En septembre 2022, elle devient operating partner. "On libère le plein potentiel des entrepreneurs et de leurs équipes durant leur cycle de développement pour leur permettre de mettre en œuvre leurs projets.". En tant que partner : "j'interviens post-investissement. On aide les entrepreneurs à exécuter au mieux leurs plans en partageant notre expérience sur l’organisation, le business modèle, le product market fit ou encore le go to market tout en insistant sur la notion d’impact et de diversité", explique Jessica Ifker Delpirou. Cette dernière a trouvé son équilibre : celle que sa collaboratrice, Heba Hitti, décrirait comme : "enthousiaste, passionnée, à l’écoute et dans l’échange", réfléchissait déjà à atteindre ce type de rôle depuis 2014. "Mais ces rôles n’existaient pas encore, hormis chez Serena, qui est l'un des seuls fonds à s'être doté d'une équipe operating aussi large et senior.". Un rôle qui lui permet d’être en avance face aux innovations technologiques mais aussi sociétales. Ici, "on ne fait pas seulement de la performance mais aussi des choses qui ont des répercussions car on s’intéresse à tout ce qui va faire le monde de demain".
Il ne manquerait donc plus que la création de sa propre entreprise pour clore ce CV impressionnant. Mais elle assure ne pas être frustrée de ne pas avoir passé ce cap. "Ça me plait beaucoup d’être dans cet écosystème français qui évolue très vite.". Et d’ajouter : "A ma façon, j’ai vécu plusieurs expériences entrepreneuriales.".