"Bel Ventures n’est pas un fonds d’investissement. Nous n’avons pas opté pour un CVC [Corporate Venture Fund], car notre objectif est avant tout de trouver nos partenaires stratégiques de demain, pas de parier sur des startups", explique Caroline Sorlin, la Chief Venture Officer du groupe, qui a monté cette cellule début 2022. Elle précise néanmoins que : "cela ne veut pas dire que nous n'investissons pas : si un investissement peut servir le partenariat, nous le faisons. Mais ce n'est pas notre premier objectif.".

Ce modèle original a déjà permis au Groupe Bel de nouer des relations avec quatre startups : Perfect Day, Standing Ovation, Superbrewed et Climax Foods, qui opèrent toutes dans le domaine de l’alimentation. Mais Bel Ventures explore aussi d’autres terrains, tels que le packaging durable ou les dispositifs permettant de réduire les émissions de méthane dues à la fermentation entérique des vaches.

De Google et SpaceX à la réinvention du fromage…

Le dernier partenariat en date établi par Bel Ventures est un accord de R&D avec Climax Foods, une startup américaine créée par Oliver Zahn, un astrophysicien passé par Google et SpaceX. Celui-ci s’est fixé un but : utiliser les données et l’intelligence artificielle pour comprendre précisément, au niveau moléculaire, les caractéristiques des aliments d'origine animale, afin de les reproduire à partir de végétaux…

"En croisant les données sur les aliments d’origine animale d’une part, et de la richesse du monde végétal d’autre part, l'IA réduit considérablement le temps nécessaire pour créer les meilleures recettes 100 % végétales, lorsqu’il qu’il faudrait des milliards d'années pour créer les mêmes recettes en utilisant les procédés de R&D traditionnels", explique ainsi la startup dans sa présentation.

Le pitch est futuriste, mais cette vision se concrétise d’ores et déjà par la production d’un bleu “plant-based”, commercialisé dans les prochains mois aux Etats-Unis. "Nous l’avons fait goûter à l’aveugle à des chefs, qui n’ont vu aucune différence !", assure Caroline Sorlin. Un exploit, alors que les alternatives végétales au fromage n’arrivaient jusqu’à présent pas à reproduire à l’identique la saveur, la texture et/ou la qualité nutritionnelle de leurs modèles.

Nourrir 10 milliards d’êtres humains en 2050

Les ambitions de Climax Foods sont en parfaite adéquation avec les objectifs du Groupe Bel, qui entend équilibrer son portefeuille entre 50 % de produits laitiers et 50 % de produits végétaux (fruits et alternatives aux produits laitiers). "Nourrir 10 milliards d’êtres humains en 2050 tout en préservant notre planète ne sera pas possible avec les modes de production actuels : c'est la raison pour laquelle nous avons besoin de nouer des partenariats, pour trouver de nouvelles solutions", explique la Chief Venture Officer, qui souligne l’intérêt écologique des protéines végétales.

29 sites de production et une présence dans 120 pays

À la différence d’autres innovations de rupture dans l’agro-alimentaire - comme la fermentation de précision, explorée en parallèle par Bel dans le cadre de son partenariat avec la startup française Standing Ovation - les produits de Climax ne sont pas soumis à des autorisations spécifiques de mise sur le marché, ce qui accélère considérablement les choses.

Ensemble, les deux partenaires comptent ainsi co-créer de futures versions 100 % végétales de Vache qui rit, Kiri, Boursin, Babybel et Nurishh, avec l’objectif de commercialiser un premier produit d’ici la fin de l’année 2024, aux États-Unis et en Europe, sous la marque Mini Babybel.

"Si on veut que le végétal soit demain une vraie alternative pour réduire l’empreinte carbone de l’alimentation, il faut que ce soit à travers des produits grand public et abordables pour le grand nombre", estime Caroline Sorlin. Sur ce terrain, la puissance des marques du groupe Bel, ainsi que sa force de frappe industrielle (avec 29 sites de production) et commerciale (une présence dans 120 pays) pourraient faire la différence.