Entrepreneurs dans l’âme et amis dans la vie, Johann Lauthier et Jérôme Richard ont également en commun d’être allergiques au pollen. Soucieux d’anticiper la phase symptomatique de leur allergie, ils ont longtemps cherché des données pertinentes, avant de se résigner devant un constat : les rares informations qui circulaient manquaient de finesse.

"Nous avons cherché à comprendre le processus de production de cette donnée, sa temporalité, avant de prendre acte que la méthode utilisée était obsolète. L’information qui circule, résulte d’un travail prévisionnel basé sur des relevés de la semaine passée auxquels sont agrégées des données historiques des 15 ou 20 dernières années. En plus, l’information est partielle. On ne compte que 72 points d’observation en France, soit moins d’un point par département", explique Jérôme Richard cofondateur de Lify Air. Une ineptie à la lumière de l’impact sanitaire du risque pollinique.

Alors que la France comptait 7 % de personnes allergiques au pollen en 1970, elles représentent désormais 30 % de la population soit 20 millions d’individus et pas moins de sept millions de journées d’arrêt de travail sont enregistrées chaque année en raison de ces allergies. "Une étude récente évalue le coût par patient en Union européenne à 760 euros par an, multiplié par le nombre de personnes allergiques, le coût global se chiffre en milliard", assure Jérôme Richard.

Une évaluation et une diffusion en temps réel

En 2018, les deux orléanais décident de travailler à l’automatisation de ces mesures et fondent Lify Air. Accompagnés d’un chercheur du laboratoire de physique chimie de l’environnement et de l’espace (LPC2E) qui peaufine une technologie visant à détecter et caractériser des particules fines, ils analysent six premiers grains de pollen d’origines différentes et constatent qu’une fois éclairés à l’aide d’un laser, les pollens émettent des signatures optiques différentes. Ils compléteront par la suite leur échantillon d’une vingtaine d’autres semences mâles produites par les étamines des fleurs. "Après avoir parcouru la littérature scientifique, nous avons estimé que ce panel balayait la majorité des pollens allergènes qui prospère dans l'Hexagone et plus globalement partout dans le monde sous nos latitudes", explique Jérôme. La technologie fin prête, les entrepreneurs décident de la transformer en capteur.

Ils signent alors un contrat de collaboration avec le CNRS pour co-développer un capteur et produire de la donnée et travailler ensemble à son interprétation à l’aide d'algorithmes et d’intelligence artificielle. En 2020, le jardin de Jérôme servira de premier site d’expérimentation. À l’aide de la machine, les deux entrepreneurs peuvent désormais détecter, caractériser, compter les pollens, mais surtout travailler sur des niveaux de risque pollinique. "Chaque pollen devient problématique à partir d’un niveau X de concentration de grain par mètre cube d’air. Prenons le bouleau qui sévit ces temps-ci. Le risque est considéré comme “fort” lorsque la concentration se situe entre 100 et 500 grains par mètre cube.".

De manière à rendre accessible cette données au plus grand nombre, la startup Lify Air développe son application connectée, Live Pollen qui permet à ses utilisateurs de connaître en temps réel, le risque pollinique du territoire sur lequel ils se trouvent, si tant est que le territoire soit équipé de capteurs. "Live Pollen permet d’optimiser la prise de traitement en prenant des précautions juste avant la phase symptomatique. Ça évite la surconsommation d’antihistaminique et le développement d’une accoutumance", argumente Jérôme Richard.

Un financement participatif complète un premier tour de table

Cette semaine, Lify Air équipe la ville qui l’a vu naître : Orléans. Mais, au total, déjà plus de 40 territoires ont fait l’acquisition de capteurs pour améliorer le bien-être de leur population.

Après un premier financement sur la plateforme participative Sowefund en 2021 - qui aura permis l’industrialisation de leur solution -, la startup lauréate du prestigieux concours i-Lab 2021, renouvelle l’expérience et lance une seconde campagne à hauteur de 650.000 euros, en complément d’un premier tour de table qui aura permis aux deux entrepreneurs de sécuriser 200.000 euros.

"Malgré ses aspects techniques et scientifiques, notre solution s’adresse avant tout aux particuliers et nous imaginons qu’ils peuvent être sensibles à l’idée de participer à cette aventure. Le financement participatif crée du lien et il contribuera au développement d’un produit dont la traction commerciale est déjà bien réelle", se réjouit Jérôme Richard. Avec ces fonds, Lify Air entend implanter ses capteurs dans 400 territoires d’ici à 2026 et plus si affinités.