Outre des facteurs structurels liés au développement naturel de certaines sociétés qui changent de dirigeants en même temps que d’échelle (notamment après les levées de fonds record de 2021 et 2022) ou dont les fondateurs décident de laisser la main, quelques raisons conjoncturelles à ce phénomène peuvent être identifiées. La première concerne bien sûr l’environnement géopolitique et économique qui met les entreprises sous pression et les incite à pivoter. La seconde est quant à elle liée à la période post-Covid, qui est synonyme de reprise des projets de succession mis en stand-by pendant la pandémie.

Logiquement, le secteur de la Tech voit toutes ces causes amplifiées par les transformations rapides qui le caractérisent (notamment sous l’impulsion des fonds d’investissements), qui nécessitent des compétences nouvelles chez les CEO du secteur (durabilité, innovation, disruption, agilité, excellence opérationnelle…).
Malgré cela, beaucoup d’acteurs de la Tech sont aujourd’hui peu armés pour piloter ces successions. Un manque d’anticipation paradoxal dans un secteur pourtant habitué aux revirements parfois brutaux… et qui est loin d’être anodin pour la pérennité des acteurs en croissance.

L’importance des plans de succession dans la Tech

Dans la Tech peut-être encore plus qu’ailleurs, il est risqué de ne pas anticiper les successions. Alors que la rapidité d’exécution est souvent le premier critère différentiateur pour les scaleups, une nomination ratée peut stopper la croissance pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, avec des conséquences financières désastreuses à long terme.

Il est donc critique d’anticiper la mise en place de plans de succession solides, sur la base d’une méthodologie claire et d’une répartition des tâches réfléchie. À cet égard, la clé réside notamment dans l’implication du conseil d’administration pour identifier les candidats potentiels (en interne et en externe) et lancer des initiatives au service du développement des profils les plus prometteurs.

Dans ces conditions, l’entreprise peut ainsi se trouver en position de prendre la meilleure décision concernant son dirigeant, à l’heure où plusieurs options s’offrent aux acteurs du secteur.

Des choix stratégiques à opérer

Pour les entreprises de la Tech engagées dans le choix d’un nouveau dirigeant, différentes orientations sont envisageables en fonction des ambitions de développement et de la solidité de la croissance. Un premier point à acter est celui de l’expérience du profil à privilégier : l’entreprise a-t-elle besoin d’un dirigeant chevronné permettant d’apporter plus de stabilité ou a-t-elle au contraire besoin d’un primo-CEO, susceptible d’être plus créatif et innovant à son poste ? De même, se pose la question de savoir s’il est pertinent de recruter un profil financier ou commercial plutôt qu’un profil technique aux compétences spécifiques, tous deux pouvant apporter une valeur ajoutée non négligeable à l’entreprise. Pour finir, reste à définir si le profil en question doit être issu d’un grand groupe Tech, rodé aux process malgré une fibre entrepreneuriale, ou venir d’une scaleup, afin d’être plus à même d’interagir avec un fonds d’investissement.

Ces différentes variables doivent être tranchées objectivement, sur la base des ressources disponibles dans l’entreprise pour apporter des expertises complémentaires à celle du CEO choisi. Par exemple, le choix d’un primo CEO nécessite d’avoir en interne une personne d’expérience susceptible d’épauler le profil pendant sa prise de poste.

Toujours est-il que le vivier de talents de dirigeants Tech en France reste encore assez limité. Réussir son recrutement implique parfois de s’ouvrir à l’international, en s’adressant à des profils français vivant à l’étranger ou à des internationaux. Cette contrainte encourage également à faire preuve de créativité : le profil du " candidat idéal " relève parfois de deux personnes se partageant le pouvoir au sommet de l’organisation. L’ADN de la Tech étant précisément celui de l’agilité et de la plasticité, pourquoi ne pas en profiter pour tester des modèles de gouvernance innovants ?