Vingt et une legaltechs et directions juridiques se sont réunies officieusement le 30 mai dernier dans les bureaux du cabinet d’avocats Allen & Overy autour du projet One Clause. Leur volonté ? Etablir de meilleures pratiques contractuelles entre les entreprises et les startups du droit : " L’innovation juridique n’est pas seulement technologique. En favorisant l’innovation des legaltechs, nous renforçons la compétitivité des entreprises. C’est une véritable opportunité de créer un environnement fluide pour des clauses harmonisées ", explique Emilie Calame, CEO de Calame, à l’origine de cette initiative soutenue par l’Association française des juristes d’entreprise et le Cercle Montesquieu.

Puisqu’il faut bien commencer quelque part, le kick off de One Clause porte sur la création d’une clause standard de portabilité des données. Cette dernière permet une reprise de possession des données après l’externalisation de la fonction et la poursuite de services par l’entreprise elle-même ou par un nouveau prestataire, sans discontinuité ni perte d’information.

Pour l’entreprise client, l’enjeu est d’éviter de se retrouver en situation de dépendance et de reprendre la main sur ses données. Pour le prestataire, la mise en œuvre de cette clause est obligatoire depuis l’entrée en vigueur du règlement européen de protection des données personnelles il y a cinq ans. S’il n’informe pas suffisamment l’entreprise des conséquences techniques de cette portabilité, le prestataire peut être condamné à lui rembourser les coûts engendrés par un re-paramétrage des données.

Le périmètre en question

Pourtant, cette clause diffère d’un contrat à l’autre, d’une legaltech à l’autre, entraînant un risque économique pour les entreprises. " La pratique habituelle est de poser un socle de principes dans la clause et les éléments techniques dans des annexes ", explique Laurie-Anne Ancenys, avocate counsel en charge de l’activité tech et data au sein du cabinet Allen & Overy. Son périmètre n’est pas toujours bien établi. C’est ce premier point que la clause standard va devoir fixer. " En plus des données des contrats, est-ce que cette clause concerne la réversibilité des algorithmes utilisés pour pérenniser les contrats ? ", interroge Thomas de Saint Aubin, fondateur de la legaltech Seraphin Legal. La portabilité de ces algorithmes soulève la question de leur propriété intellectuelle sauf en cas d’approches non code qui serait alors normal de rendre à l’entreprise cliente. Autant dire que le débat est complexe. " Attention, il y a aussi besoin de souplesse dans un cadre strict ", prévient une directrice juridique de la filiale d’un groupe du Cac40.

La difficulté du format

Côté entreprise, l’inquiétude principale concerne la mise en œuvre de la clause de réversibilité. Ne sont pas rares les petites et moyennes organisations préférant repartir de zéro lorsqu’elles changent de prestataire informatique car le format de leurs données fourni n’était pas exploitable. " L’absence de collaboration entre les deux prestataires a un impact sur la format de la donnée. Le client n’a pas toujours de quoi les réceptionner correctement ", rappelle Hélène Guillot, VP legal affairs excellence & operations chez Ipsen.

Même si le format CSV, libre et sans licence, est le plus couramment utilisé, le prestataire n’est en rien obligé légalement à rendre les données exploitables par un autre. La clause standard imaginée par le projet One Clause changera peut-être la donne. Réponse dans six mois lors de la deuxième session de travail.