Après la vidéo à la demande, la livraison à la demande, c'est assez logiquement que le salaire à la demande se déploie : "Il faut rappeler une grande différence, quand on parle de salaire à la demande, nous parlons d'un acompte sur salaire, pas d'une avance", précise Arbia Smiti, la fondatrice de Rosaly. Il s'agit donc d'un versement anticipé d'un salaire déjà gagné, par exemple la moitié de son salaire le 14 du mois. Yann Le Floc'h, cofondateur de Stairwage, parle de soulager la pression financière que peuvent rencontrer les salaries, et de métamorphoser les systèmes de rémunérations "qui n'ont pas évolué depuis les années soixante-dix".

Un point sur la conjoncture

"60 % des Français ont déjà été à découvert… très souvent (47 %) à cause d’un retard de paiement de salaire", d'après une étude OpinionWay, réalisée pour Rosaly, publiée en décembre 2022. C'est notamment pour cela qu'Arbia Smiti a lancé Rosaly, "chaque année, 7 milliards d’agios sont versés par les Français à leurs banquiers pour des découverts bancaires, alors qu'il y a des solutions". D'ailleurs, "49 % des salariés français aimeraient recevoir leur salaire “à la demande”". Ils pensent aussi que les entreprises devraient être obligées de proposer la possibilité de recevoir leur salaire à la demande (53 % d'entre eux). C'est d'ailleurs une obligation légale en France, d'après l'article L3242-1 du Code du travail (lorsqu'il s'agit d'une première demande sur le mois). Mais les freins perdurent : les entreprises ne communiquent pas. Et le tabou de l'argent persiste, et bride les salaires sur les demandes d'acompte.

La qualité de vie au travail ne se passe plus autour d'un babyfoot

Lorsqu'on demande à Yann Le Floc'h le cofondateur de StairWage si ses activités sont boostées par l'inflation actuelle, il confirme : "l'inflation touche l'alimentaire, tout le monde ne peut pas amortir ses dépenses de première nécessité". Mais pour lui, le sujet soulève une prise de conscience autour de la qualité de vie au travail. "Mon sentiment est que pendant des années, en tout cas jusqu’à l'avant Covid, on parlait de la qualité de vie au travail, tout le monde se disait qu'avoir un babyfoot ou une table de ping-pong c'était super, et le graal c'était de pouvoir porter des baskets blanches le vendredi.". Mais pour lui, il y a eu une prise de conscience : "Beaucoup d'entreprises se sont rendu compte que le bien-être financier vient en premier, sur le haut de la pile.". Le fondateur de Stairwage parle d'un "QVT washing", avec un nouveau mode de versement du salaire qui deviendra la norme, "ce n'est d'ailleurs pas un mouvement franco-français, c'est un mouvement mondial".

Contrer les freins : trésorerie et pédagogie

Yann Le Floc'h parle de la méconnaissance de la part des salariés. "52 % des Français n'ont jamais entendu parler de l'acompte sur salaire, alors que c'est un système légal, inscrit dans le code du travail.". Les questions financières et de fonds de roulement des entreprises viennent rendre difficile la mise en place du salaire à la demande. Que ce soit Rosaly ou StairWage, ces startups font l'avance des acomptes pour le compte des entreprises. Arbia Smiti explique : "on s'attaque à un fondamental qui est que le salarié fait presque un crédit à taux gratuit pendant trente jours pour la trésorerie a l'entreprise.". C'est en offrant la possibilité aux entreprises de ne pas impacter leurs trésoreries que le système de l'acompte a la demande prend de l'ampleur.

Mais aussi en automatisant les process : "L'entreprise peut aussi avoir peur de l'administratif, avec des validations au cas par cas, par écrit. On transforme le process pour que la situation devienne gagnant-gagnant", précise Arbia Smiti. Yann Le Floc'h souligne que l'utilisation de ces systèmes permet aussi une expérience utilisateur adéquate : "Grâce à ça, on peut proposer l'instant payment, on doit répondre dans l'urgence, a un besoin urgent du salarié", explique Yann Le Flo'ch.

Les deux experts s'accordent sur un point : la pédagogie. Leurs services sont toujours accompagnés d'éducation financière auprès des salariés, pour leur permettre d'avoir une santé financière plus sereine et de savoir autogérer leurs salaires.