Julien Codorniou a un seul regret : "avoir mis beaucoup de temps à faire ce que je voulais de ma vie". Pourtant, lui qui rêvait depuis qu’il était “gamin” d’intégrer Microsoft, obsédé alors par le monde de l’industrie du logiciel, est parvenu à réaliser son objectif en 2005, alors âgé de 25 ans. "Il m’a fallu dix ans pour y arriver tandis que certains, à 19 ans, font déjà leur métier de rêve, sans même avoir fait d’études.".

Il n’a pourtant jamais abandonné son objectif, bravant toutes les difficultés pour accéder à “la machine Microsoft”. Pourtant, à l’époque, "cela faisait rire les gens parce que Windows ne fonctionnait plus très bien mais moi je savais que c’était le meilleur endroit au monde pour moi". Pour y parvenir, il rédige un an plus tôt un livre sur Kelkoo, "la première grosse acquisition française dans l’internet". Ils ont réussi leur startup! co-écrit avec Cyrille de Lasteyrie, lui permet d’accumuler les rencontres.

Il passe un an à écouter les histoires de Pierre Chappaz, alors président de Yahoo, et à rédiger un ouvrage dont on lui parle encore aujourd’hui, presque 20 ans plus tard. "Ce livre, c’est ma fierté. Je l’ai écrit à 24-25 ans sans être ni journaliste, ni écrivain", rappelle-t-il.

“Faire une différence”

Chez Microsoft, "je n’ai pas été déçu. Je n’ai rencontré que des passionnés, il n’y avait aucun frein, aucune limite.". Il devient Business development manager puis est envoyé à Seattle pour développer le programme BizSpark au niveau mondial. "J’ai eu la chance d’être entouré de personnes qui m’ont donné des opportunités, qui se disaient “toi le petit français, tu fais quelque chose qui marche donc maintenant fais la même chose partout”.".

Il prend alors le rôle de Director of Business Development and Partnerships et vit son rêve d’adolescent durant cinq ans avant de préférer Facebook à Microsoft. "J’étais le plus heureux chez Microsoft mais je voyais mes mentors partir chez Facebook du jour au lendemain. Je me suis dit “si eux, qui connaissent le marché, partent, c’est qu’il y a quelque chose à vivre”.". Après avoir "énormément appris chez Microsoft" le trentenaire veut intégrer une équipe plus petite afin de “faire une différence”. Facebook lui permet alors de vivre "une aventure de super croissance dans un écosystème où on doit toucher à tout et être à fond 24h sur 24, au milieu d’un joyeux bordel.".

Le réseau social de Mark Zuckerberg prend de l'ampleur. Julien Codorniou le rejoint en 2011 comme Director Global Platform Partnerships et est chargé de construire le groupe de développeurs et de partenaires de Facebook au niveau mondial. En parallèle, il réalise sa deuxième fierté : entrer au conseil de surveillance du Monde. "J’ai passé mon enfance à acheter ce journal avec mon père. Ce n’est que lorsque j’ai intégré le média que mon père a réalisé que j’étais sérieux et pas juste un geek", ironise-t-il.

Julien Codorniou en a conscience : "La chance que j’ai eue dans ma carrière, c’est d’avoir pu m’entourer de manager ou de personnes qui m’ont toujours donné des opportunités, qui ont senti mon potentiel ou écouté mes idées folles…". Il pense ainsi notamment à Marc Jalabert (Microsoft), Xavier Niel (Le Monde) ou encore Dan Rose, Sean Ryan, Carolyn Everson, Sheryl Sandberg, Deb Liu et Nicola Mendelsohn (Facebook). "Ils m’ont inspiré ou donné des coups de pouce.".

Un rôle de “cheerleader”

En 2016, il est nommé vice-président de Workplace from Facebook et chargé de commercialiser le produit alors utilisé uniquement en interne. Un coup de maître ! Pour autant, en 2021, il décide de quitter le réseau social : "Cela faisait 11 ans et je ne voulais pas devenir ce gars qui est là depuis longtemps mais dont personne ne sait ce qu’il fait.".

Manager, il était pourtant "fait pour ça : construire une équipe, une culture, embaucher des personnes à l’international. Grandir, performer…". Mais poussé par son ancienne expérience de business angel lorsqu’il était chez Facebook, Julien Codorniou décide d’apprendre un nouveau métier auprès de personnes qu’il connaît très bien. Il passe alors d’opérateur à investisseur en intégrant Felix Capital sans pour autant s’éloigner de son rôle de “cheerleader de l’équipe”. "Moi qui avais le réflexe de tout faire moi-même et de régler chaque problème, désormais je dois trouver des porteurs de projets et les accompagner dans leur développement.".

Pour choisir les startups, il use de la même méthode que lorsqu’il était business angel : miser avant tout sur les personnes qui forment l’équipe. "Des gens que je connais, que j’ai observés, dont j’admire le travail…".

Chez Felix il faut bien sûr analyser la taille du marché, la possibilité de scaler "mais sur les 50 boites, un peu partout dans le monde, auxquelles j’ai modestement participé, mes meilleurs deal ont toujours eu lieu en deux secondes sans avoir eu besoin de réfléchir au marché.". Au sein de Felix Capital, il exerce cette nouvelle fonction comme il l’a toujours fait : avec énergie. "Je n’ai jamais rien fait sans passion.".

Opérateur, investisseur… Entrepreneur ? "Je ne pense pas. Je ne sais pas si j’aurai justement l’énergie de fonder quelque chose tout seul. D’autant que j’aime ce côté papillon : être exposé à plein de sociétés et d’entrepreneurs différents.".