L’optimisme est souvent un trait de caractère fondamental chez un entrepreneur. Pourtant, il peut devenir contre-productif, voire mener certaines sociétés à leur perte.

Depuis 2022 se profile un retournement économique de fond qui reste trop sous-estimé. Or nombreux sont les membres de l’écosystème qui n’ont jamais connu la crise. Qu’ils s’agissent d’entrepreneurs, de directeurs financiers, d’investisseurs ou encore de conseils, ils restent souvent figés sur leur expérience de difficultés surmontées dans le passé sans voir que la donne économique est en train de changer radicalement.

Les "bridges" n'offrent une respiration que de quelques mois

Les startups, quelle que soit leur industrie, ne survivent que grâce aux levées de fonds. Mais celles-ci se faisant de plus en plus rares, il est nécessaire d’anticiper un retard, voire une absence de levée de fonds. Par ailleurs, compte tenu des levées de fonds passées, la consommation de trésorerie mensuelle est généralement très élevée (en tout cas plus élevée que dans le passé) ce qui induit un besoin de financement supérieur.

Même pour les startups qui perçoivent le danger, les mesures prises sont souvent trop limitées et leur mise en œuvre trop lente. Trop souvent, les hypothèses fondamentales du business plan ne sont pas remises en cause et celles révisées se veulent très optimistes ("le revenu se maintiendra ainsi que les coûts", "les banquiers apporteront de nouveaux financements", "les fournisseurs paieront"…). Avec ce raisonnement, les financements mis en place par les investisseurs existants sont de simples "bridges" visant à pallier un trou de trésorerie. Ils offrent une respiration de seulement quelques mois qui s’avère souvent insuffisante.

En revanche, la mise en place de mesures drastiques de réduction de coûts est rare alors qu’elles seules permettent souvent de pérenniser la société en lui offrant un horizon de trésorerie plus étendu. Ce sont aussi ces mesures qui améliorent l’attractivité pour de nouveaux investisseurs ou des acquéreurs, et ainsi optimisent les chances de la société à long terme.

Prévenir les difficultés pour maintenir l'attractivité de l'écosystème

De la même façon, la mise en place de mesures de prévention des difficultés par le biais de la désignation d’un conciliateur ou d’un mandataire ad hoc est souvent trop tardive. Or, mises en œuvre à temps, elles permettent d’obtenir un gel des échéances bancaires, d’envisager une renégociation des termes des prêts, d’accélérer le paiement du crédit d'impôt recherche (CIR) ou encore de négocier des moratoires sur certaines dettes sociales. Ici, outre l’optimisme de l’écosystème, c’est souvent sa méconnaissance de ces procédures et de leurs délais qui pêchent.

Dans ces nouveaux équilibres, les grands perdants sont souvent bien plus les entrepreneurs et le management que les investisseurs. Ces financements dans l’urgence (voire les couches successives de "bridges"), sont de plus en plus chers et sécurisés (il n’est pas rare de prévoir une séniorité dans les clauses de liquidation préférentielles avec un multiple supérieur à 1x). Dans ce cas, la participation des fondateurs, comme les titres d’intéressement du management, perdent structurellement de la valeur, voire ne valent plus grand chose.

Dans l’urgence, il est généralement impossible de négocier un partage de valeur ou de nouveau pool d’intéressement. Cependant, il sera rapidement nécessaire de prendre des mesures, car à défaut l’écosystème perdra de son attractivité pour les talents !