Il est devenu un acteur incontournable du commerce moderne. Avec un chiffre d'affaires en France de 146,9 milliards d'euros en 2022, en hausse de 13,8 % sur un an, l'e-commerce répond indéniablement à de nombreuses attentes des consommateurs. Ils sont notamment 92 % à considérer que l’achat en ligne leur fait gagner du temps. Sans compter l’importance, par les temps d’inflation qui courent, de pouvoir comparer facilement les prix.

Cependant, ce fort dynamisme s’accompagne d’une image qui peut être très négative d’un point de vue social et environnemental, avec certaines pratiques peu éthiques, pouvant provoquer de réelles catastrophes environnementales et sociales : le retour gratuit des colis, le suremballage, la livraison express, les conditions de travail, l’artificialisation des sols… L'e-commerce est-il fondamentalement mauvais ? Pire que le commerce physique ?

Selon une étude de la Fevad, le commerce en ligne génère en moyenne 400 g de CO2 par produit vendu, quand le commerce physique atteint 600 g par produit. Il est vrai que la mutualisation des livraisons en ligne, à l’inverse de l’usage fréquent de la voiture individuelle pour aller en magasin, a un impact important, tout comme le fait que les entrepôts sont évidemment moins chauffés ou climatisés que des boutiques.

L'e-commerce ne représenterait aussi que 0,5 % du trafic routier dans des zones comme Paris, Berlin ou Londres. Notons également que 58 % des e-commerçants sont implantés dans des petites et moyennes communes, la vente en ligne étant souvent perçue comme une activité complémentaire, bien éloignée de l’image des entrepôts déshumanisés.

Le commerce en ligne face à l'urgence de limiter son impact carbone

Toutefois, il est certain que le commerce en ligne contribue à l'artificialisation des sols, laquelle participe activement à détruire la biodiversité, sachant que les entrepôts représentent en moyenne 12 % du foncier économique en France. Ajoutons que la vente en ligne favorise le commerce international et l’achat de produits provenant de zones plus éloignées qu’en commerce physique. Une enquête de Franceinfo menée en 2020 avait par exemple mis en lumière qu’à peine 7,6 % des produits les plus vendus par Amazon France avaient une production située en France. Or, la provenance du produit est peu prise en compte dans le cadre d'un achat sur internet, car il n’y a malheureusement aucune obligation légale à l’afficher pour les sites marchands.

Finalement, l'e-commerce n’est-il pas, comme n’importe quel secteur économique, ni bon ni mauvais par essence, mais avec la responsabilité, face à l’urgence sociale et climatique, de s’engager à plus limiter son impact carbone et agir pour davantage d’inclusion ? Et cette responsabilité n’est-elle pas d’autant plus importante qu’il s’agit d’un secteur en plein essor, qui se doit donc d'être exemplaire et précurseur au vu de sa croissance et de son impact potentiel ?

Une chose est sûre : les acheteurs attendent aussi plus d’engagement en ligne. Toujours selon la Fevad, 45 % des consommateurs ont déjà acheté un produit issu de l'économie circulaire en ligne. Et  70 % des cyberacheteurs ont tendance à privilégier les sites éco-responsables pour leurs achats en ligne. La consom’action existe bel et bien en ligne où elle ne fera que prendre de l’ampleur. Les e-commerçants devront répondre à ces attentes, avec un cadre réglementaire qui se doit d’être aussi beaucoup plus contraignant. 

Vers une approche éthique beaucoup plus structurante 

Ces attentes sont-elles compatibles avec certaines pratiques largement répandues dans l'e-commerce ? On ne pourra sûrement pas respecter les limites planétaires et la biodiversité, en continuant à livrer le plus rapidement et le plus loin possible, sans réutilisation des emballages, avec des invendus et des retours clients qui ne trouvent pas de deuxième vie alors qu’ils pourraient être facilement donnés à des associations.

On ne pourra certainement pas contribuer à une société plus solidaire, en restant entre diplômés de grandes écoles, avec à peine 17 % de femmes dans les métiers de la tech, et sans respect des travailleurs tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

On ne pourra certainement pas construire une économie du bien commun sans transparence, partage de la valeur et du pouvoir, et sans pédagogie envers le consommateur pour le sensibiliser à l'impact environnemental et social de ses achats.

Car, pour l'e-commerce, comme pour tout secteur économique, porter une dimension solidaire dans son activité implique d’adopter une approche éthique beaucoup plus structurante, touchant aussi bien à la gouvernance, la transparence, le partage, et la responsabilité sociétale, qui dépasse la simple modification de quelques pratiques commerciales.