La (sur)vie d’une biotech dépend de trois facteurs principaux : 1/ sa force scientifique et technologique, 2/ sa capacité à financer ses phases de recherche et développement et 3/ son habileté à nouer des partenariats stratégiques avec des acteurs qui, très souvent, ont un pouvoir financier et de négociation supérieurs.

C’est un modèle simple, basé sur l’ambition de développer une solution thérapeutique qui viendrait transcender l’univers médical connu grâce à la découverte d’une molécule ayant le potentiel de soigner des maladies non, peu ou mal traitées. Les phases de R&D nécessitent des financements importants qui s’étalent au moins sur une dizaine d’années. Cependant, dans l’environnement financier actuel, peu d’investisseurs sont prêts à prendre ce risque financier et technologique. Une biotech est une société en CDD : son activité peut s’arrêter par manque de moyens financiers et/ou par un échec technologique, en particulier lors des phases cliniques.

Le secteur confronté à un phénomène de désinvestissement généralisé 

Néanmoins, depuis une vingtaine d’année, nous observons la structuration d’un véritable secteur – nous sommes passés de 3 biotechs cotées en 2006 à quasiment 70 aujourd’hui. Nous avons également vu émerger une logique de partenariat qui prévaut au sein des géants pharmaceutiques. Ces derniers sous-traitent le travail de recherche et d’innovation, laissant quelques acteurs porter les risques financiers et technologiques avant de s’en rapprocher quand les premiers essais cliniques se montrent concluants en termes d’efficacité et de sécurité. Le pipeline de candidats médicaments en développement, sourcés au sein d’une recherche académique fourmillante d’idées, n’a jamais été aussi riche.

Depuis deux ans, nous assistons cependant à un phénomène de désinvestissement généralisé au sein du secteur. Nonobstant son caractère "conjoncturel", drainé par la guerre en Ukraine et l’inflation, il pose de sérieuses problématiques pour des sociétés qui consomment des liquidités en continu sans (pour la grande majorité) générer de revenus. Dans un contexte économique et financier incertain, les investisseurs tendent à privilégier la sécurité – l’aversion au risque devient une doctrine. Cela engendre l’affaiblissement des acteurs et la disparition des technologies et candidats médicaments qu’ils développent.

L’État doit pouvoir s’appuyer sur les biotechs pour répondre aux enjeux de santé publique

Dans la santé, comme dans d’autres secteurs industriels, l’État s’appuie sur ses champions nationaux, en l’occurrence des laboratoires pharmaceutiques, pour l’accompagner dans ses missions de santé publique. La pandémie de Covid-19 a montré les limites de cette approche traditionnelle, colbertiste.

L’agilité et la capacité d’innovation des biotechs américaines ou allemandes ont permis, avec un appui étatique massif (plusieurs centaines de millions de dollars ou d’euros), d’accélérer la résolution de la crise en développant une nouvelle forme de vaccin en un temps record. Les laboratoires pharmaceutiques sont arrivés plus tard et/ou avec des vaccins moins efficaces. La dizaine de biotechs françaises qui s’est mobilisée pour développer un vaccin ou un traitement, plus petites et largement moins capitalisées, ont pour la plupart échoué.

Innovation Santé 2030, un plan essentiel pour renforcer l'écosystème biotech

Le programme Innovation Santé 2030 a été mis en place en tirant les leçons de cette crise, avec pour objectif le renforcement de l’écosystème biotech en France. Des appels d’offre ont été ouverts pour développer des technologies innovantes permettant de mieux prendre en charge le risque de maladies infectieuses, tout en renforçant les capacités de production des biomédicaments. En parallèle, un plan de relocalisation a été mis en place pour assurer la souveraineté sanitaire pour des médicaments essentiels comme le paracétamol.

Le déploiement de ce plan est essentiel – il devrait inclure dans son périmètre (afin de compléter l’arsenal thérapeutique national) les quelques biotechs qui ont toujours des programmes de recherche et développement de vaccins ou traitements contre le Covid-19, et plus largement les maladies virales respiratoires. Celles-ci sont responsables chaque année de centaines de milliers d’hospitalisations et de dizaines de milliers de décès, en particulier chez les seniors, et portent en elles le risque d’émergence de nouvelles pandémies.

Le principal enjeu de santé publique en France et dans les pays développés demeure par ailleurs le vieillissement de la population : la plupart des maladies liées à l’âge ne sont pas traitées efficacement et sont à l’origine de l’explosion des dépenses de santé et des besoins d’accueils des personnes atteintes.

La recherche et l’innovation des biotechs devraient être priorisés dans ce plan si l’on veut que la France puisse, comme le propose le président Macron, "prendre son risque pour innover, inventer, fabriquer et vendre au monde entier les produits et les solutions de santé de demain".