Après Christel Heydemann chez Orange, et Sabrina Soussan à la tête de Suez, une nouvelle dirigeante entre sur le devant de la scène : Agathe Monpays à la tête de Leroy Merlin. Si on peut se réjouir de cette dynamique à l'œuvre, le constat lorsqu’il s’agit des entreprises françaises est bien moins réjouissant. La transformation reste timide de façon globale.

Au mois de mars, l’école de commerce Skema a publié une étude sur la féminisation des entreprises du CAC 40, qui révèle l'étendue de la tâche à accomplir. On y apprend que seuls 3,75 % des postes de président ou de directeur général sont occupés par des femmes et que seules 12 entreprises atteignent les objectifs fixés par la loi Rixain exigeant au moins 30 % de femmes au comité exécutif.

Les entreprises du CAC 40 agissent mais le chemin reste long pour entrer en conformité avec les lois Rixain et Copé-Zimmermann qui fixent des quotas de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des instances dirigeantes. Certaines profitent de l’expatriation de leur siège social pour se soustraire à ces obligations de parité. Pour d’autres, le constat est encore plus amer. L’augmentation de la part des femmes dans les instances de direction est seulement le résultat d’une augmentation du nombre de chaises autour de la table pour qu’aucun homme ne soit remplacé. Ces deux tendances traduisent un véritable évitement du problème, alors que ces interrogations se font de plus en plus pressantes.

Mettre fin à la stratégie d’évitement des grands groupes

Le constat de cette étude n’est pas seulement que nos élites dirigeantes semblent opter pour une stratégie d’évitement face au sujet de l’égalité professionnelle, elle révèle que leurs actions nous privent d’une opportunité pour notre économie et pour le tissu entrepreneurial qui la compose. En ne prenant pas au sérieux l’importance de la mixité et de l'inclusion, les leaders économiques ignorent tout le potentiel de l’intelligence collective et de la richesse de la diversité des points de vue dans l’apport de solutions concrètes et efficaces.

La preuve en est : la rentabilité des dix entreprises les plus féminisées, celles qui respectent les quotas, est 67 % supérieure à celle des dix entreprises dont le Comex est le moins féminisé. En plus de l’aspect économique, on constate une corrélation positive entre le nombre de femmes dirigeantes et des engagements forts et fiables en matière de RSE. Quelle entreprise peut se passer d’une telle performance et de ces actions essentielles à un avenir durable ?

Dès lors, il devient urgent de sensibiliser cadres-dirigeants, présidents et directeurs pour balayer les stéréotypes sur lesquels s’arc-boutent le plafond de verre. C’est en faisant la promotion des dirigeantes que les systèmes de représentation évolueront et qu’elles seront enfin considérées comme des modèles pour celles et ceux qui aspirent à une telle évolution.

Des formations pour aller au-delà des discours inclusifs 

Cependant, cette transformation nécessite des mesures concrètes car les discours inclusifs restent trop souvent sans volonté réelle et donc sans moyens financiers de mise en œuvre. La meilleure solution reste celle de l’accompagnement des femmes et des hommes au cours de leurs carrières en y intégrant les biais et les stéréotypes de notre société.

Concrètement, cela se manifeste par des formations sur mesure sur la posture, des ateliers pour travailler concrètement ses ambitions et défaire le syndrome de l’imposteur et le partage de l’intelligence collective, des regards croisés, où chacun pourra servir les ambitions des unes et des autres. Les professionnels du secteur de la formation s'organisent déjà pour relever ces défis.

Paul Valéry disait : «Mettons en commun ce que nous avons de meilleur et enrichissons-nous de nos mutuelles différences.» Appliquons cela comme un mantra pour profiter pleinement de cette richesse. En faisant cela, dans le microcosme des élites économiques, il sera plus facile d’enraciner l’idée qu’une dirigeante n’est pas louable en tant que telle mais qu’elle doit être considérée avant tout comme une dirigeante à part entière et comme les autres.