Activité des urgences en hausse exponentielle, désaffection pour les métiers paramédicaux, déprogrammation de certains actes, sinistralité de l’exercice du fait du nombre insuffisant de soignants… On ne compte plus les signaux d’alerte sur l’état de l’hôpital public, auxquels s’ajoutent cet été les effets de la canicule et les craintes suscitées par le nouveau variant Eris du Covid.

Sous couvert d’accroître l’efficacité du travail, mais en réalité animées par des convictions purement budgétaires, les réformes successives de l’hôpital ont engendré une gouvernance sur le modèle de l’entreprise et une surcharge administrative qui les détourne de leur cœur de métier. Toutes ont conduit à une dégradation de la qualité des soins et au désarroi croissant des soignants. Impuissants, nous assistons à l’hémorragie continue du personnel hospitalier, et à l’incapacité des établissements de santé à répondre aux besoins des usagers.

Face à ce tableau sombre, on est en droit de s’interroger sur les acquis du Ségur de la santé. Trois ans après, la désaffection est plus que jamais d’actualité, la situation s’est encore dégradée et les conditions de travail « n’ont pas assez changé », selon les mots du chef de l’Etat lui-même, qui a promis une mobilisation totale pour simplifier la vie des soignants.

Les chiffres sont éloquents : la quasi-totalité des hôpitaux publics connaissent des difficultés de recrutement d’infirmiers et d’aides-soignants, comme le souligne une enquête de la Fédération hospitalière de France (FHF) publiée en 2022, qui relève aussi que l'absentéisme peut atteindre 16%. En mars 2022, un rapport du Sénat enfonçait le clou, qualifiant le Ségur de « palliatif conséquent et tardif qui aura généré déceptions et frustrations », évoquant un « saupoudrage des mesures » et « leur extension sans réflexion d’ensemble et par à-coups », à l’origine d’une « amertume qui ne tarit pas ».

Certes, la pandémie de Covid a agi comme un accélérateur de la numérisation des hôpitaux. Certes, la crise sanitaire a démocratisé la télémédecine et incité les établissements à mettre en place des solutions comme la traçabilité dans le dossier patient ou le parcours de soin assisté. En bouleversant les pratiques, cette crise a aussi profité aux développeurs de solutions numériques. Et pourtant… Malgré l’enveloppe de 1,4 milliard d'euros annoncée en faveur du rattrapage du retard numérique dans le secteur sanitaire lors du Ségur de la santé, les progrès demeurent insuffisants.

Afin de limiter la saturation des services d’urgence, d’alléger la charge administrative et de garantir la continuité des soins, il faudrait développer la téléconsultation et les prises de rendez-vous médicaux en ligne, comme pour la médecine libérale. Des expérimentations pourraient ainsi être menées au sein d’établissements de santé, à l’image de l'hôpital européen de Marseille, qui a pu diminuer de 25 % le temps de prise en charge des patients aux urgences grâce à la reconnaissance vocale qui permet d’absorber les pics d’activité.

La numérisation du secteur de la santé a aussi le mérite de réduire les erreurs médicales, dues le plus souvent à une surcharge de travail, dont le coût annuel est estimé à 350 millions d'euros. Cette surcharge de travail et le stress induit sont corrélés à un taux d’absentéisme trop élevé, comme l’a souligné la FHF dans son enquête.

La gestion des ressources humaines gagnerait aussi à être fluidifiée. La digitaliser, c’est assurer un cercle vertueux gain de temps – meilleures conditions de travail – continuité des soins, comme le souligne une récente étude menée par Hublo, outil de gestion RH, mettant en lumière l’impact organisationnel et économique de cette démarche. Plus de remplacements assurés, c'est moins de lits fermés.

Au final, digitaliser l’hôpital, c’est offrir du temps aux équipes médicales et paramédicales pour qu'elles puissent se recentrer sur leur cœur de métier.

Le 8 juin dernier, François Braun a été interpellé sur l’accroissement du temps administratif au détriment de la délivrance des soins. Alors que la nouvelle feuille de route du numérique en santé, publiée mi-mai, ambitionne de « faciliter le travail des professionnels de santé, améliorer leurs conditions d’exercice et leur faire gagner du précieux temps soignant », quelles mesures le nouveau ministre de la Santé et de la Prévention, Aurélien Rousseau, entend-il prendre pour aller plus loin dans la digitalisation des hôpitaux et soulager les tensions organisationnelles ?

Il y a urgence, car le déploiement et l’utilisation des outils numériques s’imposent pour gagner en efficacité.