Agile et résiliente, l’industrie textile française représente aujourd’hui 2,7% du PIB. Elle a toutes les cartes en main pour s’imposer et faire naître de nouveaux fleurons. A condition de s’adapter et d’être repensée. 

Bpifrance présente à nouveau le programme Demain, accompagné du dirigeant de Lemaitre Demeestere, pour partager leurs perspectives. 

Les enjeux de l’industrie textile 

Méconnu, le textile n’est pas une finalité, mais un composant. Les utilisations les plus évidentes sont l’habillement et le textile d’ameublement, qui représentent respectivement 40% et 20% du marché textile, mais on oublie souvent le textile technique qui représente tout de même 40% du secteur et qu’on retrouve par exemple dans l’automobile, l’aéronautique, l’agriculture, l’énergie ou même la santé. 

Le travail de transformation des fibres, qu’elles soient naturelles, synthétiques ou artificielles, permet en effet de préserver et développer des qualités intrinsèques qui auront des applications infinies. “Le textile est pluriel, parce qu’il est partout, mais invisible. On le retrouve jusque dans les cartes électroniques”, partage Olivier Ducatillon, président de l’Union des Industries Textiles et dirigeant de Lemaitre Demeestere, l’une des plus anciennes entreprises textiles de France. 

Aujourd’hui, le textile utilisé en France est importé à 97%. Un véritable enjeu de souveraineté se pose donc.

“Le textile fait partie de notre vie quotidienne et il est au cœur de la souveraineté industrielle”, indique Olivier Ducatillon.

“L’avenir de l’industrie textile va bien au-delà du slip made in France. Le textile touche tous les secteurs industriels. Si on défend la santé, l’automobile et l’aéronautique, mais qu’on ne protège pas le textile, on ne peut pas tenir de discours sur la souveraineté nationale”, souligne Sarah Tholognat, Déléguée Financement Paris chez Bpifrance.

Un manque d’attractivité 

Aujourd’hui, 80% du textile français est constitué de PME. Pour être en mesure d’innover dans des usines 4.0, ces PME ont besoin d’investissements massifs. “Les demandes sont parfois à la hauteur du chiffre d’affaires”, commente Olivier Ducatillon. “Les startups sont trop peu nombreuses dans ce secteur, heureusement, les grands industriels ont pris les devants, et ont eux-mêmes fait de l’incubation et de la recherche”, soulève Sarah Tolognat. 

Un sujet d’attractivité qui concerne également le recrutement. “Les anciennes générations ne poussent pas leurs enfants et petits enfants à aller travailler dans le textile. Elles ont souffert des fermetures, parfois effectué des tâches pénibles. Pourtant, les métiers proposés par l’industrie aujourd’hui n’ont plus grand-chose à voir”, explique Olivier Ducatillon. 

Ce dernier cite l’exemple de Cousin Surgery, une usine implantée dans le nord de la France, où les couturières, travaillent sur des textiles qui auront des applications médicales dans le traitement de hernies discales ou la réparation de ligaments. 

L’industrie textile : un modèle à repenser 

La question de la spécialisation industrielle dans le secteur textile est clé. La spécialisation sur des textiles de qualité et des secteurs niches semble être une voie intéressante pour l’industrie française.

“Le textile est une industrie très exportatrice. En se spécialisant sur des secteurs niches, les sociétés peuvent créer de la valeur”, commente Sarah Tholognat. 

Cette spécialisation industrielle est donc intimement liée à l’innovation et aux besoins de financement. Les textiles techniques sont de plus en plus populaires, car ils permettent d’avoir des champs d’application toujours plus importants. Pour pérenniser le secteur, il est essentiel de poursuivre l'innovation pure et de faire reconnaître le textile comme un composant nativement innovant et disruptif. 

De plus, investir dans la recherche pourra aussi permettre de décarboner plus rapidement l’industrie. “Le textile est une industrie plus facile à décarboner que d’autres. En investissant massivement dans la recherche, il est par exemple possible d’innover et de réduire significativement l’impact carbone”, explique Sarah Tholognat. 

S’inspirer des modèles allemands et italiens

Les sociétés les plus rentables et performantes, et qui ont une capacité de recherche et d'investissement, sont celles qui sont intégrées verticalement, de la filature à la vente de produits finis. C’est un modèle vertueux, qui permet de conserver les marges intermédiaires, mais qui nécessite beaucoup de fonds et n’est donc pas à la portée de tous”, analyse Sarah Tholognat. 

Mais quand les sociétés n’ont pas la taille critique pour investir, il existe tout de même des alternatives. “En France, nous ne sommes pas bons dans cette approche de “chasser en meute”. Les Italiens et les allemands l’ont compris avant nous, et c’est la raison pour laquelle ils ont un tissu industriel beaucoup plus fourni que le nôtre”, explique Olivier Ducatillon.“Il faudrait que la France se rapproche des modèles allemands et italiens. L’Italie, par exemple, a mis en place un modèle collaboratif très puissant. Chaque société est très spécialisée, mais interconnectée avec d’autres, notamment via la création de joint-ventures, ce qui leur permet de répondre ensemble à de gros clients sans perdre les marges intermédiaires”, conclut Sarah Tholognat.